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Mes amies,

Veuillez me pardonner si mes larmes mouillent l’un ou l’autre de mes rouleaux, mais je ne puis m’empêcher de pleurer en écrivant ces lignes. Que la divine Ellula nous vienne en aide. J’en appelle aussi à Qval Djema, au grand Ab, à Lœllo, au frère Artien, à tous les héros de l’Estérion. Sans leur intercession, nous risquons de ne pas revoir la saison sèche, et nos enfants seront exposés comme des misérables sur la colline de l’Ellab.

Six domaines alliés ont été attaqués ces jours derniers, et ce, bien que nous soyons entrés dans l’amaya de glace. Les couilles-à-masques ont donc décidé de défier les dieux pour mieux nous surprendre et nous anéantir. Ils ont, semble-t-il, tiré les leçons tactiques des dernières batailles et décidé de concentrer leurs forces sur un seul domaine à la fois. Ils se sont abattus par centaines sur le mathelle de Sigille juste au sortir d’une averse de cristaux de glace et ont massacré sans pitié tous les permanents – hormis Sigille et ses plus jeunes enfants, qu’ils gardent, je suppose, pour leur faire subir les pires atrocités avant de les exposer aux umbres. Puis, le lendemain, ils ont déferlé en pleine nuit sur le domaine d’Halane, où, malgré une résistance acharnée de la part de la troupe renforcée par les enfants et une poignée de volages, ils ont investi la maison principale et, fous de colère, ont exécuté tous les permanents, y compris les nourrissons, avant de mettre le feu aux bâtiments. Les jours suivants, quatre autres attaques ont été portées, à chaque fois contre les domaines appartenant à notre organisation, ce qui tendrait à prouver que certains des nôtres nous trahissent. Quand je vous suppliais de vous méfier de la trêve, je ne croyais pas si bien dire. Je ne pensais pas que ces… monstres prendraient le risque d’être hachés menu par les cristaux de glace, mais il faut croire que leur haine se montre plus forte que leur peur ou leur circonspection, ou bien qu’ils utilisent des passages abrités, souterrains, connus d’eux seuls. Nous avons recueilli trois rescapés de ces massacres et nous tenons ces informations de leur bouche. Peut-être d’autres survivants se sont-ils dispersés dans vos domaines, peut-être êtes-vous déjà informées de ces tragédies ?

Si tel n’est pas le cas, je vous recommande la plus grande prudence.

Un réflexe compréhensible voudrait que nous nous réfugiions dans les parties les plus malaisées d’accès, les plus faciles à défendre de nos bâtiments, que nous clouions des planches ou des poutres en travers des ouvertures.

N’en faites rien, je vous en conjure !

Les couilles-à-masques n’auraient plus qu’à vous assiéger, à vous enfumer au besoin pour vous obliger à sortir. Comme ils trouveront de toute façon le moyen de pénétrer dans les domaines, il me paraît préférable au contraire de laisser le plus grand nombre possible de passages ouverts : ils pourraient revêtir la plus grande importance en cas de retraite précipitée. Halane et ses permanents se sont barricadés dans leur maison et, de ce fait, condamnés à tomber tôt ou tard sous les armes de leurs agresseurs. Il nous faut garder coûte que coûte la possibilité de nous réfugier dans les plaines. Même si l’amaya s’annonce rude, même si nous risquons d’être surprises par les averses de cristaux, songeons à augmenter sans cesse nos probabilités de survie. Qu’est-ce qui est préférable pour nos enfants ? Un avenir incertain ou un présent sans espoir ?

Je me demande d’ailleurs si nous ne devrions pas abandonner tout de suite nos mathelles et nous rendre dans les plaines sans attendre l’attaque des couilles-à-masques. Les ventresecs parviennent à survivre sur les étendues sauvages du Triangle pendant les deux ou trois mois d’hivernage, pourquoi n’y réussirions-nous pas ? Cette solution n’offrirait que des avantages : en premier, nous couperions à toute attaque surprise et nous éviterions de nouveaux massacres, un intérêt qui se suffit à lui-même, vous ne croyez pas ? En deuxième, nous pourrions nous rassembler dans un même lieu, dans l’une de ces nombreuses cavités dont les plaines sont truffées – ou, pourquoi pas ? à l’intérieur du conventuel de Chaudeterre, probablement déserté par les protecteurs des sentiers après leur sordide « victoire » -, regrouper nos provisions, notre eau, nos forces. En troisième, nous aurions l’opportunité de réfléchir tous ensembles à la meilleure manière d’éradiquer du nouveau monde le fléau des frères de Maran.

Je me suis déjà préparée à l’exode, tenant compte en cela des visions de ma fille Zephra. J’ai demandé à mes permanents d’établir des réserves de manne, de viande et de fruits secs. D’ajouter également des toits résistants aux chariots et aux attelages afin que nous disposions de refuges en cas d’averse de cristaux. Ce n’est pas de gaieté de cœur, vous vous en doutez, que j’abandonnerai mon mathelle, l’œuvre de ma vie, le bout de nouveau monde arrosé de ma sueur et de mon sang. Mais mon départ est peut-être aussi la meilleure façon de le protéger, de lui épargner la colère des couilles-à-masques. Certaines d’entre vous ne manqueront pas de me reprocher cette fuite, moi l’initiatrice du regroupement face aux protecteurs des sentiers, moi qui ai porté la responsabilité de la résistance sur mes modestes épaules. Je vous assure, chères amies, que cette fuite ne relève pas de la lâcheté – il me semble avoir déjà prouvé que je n’appartenais pas à l’engeance détestable des couardes – mais de la stratégie. La fureur des couilles-à-masques tombera comme un vent de la saison sèche à l’intérieur d’un domaine vidé de ses habitants et de ses ressources. Ils s’y installeront peut-être pour s’y reposer, et après ? Qu’ils utilisent nos lits, nos tables et nos baignoires si le cœur leur en dit, qu’ils profitent de notre toit, de notre feu et de notre eau, ils finiront par s’en aller, par chercher un autre endroit où évacuer leur fureur.

Faites en sorte que ce ne soit pas votre mathelle, mes amies.

Je me donne encore six jours avant de décider. Six jours qui vous laissent largement le temps de me répondre, de préparer au besoin votre propre exode. J’envisage de me diriger vers le nord, de monter d’abord au conventuel de Chaudeterre (mon incorrigible optimisme m’incite à penser que j’y trouverai peut-être des survivantes), de m’y installer si les conditions le permettent, ou de pousser encore un peu plus vers le nord si les couilles-à-masques ont réduit les bâtiments en cendres, de trouver une grotte avec une source chaude et une autre potable, d’y passer l’amaya au chaud, délivrée provisoirement de la menace de nos fanatiques adversaires.

Les visions de Zephra sont un peu plus précises pour ce qui concerne les batailles dans les trames plus obscures. Elle voit une ancienne djemale (aurais-je raison de croire que des sœurs ont survécu à l’agression ?) et un homme aux ascendances douloureuses, liées d’une manière ou d’une autre à la fondation des protecteurs des sentiers. Notre chère Halane ne pourra jamais nous entretenir de ses recherches dans l’histoire de nos ennemis, et je verse des larmes intarissables, car je pleure une amie sincère, véritable, mais il semble que les visions de Zephra aillent désormais dans le sens d’une plongée dans le passé. Puissent-elles découvrir de nouveaux éléments qui nous permettraient de mettre fin à cette absurde barbarie.

Les choses évoluant très vite désormais, ne tardez pas à me répondre, au moins celles qui seraient partantes pour l’exode, pour une nouvelle et, j’espère, exaltante aventure.

Je vous embrasse du fond du cœur.

Merilliam, mathelle du… passé ?
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