Читаем Orchéron полностью

— Ils te regardent tous ? Aucun ne t’a oublié ? »

Jozeo secoua lentement la tête en mâchant son morceau de viande.

« Personne ne t’a jamais affirmé que le sentier du protecteur était le plus facile de tous, dit-il après un court silence. Tu souffres parce que tu n’as pas confiance en Maran.

— Ma foutue jambe était en bouillie, la ventresec l’a réparée, je l’ai récompensée en les poignardant, elle et son gosse. Elle aurait pu nous transmettre ses connaissances. »

Jozeo lança un petit bout de viande à un oiseau qui s’était posé sur le sable quelques pas plus loin. Son bec jaune le happa avec une telle vivacité qu’il ne laissa aucune chance à ses congénères rôdant autour de lui de le lui subtiliser.

« Ses connaissances, hein ? Maran les a placées sur ta route pour te guérir. Il les envoie toujours au moment voulu à ceux qui le servent avec détermination et loyauté. En dehors de ces moments, les connaissances ne servent qu’à engendrer et à entretenir des pouvoirs. Tu as bien fait de la tuer, petit frère : tu as aboli le pouvoir qu’elle avait pris sur toi.

— Il n’y a pas d’autre façon de remercier ceux qui vous rendent service ? Est-ce que je dois te tuer parce que tu m’as donné des conseils pendant mes années de formation de lakcha de chasse ?

— Cette ventresec était une étrangère, Ankrel, une parasite, une ennemie, et nous sommes tous les deux des fils de Maran, des frères, ça fait une sacrée différence. L’épargner aurait été un aveu de faiblesse. Maintenant, si tu n’y vois pas d’inconvénient, je vais m’allonger et dormir un peu. Laisse-la te regarder. Vivre en toi. Par toi, grâce à toi, elle aura peut-être un jour la chance de recevoir la bénédiction de Maran. »

Ankrel attendit que son aîné se fût allongé sur le sable et eût tiré une couverture de peau sur lui pour revenir à la charge.

« L’homme que nous poursuivons, comment a-t-il traversé les grandes eaux ?

— Il a sûrement trouvé l’autre passage, dit Jozeo en réprimant un bâillement. Un passage qui nous tuerait aussi sûrement que les umbres si nous essayions de le prendre. »

Il se tourna sur le côté, posa la tête sur une deuxième couverture roulée en boule et plongea aussitôt dans un sommeil qu’Ankrel n’osa pas interrompre. Les autres lakchas s’étaient également couchés sur le sable blanc et moelleux. Ils n’avaient pas eu le courage d’allumer un feu, qu’ils auraient pourtant pu alimenter avec les plantes rejetées par les grandes eaux et séchées par Jael, ils s’étaient contentés de grignoter des morceaux de viande froide, les yeux rivés sur cette immensité ondulante qui paraissait impossible à franchir. Ils avaient attaché leurs montures aux grands rochers qui se dressaient à intervalles réguliers le long de la plage et qui, à en croire les plantes brunes agglutinées sur leurs flancs grenus, étaient de temps en temps submergés par les vagues. Les yonks tendaient désespérément le cou pour se disputer les rares touffes d’herbe et les plaques de mousse rosâtre. Bien qu’ils n’eussent pratiquement rien bu depuis les montagnes de l’Agauer, ils avaient dédaigné le contenu saumâtre des flaques.

Ankrel traversa la plage et s’approcha des grandes eaux orientales. Des oiseaux le survolèrent, dans l’espoir sans doute de recevoir des miettes de nourriture, puis s’éloignèrent en poussant des piaillements de dépit. Fasciné par le mouvement et le grondement perpétuels des lames, il ne songea à battre en retraite que lorsqu’il eut de l’eau jusqu’à mi-botte. Jael s’affaissait à l’horizon dans un déploiement de teintes vives et de reflets chatoyants. Comment Maran, le troisième satellite, l’œil terne de la nuit, pouvait-il exercer une telle influence sur cette formidable masse liquide qui semblait animée d’une vie propre, gouvernée par une puissance infinie ? Si vraiment il advenait le miracle prédit par Jozeo, alors la souveraineté de l’enfant-dieu de l’arche ne ferait plus aucun doute, alors Ankrel deviendrait son serviteur le plus féroce, le plus fidèle, alors le regard désespéré de la ventresec cesserait de le harceler. Il se rendit près d’un grand rocher, l’escalada, s’assit sur son échine rugueuse et leva les yeux sur le ciel.

Mung, le premier satellite, le plus petit, se déployait timidement entre les lueurs des premières étoiles. La voix lointaine de sa mère résonna dans l’esprit d’Ankrel. La comptine enfantine qu’elle lui fredonnait pour l’endormir : « Mung est le bébé de la nuit, Aphya sa grande sœur, Maran le grand frère, le protecteur de nos rêves. »

Les larmes qu’il avait contenues quelques instants plus tôt devant Jozeo roulèrent sur ses joues, brûlantes, apaisantes.

Maran s’était à peine levé que les grandes eaux avaient commencé à refluer, à dévoiler des bandes de sable qui prolongeaient l’étroite presqu’île par laquelle ils étaient arrivés. Des centaines d’oiseaux s’abattaient en piaillant sur des formes grouillantes et scintillantes. Juchés sur les yonks, les lakchas attendaient le signal de Jozeo.

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