Читаем Orchéron полностью

Il leur suffit d’observer attentivement les différentes pièces qui communiquaient entre elles pour reconstituer les étapes de la fabrication des yonks : les bras articulés baignaient les embryons dans le liquide amniotique des cuves isolées sous les cloches transparentes, retiraient les fœtus lorsqu’ils devenaient trop volumineux, les déposaient dans les litières placées sous les cônes lumineux, où ils continuaient de s’alimenter par l’intermédiaire des becs verseurs, puis, lorsqu’ils se sentaient suffisamment forts, les yonkins « naissaient », se levaient, sortaient du cocon des couveuses et passaient dans la dernière salle où ils achevaient leur développement avant de s’aventurer dans le tunnel, de gagner le bord des grandes eaux et d’entamer leur migration vers les lointaines plaines du Triangle. L’intelligence qui avait conçu ce système avait tout prévu, y compris les puissants jets d’eau qui jaillissaient du sol ou des orifices des cloisons pour pulvériser les déjections – et qui se déclenchèrent à plusieurs reprises sur le passage des intrus –, y compris la nourriture qui se renouvelait sans cesse, depuis les solutions alimentant le liquide amniotique jusqu’au fourrage nécessaire aux individus presque parvenus à maturité.

« Tout ça ne nous dit pas d’où viennent les embryons que les bras placent dans les cuves, soupira Ezlinn. Normalement, la fécondation ne va pas sans un mâle et une femelle. Ni non plus d’où vient leur nourriture. Ils ne surgissent tout de même pas du néant.

— On dirait une légende de l’Estérion, dit Orchéron. Celle des lakchas qui firent jaillir la manne du néant… »

Ils étaient sortis de la dernière salle et s’étaient retrouvés de l’autre côté de la construction. Ils gardèrent le silence pendant quelques instants, abasourdis par leur découverte. Les ventresecs commençaient à se détendre. Ils n’avaient pas encore remisé leurs couteaux, mais leurs regards avaient perdu de leur acuité et leurs gestes de leur fébrilité. Les lieux étaient consacrés à la naissance, à la perpétuation de la vie et, même si leur mystère pouvait s’apparenter à une intervention surnaturelle, ils paraissaient incompatibles avec la malédiction, avec la mort.

« À propos de lakchas, je me demande s’ils savent d’où vient leur gibier, reprit Orchéron.

— Evidemment qu’ils le savent ! s’écria Ezlinn. Ce sont des chasseurs, des hommes habitués à remonter les pistes.

— Ils n’en parlent jamais.

— Je suppose qu’ils ont de mauvaises raisons pour ça. »

Le tunnel reprenait sa course au fond de la grande salle extérieure. Sa bouche éclairée brillait au pied de la paroi luisante.

« Peut-être qu’une partie des yonks s’en vont par là, suggéra Ezlinn.

— Il faudrait que le passage traverse le fond des grandes eaux sur toute sa largeur et donne sur l’autre continent, objecta Orchéron. Et je ne vois pas les yonks franchir des lieues et des lieues là-dedans. Mais nous, nous pouvons peut-être le faire. »

Joignant le geste à la parole, il se dirigea d’un pas décidé vers l’entrée du tunnel. Les ventresecs le suivirent après s’être concertés pendant quelques instants à voix basse. Ils avaient hâte de remonter à la surface, de voir le ciel au-dessus de leurs têtes, de respirer l’air vif, de courir dans les herbes, mais le clan les avait chargés d’explorer les profondeurs du bord des grandes eaux et ils lui devaient, ainsi qu’à l’ensemble des errants, d’aller jusqu’au bout de ce passage et de prendre la décision qui s’imposerait. L’inquiétude revenait les tenailler après le court répit offert par la visite de la construction. Ils marchaient à nouveau dans une galerie étroite, oppressante, enrobée de cette étrange matière luisante, dans une direction qui était peut-être celle de l’orient, du cœur de la malédiction. L’odeur de yonk s’estompait, les bruits de leurs pas, leurs souffles précipités et les froissements de leurs vêtements résonnaient avec une force effrayante dans le silence épais, hostile.

Ils progressèrent un long moment dans une atmosphère de plus en plus lugubre, de plus en plus glaciale. De petits nuages de buée s’échappaient de leurs bouches, les frissons s’amplifiaient, le froid transperçait leurs vêtements.

Orchéron avait croisé les bras sur son torse nu, mais il ne parvenait pas à se réchauffer. Le froid déclenchait en lui des réminiscences, des sensations et des images confuses. Cela n’avait rien à voir avec les rafales cinglantes des vents de l’Agauer ni avec aucun autre souvenir attaché à l’hivernage, mais avec la souffrance, avec la violence liée à la souffrance. Ce froid-ci ne se contentait pas de lui mordre la peau, il s’infiltrait dans sa chair comme un venin inoculé par tous ses pores, pour se nicher dans le réseau de ses nerfs. Les pincements de souffrance qui montaient de son corps se transformeraient peu à peu en une spirale qui emporterait tout sur son passage. Il glissa la main dans la poche de son pantalon et serra le manche de son couteau.

Перейти на страницу:

Все книги серии Abzalon

Похожие книги

Аччелерандо
Аччелерандо

Сингулярность. Эпоха постгуманизма. Искусственный интеллект превысил возможности человеческого разума. Люди фактически обрели бессмертие, но одновременно биотехнологический прогресс поставил их на грань вымирания. Наноботы копируют себя и развиваются по собственной воле, а контакт с внеземной жизнью неизбежен. Само понятие личности теперь получает совершенно новое значение. В таком мире пытаются выжить разные поколения одного семейного клана. Его основатель когда-то натолкнулся на странный сигнал из далекого космоса и тем самым перевернул всю историю Земли. Его потомки пытаются остановить уничтожение человеческой цивилизации. Ведь что-то разрушает планеты Солнечной системы. Сущность, которая находится за пределами нашего разума и не видит смысла в существовании биологической жизни, какую бы форму та ни приняла.

Чарлз Стросс

Научная Фантастика