Читаем Orchéron полностью

Ce n’était pas une colline mais une sorte de grand cône encadré de deux renflements symétriques, posé sur trois pieds arqués, percé de nombreuses ouvertures circulaires comme d’autant d’orbites sombres. Ankrel estima sa hauteur entre cent et cent vingt pas, et sa base à presque cent cinquante pas. Hormis les renflements latéraux légèrement arrondis, ses flancs obliques ne présentaient pas une seule aspérité. Leur matériau évoquait un bois raboté à la perfection et enduit d’un vernis végétal. Ankrel n’avait jamais vu de surface aussi lisse, aussi brillante, exception faite peut-être du miroir figé de la rivière Abondance pendant la canicule de la saison sèche.

Les cavaliers réduisirent instinctivement l’allure. Dressé au milieu d’un paysage désolé, vêtu de pourpre par la lumière rasante de Jael, le cône avait maintenant quelque chose d’intimidant, d’effrayant, comme son mystère s’épaississait au fur et à mesure qu’ils s’en rapprochaient. Gagnés eux-mêmes par la nervosité, les yonks renâclaient et poussaient des mugissements sourds. Leurs robes détrempées s’enrobaient d’une vapeur fine, teintée de rouge elle aussi.

Les quatre hommes mirent pied à terre, attachèrent leurs montures et celle de Mazrel aux grosses pierres qui jonchaient la terre sèche, se désaltérèrent puis abreuvèrent leurs bêtes en leur glissant le goulot de leurs gourdes entre les lèvres.

« Il n’y a pas à en avoir peur, dit Jozeo en désignant le cône. Le cercle ultime m’en a parlé. Il ne s’agit que d’une arche vide. Elle ne présente aucun danger.

— Une… arche ? s’étonna Ankrel.

— Nos ancêtres sont arrivés par un vaisseau similaire, quoique sans doute plus grand.

— Tu veux dire que…

— L’Agauer, coupa Jozeo. Nous nous trouvons devant le vaisseau du deuxième peuple. »

Ankrel leva les yeux sur le cône qui, soudain, prenait une tout autre dimension dans le crépuscule du deuxième continent. Si Jozeo disait vrai, cette étrange colline aux pentes lisses avait décollé de la planète des origines et vogué dans le vide infini de l’espace, au milieu des étoiles, avant d’atterrir un jour sur le nouveau monde.

Orlailla, une djemale séculière du mathelle de Velaria, une vieille femme aux bajoues tremblantes et à l’haleine pestilentielle, affirmait qu’une distance d’une douzaine d’années-lumière séparait la planète des origines et le nouveau monde. Ankrel avait toujours eu les pires difficultés à se remémorer les rudiments de savoir inculqués par Orlailla, mais ce chiffre, douze années-lumière, était resté gravé dans sa mémoire. Il n’avait aucune idée de ce que représentait une année-lumière, mais le vertige que provoquaient en lui ces deux mots accolés suffisait à traduire l’énormité du trajet parcouru par les passagers de l’Estérion.

« Pourquoi le cercle ultime n’a-t-il jamais révélé que le deuxième peuple avait atterri sur le nouveau monde ? demanda-t-il.

— Il avait intérêt, nous avions intérêt, à ce que cette histoire reste une légende, répondit Jozeo.

— Qui ça, nous ?

— Les lakchas de chasse.

— Quel rapport entre le cercle ultime et les lakchas de chasse ?

— Le même qu’il y a entre des membres d’une grande famille. Les frères de Maran et les lakchas appartiennent le plus souvent, presque toujours, aux mêmes cercles. »

L’affirmation ne surprenait pas Ankrel : c’était presque naturellement qu’il était passé du cercle de chasse d’Eshvar à celui des protecteurs des sentiers, comme s’il allait de soi que les lakchas fussent un jour ou l’autre appelés à revêtir le masque et la craine. Il ne comprenait pas, en revanche, quel but avait poursuivi le cercle ultime en empêchant la rencontre entre les deux peuples issus du même monde.

« Je suppose que le cercle ultime avait de bonnes raisons de ne pas révéler la présence du deuxième peuple, mais ne me demande pas lesquelles », ajouta Jozeo comme s’il avait épousé le cours de ses pensées.

Ankrel leva les yeux sur l’arche tout en flattant distraitement le chanfrein de son yonk.

« Le deuxième peuple… qu’est-ce qu’il est devenu ? »

Jozeo haussa les épaules, s’avança vers l’un des pieds du vaisseau et posa la main sur le matériau gris et lisse.

« Le cercle ultime nous conseille de passer la nuit à l’intérieur de l’Agauer, dit-il d’une voix forte. Il se peut qu’il y ait des créatures hostiles dans les parages. Nous atteindrons la cité de lumière demain avant le zénith. »

Allongé sur l’une des confortables couchettes d’une grande pièce, Ankrel ne trouvait pas le sommeil. Ils s’étaient introduits dans l’arche par un passage dissimulé dans l’un des trois pieds. Jozeo avait déclenché l’ouverture du sas en pressant à plusieurs reprises une minuscule demi-sphère dissimulée sous un cache pratiquement invisible.

« Du métal, avait précisé le lakcha. Nous pourrions en fabriquer beaucoup sur le nouveau monde, mais nous n’en avons pas vraiment l’utilité pour l’instant ; nos matériaux, le bois, la pierre, la terre et la corne, nous suffisent. »

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