Читаем Mange et tais-toi полностью

Elle pose sa main sur la mienne, caresse longuement les poils qui la virilisent et dit d'une voix énergique:

— Vous reviendrez, Tony. Et je serai là avec une auto.

Merci de la confiance. Néanmoins ce bel optimisme marqué par Laura ne suffit pas à chasser de mon cœur l'angoisse qui l'envahit. J'étais gonflé à bloc, et puis la mort du gros infirmier et le lâchage (justifié) de Lathuile m'ont fait choir le moral.

Manière de me doper, j'ai avec mon corps un entretien privé.

— Tu trembles, carcasse, je lui dis comme ça, mais si tu savais où je vais te mener tout à l'heure, tu tremblerais bien davantage.

C'est pensé, non? Quand je m'y mets, je fais du bon dialogue.

<p>CHAPITRE VII</p>

— Et si ça tourne au vinaigre? s'inquiète Béru en parlant: de côté, ce qui lui donne la voix de jean Nohain.

— La fuite! réponds-je.

— Et si la route est coupée?

— On fera camarade.

— Pas de castagne?

— Avec les poings only, boy. Les pétards seulement pour intimider. T'es certain que tu ne veux pas déclarer forfait pendant qu'il en est encore temps? Après tout nous ne sommes pas en mission commandée, je travaille à mon compte!

— J'ai rien contre le petit artisanat, hé, Tordu! rouspète le Dodu sous son sparadrap.

Nous parvenons à la porte du camp.

— Alors, allons-y, mon pote! Deux pour tous, tous pour deux et haut les cœurs! clamé-je en actionnant à pleine turbine la sirène de l'ambulance.

Un factionnaire qui s'avançait vers notre chignole arrête son mouvement de barrage en me voyant foncer.

— Barre ta viande, ça urge! lui lancé-je.

Du pouce, je désigne l'intérieur de mon carrosse à croix rouge. Il opine et s'écarte. J'appuie sur le champignon. Faut me voir évoluer, sirène au vent, dans les ruelles du camp.

Les militaires qui y déambulent se plaquent contre les baraquements. C'est toujours impressionnant, une ambulance militaire pilotée par un zig ensanglanté. Ça laisse présager de sinistres hécatombes à l'intérieur.

Malgré ma rapidité d'action je trouve le moyen de filer un coup de périscope sur ma montre. Il est huit plombes pile. On doit sortir Curtis de sa geôle en ce moment. A moins qu'à la veille de son exécution on néglige, de le conduire aux douches? Tout est à craindre. Je ne sais pas pourquoi, j'ai la pétoche. Vous me répondrez qu'au moment de tenter un coup aussi délicat, on peut se permettre de chocotter, même si l'on s'appelle San-Antonio et qu'on n'en soit plus à compter ses exploits. Pourtant, d'ordinaire, l'imminence de l'action me survolte. Au cœur de la bataille, j'ai l'esprit Bayard. Au lieu de retrouver ma mentalité Tarzan, voilà mon guignol qui chamade, mes soufflets qui coincent, ma raison qui me ravaude les tempes.

— Ça boume, Gros? je demande, comptant sur la chaude présence de mon saint-Bernard pour récupérer.

— Faut faire aller, dit-il.

Ça ne lui ressemble pas. Est-ce une idée que je me fais? Il me semble en cours de traczir, lui aussi.

J'atteins le bâtiment servant de prison. Je le remonte en direction de l'infirmerie. Voilà la porte d'icelle. Une lourde à deux battants.

— On va brancarder le gus de derrière annoncé-je au Gros.

Aussitôt dit, aussitôt fait.. On s'empare de la civière, on la déploie et on saisit le blessé.

— Dis donc, grommelle la Cirrhose, ils ont pas de veine avec nous, les Amerloques. J'sais pas si t'as remarqué, mais il est viande-froide, Popaul. Il supporte pas les voyages en wagon-couchette!

— Tu vas la boucler, triple c…!: sourdiné-je en voyant rappliquer deux infirmiers.

Des drôles de mastars, les arrivants, soit dit entre nous et le Canal de Suez. Des Rouquins pleins de taches de son avec des nez en pied de marmite et des mentons comme des boîtes à chaussures.

— De la casse? ils demandent.

— On est tombés dans une embuscade! annoncé-je. Occupez-vous du copain, on va se faire panser!

Le plus rouquin des deux — un vrai chalumeau oxhydrique — demande:

— Où sont Bob et Ted?

Je pige qu'il a reconnu le véhicule et qu'il s'inquiète de ses convoyeurs.

— Sur le carreau! je soupire avec un haussement d'épaules. La salle de soins?

— Au fond du couloir à gauche! On revient tout de suite.

— Merci les gars.

J'entraîne Bérurier dans le local. Selon moi, les douches se trouvent côté prison. Donc, à droite. Dès que nous sommes hors de la vue des infirmiers j'oblique dans la direction opposée à celle qu'ils nous ont indiquée et je pousse une lourde.

Nous nous trouvons dans une espèce de burlingue où deux gars en blouse blanche matent des radios de l'estomac appliquées contre un cadran lumineux.

— Excusez, docteurs, — dis-je. Les douches, please.

Je désigne Béru.

— C'est pour mon copain; faut qu'il en prenne une avant de se faire soigner, il est grouillant de vermine.

Les toubibs qui s'avançaient déjà ont un mouvement de recul.

— Vous ressortez, c'est la deuxième porte après celle-ci.

— Merci.

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