Читаем Tango chinetoque полностью

Et je me laisse aller à l'envers, Je me reçois bien, c'est à peine si je fais quatre pas en titubant un peu.

Au tour de Sa Majesté, maintenant. Il prend la position idoine, seulement, au dernier moment, v'là son enfoiré de bélier qui s'élance et qui lui saute dans les bras. Le Gros va à dame avec le bestiau sur le placard. Étourdi il met du temps à se relever. Il est tout contusionné et il maudit son féal admirateur en termes qui n'ont rien de chinois.

— Écrase, enjoins-je. C'est pas le moment de nous faire repérer.

Seulement, Alexandre-Benoît, vous le connaissez ? Partout où il passe et quoi qu'il fasse, ça donne un numéro de cirque de bonne venue. Il me rejoint en boitillant, avec son foutu mouton sur les talons, qui bêle caverneux.

On s'éloigne de l'hosto. J'espère que tout se passera bien pour le camarade Lang Fou Ré et qu'il viendra vite à la rescousse. C'est angoissant de ne pas parler la langue d'un pays lointain. On s'y sent perdu ; on s'y noie, on y étouffe…

Nous nous trouvons à l'angle de deux ruelles ombreuses.

Je distingue le chauffeur occupé à parlementer avec les motards. Puis il pénètre dans l'hosto avec l'un d'eux. Mes vœux l'escortent aussi. S'il fait une fausse manœuvre ou bien si l'alerte est donnée nous serons vite récupérés, tout de blanc vêtus, dans cette ville où tout le monde est en bleu !

— On ferait mieux de se débiner, réfléchis-je.

— Où veux-tu que nous allâmes ? objecte le Pertinent.

Il a raison. Jamais l'inanité de notre entreprise ne m'est apparue aussi formellement. Elle est encore plus évidente dans cette ville que dans le désert. La nature n'est jamais aussi hostile que les hommes. Jamais !

Ça y est, il arrive, souffle mon compagnon. Effectivement, le camarade Lang Fou Ré dévale le perron de l'hosto et se dirige vers nous d'un pas martial.

Des infirmiers s'empressent autour du camion, des vrais qui vont embarquer le pauvre toubib vers des mains plus qualifiées que les nôtres.

— Mince ! soupire Béru, j'ai oublié mon morceau de parchemin dans le bide du client tout à l'heure. Je m'en ai servi pour essuyer le sang, et puis je lui ai laissé mon message dans le baquet.

— Ça va être cocasse pour le chirurgien qui le rouvrira lorsqu'il trouvera un billet sur lequel est écrit « merde pour celui qui le lira » ! rigolé-je.

— Venez ! nous dit Lang Fou Ré.

Il paraît décidé, ce petit gars. C'est bien le bouddha qui nous l'envoie, vous avouerez.

— Où qu'on va ? demande le Béru.

— Chez un oncle à moi qui habite la ville. Cela fait des années que je ne l'ai pas vu, j'espère qu'il acceptera de nous aider…

Il nous entraîne dans un dédale de rues grouillantes. Il y a des types à vieux vélos, des pousse-pousse, des charrettes à bras. On se cogne contre des éventaires.

Le ventre du Gros gargouille de plus en plus fort, comme un torrent en crue dans une gorge resserrée.

Derrière nous, Cyprien suit, tète basse, la langue sortie. Il paraît harassé.

De temps à autre Bérurier se retourne.

— J'espère qu'il acceptera de nous faire cuire un gigot, ton oncle, fait-il à notre mentor.

— Je doute qu'il ait un gigot à nous offrir, murmure Lang Fou Ré.

— Moi j'en ai deux, murmure Sa Majesté en montrant l'animal. Plus deux épaules de mouton et une tripotée de côtelettes. Avec du riz et de l'oignon frais, je te promets un repas de gala.

— C'est ici ! dit soudain le jeune homme en nous montrant une échoppe vieillotte pleine d'un bric-à-brac indéfinissable. Attendez-moi un moment, je vais tâter le terrain.

Il disparaît dans le magasin. Je commence à me sentir vraiment mal dans ma peau. Les gens se détronchent sur nous, furtivement. Ces deux infirmiers flanqués d'un mouton constituent une image par trop insolite. A la rigueur, moi avec ma bouille badigeonnée de teinture d'iode et mes lunettes noires je peux faire illusion, mais pas le Mastar dont la trogne enluminée et la bedaine n'ont rien de chinois.

Quelques minutes s'écoulent. Et puis Lang Fou Ré réapparaît dans l'encadrement de la boutique. D'un signe de tête il nous engage à le rejoindre, ce que nous faisons de grand cœur.

— Mon oncle est d'accord pour nous héberger quelque temps, dit-il.

L'échoppe est celle d'un brocanteur. On y trouve une foule de saloperies chinoises qui raviraient les standistes du marché Biron.

Un petit vieillard chenu se tient dans le coin le plus sombre, assis dans un fauteuil garni de coussins moisis. Il est ridé comme une morille déshydratée et on dirait qu'il n'a plus d'yeux, tellement ses paupières sont plissées. Une barbiche blanche, longue et étroite, lui pend au menton, comme une queue. Il écarquille ses paupières et alors seulement, un peu d'humidité au fond des cavités semble indiquer qu'il nous voit. Lang Fou Ré dit des trucs. Le vieillard en dit d'autres. Il incline la tête dans notre direction. Je me casse en deux, cérémonieusement, sachant combien les Chinois sont sensibles à l'extrême politesse.

Plus débonnaire, Béru lui tend une pogne large comme un siège de faucheuse.

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