Je prends le chemin indiqué. Cette fois nous pénétrons dans un vaste local qui sent la buanderie. Une demi-douzaine de
— Où allez-vous, les gars?
— Aux douches! dis-je. Le doc veut que mon copain en prenne une dare-dare car il a plus de poux qu'un asile de nuit.
Le sergent fronce ses narines délicates.
— Vous étiez dans quel coin?
— On arrive de sa Sen Pa Bon où ça chauffe drôlement, les Viets attaquent à l'aveuglette, avec des sarbacanes blanches par lesquelles ils propulsent des bactéries.
— Des vrais démons! fait le sergent. Mais on les rôtira tout de même, quitte à se les faire à l'Hydrogène.
Il ajoute:
— Les douches sont là!
Je remercie d'un hochement de tête et m'apprête à pousser la lourde indiquée lorsque cette dernière s'ouvre sur un nouveau
— Sergent! interpelle-t-il, il faudrait prévenir un toubib en vitesse, le prisonnier Curtis vient de se blesser dans sa douche.
Pour le coup, je récupère. Avouez que, nonobstant mes affres, jusqu'à présent ça baigne dans l'huile, non? Qu'est-ce qui nous sépare de Curt? Un gros coup de bluff et de cran. Et qu'est-ce qui sépare Curt de la liberté? Quelques malheureux impondérables, du genre dont Joffre sut si bien s'accommoder, le moment venu.
— Comment ça, blessé? demande le sergent.
— Il a glissé dans l'eau savonneuse et s'est estourbi contre le mur. Il ne remue plus et son nez pisse le sang, explique le
— Fait voir, dit le sergent en se levant.
Il sort avant nous tandis que ses cinq hommes, peu captivés par l'accident, se remettent à distribuer les cartes. Béru qui n'a rien entravé me coule un regard tellement interrogatif qu'on pourrait s'en faire un crochet à bottines. Je le rassure et l'exalte d'un clin d'oeil.
Mine de rien, on file le train aux deux bonshommes. Le
Le Gros, avec un synchronisme que la T.V. française ignore encore, est rentré bille en tête dans l'estomac du deuxième
— Tu peux te relever, Curt! je murmure.
Mais il ne bronche pas. Cette crêpe d'aviateur, en voulant se démolir le noze s'est bel et bien mis
— Aide-moi à me désenturbanter! enjoins-je au Gros.
Rapidos, je me débarrasse de mon pansement frontal, ensuite de quoi je récupère la chemise du premier
— Prends Curtis sur tes épaules!!
Le Gros est devenu un outil. Il est docile, précis. Il ne moufte pas.
— On ressort, dis-je. Direction l'ambulance.
Acquiescement silencieux de l'Hénorme. Notre cortège se met en route. Premier obstacle, le poste où les cinq soldats cognent du carton. Ils lèvent la tête en nous apercevant. Moi, à la lourde, je me retourne vers les douches et je lâche un déférent:
— O.K., sergent, on y va tout de suite!