Читаем Orchéron полностью

Orchéron et les ventresecs passèrent la nuit dans le refuge souterrain révélé par les furves. Il y régnait une tiédeur agréable, et les feuilles mortes des plantes grimpantes formaient des matelas, sinon confortables, du moins acceptables. Ils avaient mangé de gros fruits à la chair blanche et sucrée qui avaient apaisé la faim d’Orchéron, ils s’étaient lavés dans le bassin naturel d’une source tiède, puis ils s’étaient répartis par petits groupes ou par couples dans la grotte qui offrait de nombreuses chambres annexes en plus de la salle principale.

Les furves s’étaient éclipsés presque aussitôt qu’ils étaient apparus dans la nuit. D’eux Orchéron n’avait aperçu que leurs longs corps souples, ondulants, lisses, luisants, leurs immenses gueules aux bords tranchants et leurs membres antérieurs, courts, puissants, munis en leur extrémité d’une griffe aiguisée, creuse et large qui évoquait une pelle. Ils s’étaient balancés un petit moment au-dessus de la cavité qu’ils venaient de forer, comme des herbes agitées par le vent, puis ils s’étaient retirés sans un bruit, sans un cri, abandonnant derrière eux un tunnel étroit aux contours nets. Les ventresecs s’y étaient engouffrés l’un après l’autre et, après avoir rampé pendant un long moment sur une pente assez raide, avaient débouché dans la cavité où régnait une odeur tenace de soufre.

Les mains d’Ezlinn sinuèrent à nouveau sur le torse d’Orchéron. Quelques instants plus tôt, elle était venue se pelotonner contre lui dans le réduit minuscule où il s’était isolé. Il n’avait pas répondu à ses avances, non parce qu’elle lui déplaisait mais parce que le souvenir de Mael était encore trop présent, trop vivace, et qu’il aurait eu l’impression de le trahir, de le salir en cédant aux sollicitations d’Ezlinn. Elle avait poussé un soupir de déception, en apparence résignée, mais sa nouvelle offensive montrait qu’elle n’avait pas renoncé, qu’elle reviendrait à la charge tant qu’il ne l’aurait pas repoussée avec la fermeté requise. Elle se frotta avec impatience contre lui et, d’une pression appuyée de la main sur l’épaule, l’invita à se retourner. L’épais tapis de feuilles sèches craqua, crépita sous leur poids.

« Tu n’as donc aucun désir pour moi ? »

Il lui effleura la joue du dos de la main. L’obscurité effaçait en partie les traits de la ventresec et donnait de la profondeur, du trouble à son regard.

« Ce n’est pas ça, répondit-il. Mael, la femme qu’ils m’ont enlevée, elle vit encore en moi.

— Les négentes l’ont emmenée dans les mondes où on ne souffre pas. Elle n’a plus besoin de toi et tu n’as plus besoin d’elle. Moi, je suis là, à tes côtés, et j’ai besoin de toi. Pour faire un enfant. »

La proposition d’Ezlinn souleva en lui à la fois de l’émotion et de la perplexité : il n’avait jamais envisagé d’être père, pas même avec Mael. Non seulement parce qu’il tardait à sortir de l’enfance, mais parce que la notion même de paternité lui était totalement étrangère. Il n’avait pas connu son père biologique, un homme sans aucune espèce d’importance selon Lilea, une ombre, et il n’avait pas réussi – ni même essayé d’ailleurs – à reconstituer l’image paternelle auprès d’Aïron.

« Il y a d’autres hommes que moi », murmura-t-il dans un souffle.

Elle se redressa sur un coude et le dévisagea avec dans les yeux des lueurs de dépit, de colère presque.

« Plein d’autres ! Et aucun ne m’a jamais refusée. Jamais ! »

Elle rajusta rageusement sa robe et, ramassée sur elle-même pour ne pas se cogner à la voûte basse, sortit de la petite excavation. Il regretta de l’avoir déçue, d’autant que, elle avait raison sur ce point, il ne servait à rien de remuer le passé, de ressasser les souvenirs. Il faillit lui crier de revenir, mais, brisé par les événements de la journée, il y renonça et plongea rapidement dans un sommeil où les rêves résonnaient comme de lointains, d’impalpables échos.

Lorsqu’il se réveilla le lendemain matin, les ventresecs avaient disparu. Il eut beau appeler, explorer les salles annexes, il dut se rendre à l’évidence : les matelas de feuilles séchées, les queues et les trognons des fruits étaient désormais les seules traces du séjour des errants dans la grotte.

Il mit leur disparition sur le compte de la déception d’Ezlinn : l’avait-il insultée en refusant ses avances ? Avait-elle réveillé les autres membres du clan pour filer en plein cœur de la nuit et l’abandonner à son sort ? Leur départ l’attrista. Il avait cru qu’elle comprendrait, qu’elle lui pardonnerait. Il ne l’avait pas repoussée par mépris, encore moins par dégoût, mais simplement parce que, depuis le meurtre d’Œrdwen et la mort de Mael, il n’avait pas le cœur à ça, qu’il avait besoin d’un peu de temps pour redécouvrir les enchantements de la vie.

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