Читаем Le Soldat Oublié полностью

Pour la première fois, la Russie me parut énorme et lugubre. J’eus la très nette impression que l’horizon immense et lourd de grisaille venait de se refermer sur nous. Je frissonnais de plus belle. Trois quarts d’heure plus tard, nous roulions dans les faubourgs ravagés de Kharkov. Le faible éclairage de nos camions ne nous permettait pas de voir beaucoup de choses, mais tout ce qui tombait dans le faisceau des phares était mutilé.

Après une nuit passée une fois de plus sur le plancher du Renault, j’eus la possibilité de voir le lendemain, au grand jour, le chaos qui constituait le restant d’une ville pourtant importante : Kharkov, la ville rasée par quatre grandes batailles.

En effet, au cours des années 1941, 42, 43, elle fut tout d’abord prise par notre armée, puis reprise par les Russes, reprise par les Allemands, et définitivement reprise par les bolcheviks. À cette époque, nos troupes s’en étaient emparées une première fois et ne l’avaient pas encore perdue. Pourtant Kharkov ne ressemblait plus qu’à un fatras démantelé et calciné. Des hectares de maisons rasées servaient de sanctuaire à des monceaux de carcasses d’engins de toutes sortes, que les troupes occupantes avaient amassés çà et là pour dégager la route.

Ces amas de ferrailles tordues, déchiquetées, témoignaient des horribles moments de cette bataille, et l’on pouvait imaginer sans peine ce qu’avait été le sort des malheureux combattants. Maintenant, immobiles sous leur linceul de neige qui les recouvrait partiellement, ces cadavres d’acier marquaient une étape de la guerre. Celle de Kharkov.

Dans les quelques quartiers qui restaient encore debout, la Wehrmacht s’était organisée. Remarquablement installé dans un grand bâtiment, le service sanitaire fut pour nous un bain de jouvence. Puis, nous fûmes conduits, en plein après-midi, vers une succession de caves qui formaient un long souterrain dans lequel étaient installés des lits de toutes sortes. On nous conseilla de prendre du repos. Malgré l’heure insolite, nous sombrâmes presque tous dans un sommeil de plomb. Nous fûmes réveillés par un sergent qui nous invita à le suivre à la cantine. Là je retrouvai Halls, Lensen et Olensheim. Nous parlâmes de choses et d’autres et surtout de la chute de Stalingrad.

— Cela n’est pas possible, maintenait Halls. La VIe armée ne peut pas avoir plié devant les Soviets, bon Dieu !

— Mais, puisque le communiqué disait qu’ils étaient encerclés, qu’ils n’avaient plus rien, ils ont été forcés de se rendre, les pauvres types.

— Alors il faut essayer de les dégager, surenchérissait un autre.

— Trop tard… laissa tomber un vieux. Tout a été fait…

— Merde, merde, merde ! jurait Halls en serrant les poings. Je ne peux pas y croire.

Si, chez certains, la défaite de Stalingrad avait été le coup d’assommoir, chez d’autres au contraire elle avait provoqué une réaction vengeresse qui ranimait un courage bien défaillant. Dans notre groupe, étant donné les différences d’âges entre les uns et les autres, les avis étaient partagés. Les vieux étaient de plus en plus défaitistes alors que nous les jeunes nous jurions de libérer ceux de la VIe armée. Nous nous dirigions à nouveau vers notre cave-dortoir, lorsque éclata une altercation dont je fus vraiment le responsable.

Le gars à la rotule abîmée, celui que j’avais eu à mes côtés dans ce satané Renault, venait de m’emboîter le pas.

— Alors, tu es content, me dit-il, on va sans doute s’en retourner demain.

Je crus lire sur son visage une certaine ironie. Je me sentis devenir rouge de colère.

— Ça va, vous, hurlai-je, vous êtes satisfait, nous allons retourner, c’est en partie votre faute si mon oncle est mort à Stalingrad.

Il devint blême.

— Qui te dit qu’il est mort ? grogna-t-il.

— S’il n’est pas mort, c’est encore pis ! continuai-je. Vous n’êtes qu’un lâche ! C’est vous qui m’avez dit que nous devrions les laisser tomber.

Ahuri, il regardait à droite et à gauche. Comme j’allais continuer, sa main se referma sur le col de ma capote.

— Silence ! ordonna-t-il en levant le poing.

Déjà j’envoyais mon pied en avant qui heurta son tibia. Il allait frapper, lorsque Halls lui arrêta le bras.

— Ça va, dit calmement ce grand lascar de Halls. Arrêtez, vous allez vous faire coller en taule.

— Toi aussi, tu es un jeune qui en veut ? clama l’autre, qui était maintenant sous l’empire de la colère. Vous allez tous en avoir, bande de… !

— Lâche-le, insista Halls.

— Merde ! cracha mon antagoniste.

Il n’ajouta rien : un « plack » magistral, produit par le poing de mon copain, venait de l’attraper au menton. Virevoltant sur lui-même, il s’écroula le cul dans la neige. Déjà Lensen arrivait lui aussi.

— Bande de jeunes fumiers ! lança mon chauffeur de la « troisième internationale ».

Il tenta de se relever pour se relancer à l’attaque.

Lensen, ce courtaud trapu, lui envoya un coup de botte ferrée dans la figure avant qu’il ne fût debout. Avec un cri de douleur, il retomba sur les genoux en portant ses mains à son visage ensanglanté.

— Sauvage ! lança quelqu’un…

Перейти на страницу:

Похожие книги

Адмирал Советского Союза
Адмирал Советского Союза

Николай Герасимович Кузнецов – адмирал Флота Советского Союза, один из тех, кому мы обязаны победой в Великой Отечественной войне. В 1939 г., по личному указанию Сталина, 34-летний Кузнецов был назначен народным комиссаром ВМФ СССР. Во время войны он входил в Ставку Верховного Главнокомандования, оперативно и энергично руководил флотом. За свои выдающиеся заслуги Н.Г. Кузнецов получил высшее воинское звание на флоте и стал Героем Советского Союза.В своей книге Н.Г. Кузнецов рассказывает о своем боевом пути начиная от Гражданской войны в Испании до окончательного разгрома гитлеровской Германии и поражения милитаристской Японии. Оборона Ханко, Либавы, Таллина, Одессы, Севастополя, Москвы, Ленинграда, Сталинграда, крупнейшие операции флотов на Севере, Балтике и Черном море – все это есть в книге легендарного советского адмирала. Кроме того, он вспоминает о своих встречах с высшими государственными, партийными и военными руководителями СССР, рассказывает о методах и стиле работы И.В. Сталина, Г.К. Жукова и многих других известных деятелей своего времени.Воспоминания впервые выходят в полном виде, ранее они никогда не издавались под одной обложкой.

Николай Герасимович Кузнецов

Биографии и Мемуары
100 великих гениев
100 великих гениев

Существует много определений гениальности. Например, Ньютон полагал, что гениальность – это терпение мысли, сосредоточенной в известном направлении. Гёте считал, что отличительная черта гениальности – умение духа распознать, что ему на пользу. Кант говорил, что гениальность – это талант изобретения того, чему нельзя научиться. То есть гению дано открыть нечто неведомое. Автор книги Р.К. Баландин попытался дать свое определение гениальности и составить свой рассказ о наиболее прославленных гениях человечества.Принцип классификации в книге простой – персоналии располагаются по роду занятий (особо выделены универсальные гении). Автор рассматривает достижения великих созидателей, прежде всего, в сфере религии, философии, искусства, литературы и науки, то есть в тех областях духа, где наиболее полно проявились их творческие способности. Раздел «Неведомый гений» призван показать, как много замечательных творцов остаются безымянными и как мало нам известно о них.

Рудольф Константинович Баландин

Биографии и Мемуары
100 великих интриг
100 великих интриг

Нередко политические интриги становятся главными двигателями истории. Заговоры, покушения, провокации, аресты, казни, бунты и военные перевороты – все эти события могут составлять только часть одной, хитро спланированной, интриги, начинавшейся с короткой записки, вовремя произнесенной фразы или многозначительного молчания во время важной беседы царствующих особ и закончившейся грандиозным сломом целой эпохи.Суд над Сократом, заговор Катилины, Цезарь и Клеопатра, интриги Мессалины, мрачная слава Старца Горы, заговор Пацци, Варфоломеевская ночь, убийство Валленштейна, таинственная смерть Людвига Баварского, загадки Нюрнбергского процесса… Об этом и многом другом рассказывает очередная книга серии.

Виктор Николаевич Еремин

Биографии и Мемуары / История / Энциклопедии / Образование и наука / Словари и Энциклопедии