Moi, vous me connaissez ?J'ai pas l'habitude de vous mener en bateau, et quand ça m'arrive, c'est moi qui rame !Alors si je vous affirme que vous n'avez pas encore jamais lu un bouquin comme celui-ci, vous pouvez me croire !Dans le Tango chinetoque, vous allez trouver des trucs qui vous feront dresser les poils des bras sur la tronche ! Vous y verrez comment, en Chine, on fabrique mille kilomètres d'autoroute par jour ! Comment un mouton tombe amoureux de Béru ! Comment Béru opère de l'appendicite un zig qui n'en a pas besoin ! Vous y verrez comment le Gros et moi on se paye une virouze dans le cosmos ! Parfaitement ! Et puis, l'amour à la chinoise, ça ne vous dit rien ?Cette extraordinaire aventure se passe en Chine, mais on ne rit pas jaune pour autant. Et si le coq gaulois se fait déplumasser le dargif par moments, ça ne l'empêche pas de chanter fort !Non, franchement, je plains Louis XVI qui est mort trop tôt pour avoir pu lire ça !SAN-ANTONIO
Иронический детектив, дамский детективный роман / Шпионский детектив18+San-Antonio
Tango chinetoque
AVERTISSEMENT
(SOLENNEL)
Et d'abord mettons-nous bien d'accord !
L'affaire dont je vais vous entretenir ici est ultra-secrète et je prends une responsabilité terrible en vous la confiant.
Si je le fais c'est parce que j'ai la faiblesse de croire en votre discrétion. Néanmoins vous allez me donner votre parole d'honneur de brûler ce livre dès que vous l'aurez lu pour éviter toute possibilité de fuites.
De la sorte, je serai plus tranquille.
Et même, si vous ne vous santez pas capables de garder un secret, de vivre avec lui, de le choyer, de le chouchouter sans jamais le montrer à quiconque, ou encore si vous détestez le style san-antonien, alors brûlez ce bouquin avant de le lire.
Ça gagnera du temps !
Et ça sera plus prudent !
Vu ?
Bon, fermez les volets, donnez un tour de clé à la porte et débranchez le téléphone.
Je commence !
CHAPITRE PREMIER
Félicie est sur le pas de la porte, qui m'attend. Elle voit déboucher mon taxi de très loin, et son visage gris s'éclaire. Voilà qu'une fois de plus son rejeton rejoint sa base. L'aura-t-elle assez attendu, ce galopin de San-Antonio, M'man ! Lorsque j'allais en classe, si j'avais le malheur de m'attarder à tirer des sonnettes ou à bécoter des écolières (mais oui, déjà) sous des porches, j'étais certain d'apercevoir en revenant sa silhouette anxieuse adossée au pilastre de la grille. Elle croit que le fait de m'attendre dehors, ça brusque mon retour, ou plutôt que ça me protège. Et peut-être est-ce vrai que l'anxiété des mères protège leurs enfants ? Peut-être que leur tourment dégage de grandes ondes bénéfiques qui s'étalent sur le monde plein de péril et vont emmitoufler les petits d'hommes ? Je veux bien croire à ça, moi, San-A ! Oui, je veux bien. Dans la monstrueuse indifférence de l'univers la seule île dont le sol ne foire pas sous vos pieds, c'est l'amour maternel.
Donc elle est là, devant le jardin, Félicie. Tendre sentinelle soucieuse de détourner des dangers incertains. Dans la petite rue paisible, bordée de pavillons douillets et discrets avec des grilles débordant de rosiers, un chien-de-voisin zigzague de poubelle en poubelle d'un air préoccupé de contrôleur en action.
Mon bahu stoppe devant notre portail et je bondis au cou de ma brave femme de mère.
— Tout s'est bien passé, mon grand ?
— Au poil, m'man.
Je douille le Ruski de la maison taxi et récupère ma valoche de cuir. Mais, au moment où le conducteur va déhoter, v'là que Félicie tape à sa vitre.
— Attendez ! lui crie-t-elle.
Je file à M'man un regard surpris.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Écoute, mon grand, Mme Bérurier a téléphoné tout à l'heure. Elle voulait te parler, elle était en larmes, les sanglots l'étouffaient : Elle m'a demandé si tu étais de retour et a supplié que tu passes la voir dès ton arrivée, alors je pense que…
Brave vieille Félicie. Je sens combien ça lui coûte de, me rembarquer séance tenante. Elle aimerait tellement m'avoir un peu à elle, me mijoter un petit plat et regarder la téloche assise près de moi dans le vieux canapé de la salle à manger…
— Tu crois que ça urge ?
— Il vaut mieux que tu ailles voir tout de suite, Antoine !
— Tu as raison. Bon, je te laisse ma valise et je fais l'aller-retour.
Une bise hâtive et je virgule l'adresse du Gros à mon pilote.
Qu'est-ce qu'y a bien pu arriver chez les Béru ? Sa Majesté aurait-elle débloqué une fois de plus ? A-t-elle été victime d'un accident ou d'un coup fourré ?
Je file un coup de périscope par la lunette arrière du taxi. Je vols la silhouette un tout petit peu voûtée de Félicie rentrant ma valise. Ça me fait du triste partout. Ce soir, je l'emmènerai à l'Olympia et ensuite je lui paierai une jaffe chez Lipp. Faut que je la sorte un peu, Mman, pas qu'elle s'encroûte à la maison. Elle a besoin de voir du monde, d'entendre de la musique…
L'homme au compteur-entre-les-dents me débarque devant le Béru's office. Quatre à quatre j'escalade son escadrin. Parvenu à son étage, je ressens un moche pincement au battant. La lourde est ouverte et c'est plein de monde à l'intérieur de l'appartement. Des gens que je connais, d'autres que je ne connais pas ; tous sont en sombre et en larmes. « Ça y est, me dis-je, le Gros est canné. » Ça me file une nausée, pareille idée. L'existence sans Bérurier, ça ne se conçoit plus. Il fait partie intégrante de ma vie. Il est le sol généreux de mon univers. Un sol un peu fangeux, mais duquel pourtant jaillissent de belles et blondes moissons.