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Fiévreux, torturé par la faim, la soif et la souffrance, Ankrel était désormais persuadé qu’il ne sortirait jamais de cette grotte, qu’elle deviendrait bientôt son tombeau. Le cadavre de sa monture gisait dans la pénombre quelques pas plus loin.

Elle avait amorti la chute de son cavalier avant de rebondir sur le sol comme une vulgaire pomme de jaule, de rouler sur elle-même et de heurter le pied d’une paroi. Ankrel, lui, avait perdu connaissance. Réveillé par des élancements atroces dans sa jambe droite, étendu sur une surface rugueuse inconfortable, il avait voulu changer de position, mais la douleur s’était accentuée, et il lui avait semblé entendre un craquement sinistre. Il avait envoyé sa main en reconnaissance et découvert, au-dessous du genou, sa peau transpercée par les esquilles des os brisés. Puis, quand il s’était accoutumé à la très faible lumière qui baignait l’excavation, il avait vu les pointes osseuses se dresser, telles des aiguilles de montagnes miniatures, au-dessus d’une bouillie de chair et de sang, il avait vu l’angle que faisaient son tibia et son fémur, il avait pris peur, il avait pensé qu’il ne pourrait plus jamais marcher, courir, parcourir le sentier des lakchas, il avait pleuré, il avait essayé de réparer ce membre et ses rêves en miettes, mais la douleur l’avait happé comme une gueule gigantesque, immonde, et l’avait broyé jusqu’à ce qu’il s’effondre sur le dos et perde à nouveau connaissance.

Depuis, il avait alterné les périodes de réveil en sursaut, de lucidité et de délire fiévreux, mais il ne pouvait toujours pas bouger, pas même la tête ou la main, chaque mouvement réveillant le monstre de douleur qui somnolait entre deux attaques. Bien qu’ayant perdu toute notion de temps, il avait déduit, à la baisse sensible de la luminosité déjà maladive, que la nuit n’allait pas tarder à tomber, qu’il avait déjà passé un après-midi entier dans cette excavation. Il aurait sans doute mieux valu être enlevé par les umbres plutôt que de subir une lente agonie dans une faille anonyme et infernale du nouveau monde. Les prédateurs volants ne faisaient qu’une bouchée de leurs proies, ne leur laissaient donc pas le temps de souffrir, tandis que sa blessure se conjuguerait à la faim et la soif pour entretenir son calvaire pendant des heures. Il n’avait même pas la possibilité de mettre fin à ses tourments, son poignard s’était échappé de son étui pendant sa chute.

Il se demandait régulièrement ce qu’étaient devenus Jozeo et les autres. Les umbres avaient-ils fondu sur eux, la terre s’était-elle ouverte sous les sabots de leurs montures ou bien avaient-ils trouvé un autre moyen d’échapper aux prédateurs volants ?

Quelle idée prétentieuse et stupide de croire qu’on pouvait traquer les umbres comme de vulgaires yonks ! Leur mode de déplacement, leur vitesse d’exécution, leur mystère leur donnaient un énorme avantage sur les chasseurs et leurs montures cloués au sol comme de vulgaires nanziers. Comment un lakcha de l’expérience de Jozeo s’était-il laissé embringuer dans une expédition aussi absurde, vouée à l’échec avant même son départ ? Le cercle ultime des protecteurs des sentiers exerçait-il une telle influence sur ses adeptes qu’il leur retirait toute discrimination, toute personnalité ?

Et lui, en avait-il eu, de la discrimination, de la personnalité, lorsqu’il avait violé cette fille dans la grange ? Ils l’avaient piégé, comme Jozeo, comme les autres, ils l’avaient poussé à la faute, ils l’avaient marqué de leur sceau, ils lui avaient retiré tout espoir de mener une existence ordinaire. La seule façon de se libérer de leur satané pacte, c’était la mort, l’intervention de ces chanes qui le cernaient déjà dans les ténèbres et dont il percevait le souffle, les chuchotements, les froissements, les craquements.

Ils hurlaient maintenant son nom, le jaune flamboyant de leurs yeux ricochait sur les dentelles rocheuses, leurs squelettes s’allongeaient démesurément et se désarticulaient sur les aspérités, sur les reliefs, leurs voix déchiraient l’obscurité, leurs visages grimaçants se penchaient sur lui, leurs bras se tendaient vers lui, le soulevaient, l’emportaient.

La douleur à nouveau, avide, cruelle, intolérable.

La nuit, noire. Si noire.

Il rouvrit les yeux, eut besoin d’un peu de temps pour reconnaître au-dessus de lui le visage souriant de Jozeo. La lumière du jour s’infiltrait en rayons étriqués par une ouverture verticale, éclaboussait le sol et les parois de flaques étincelantes. Une odeur familière de yonk dominait les relents de moisissure, de bois brûlé et de viande grillée. Des bruits étranges troublaient régulièrement le silence de la grotte. Allongé sur un épais matelas d’herbes et de feuilles, il se sentait fébrile, faible, mais la douleur à sa jambe, maintenue par une attelle de bois et posée sur des chiffons roulés en boule, s’était assourdie. On lui avait retiré ses vêtements et étalé une couverture de laine végétale sur le corps.

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