Читаем Mange et tais-toi полностью

Celle-ci est étrangère, anglaise je suppose. Elle a des yeux bleu foncé et une bouche large et charnue (comme je les aime). Elle tient un verre de vin rouge d'une main, un morceau d'andouille de Vire de l'autre et écoute digresser Béru, Mon compère fait à la jeune femme un cours sur la parfaite entente qui règne entre le beaujolais-village et l'andouille. Il souligne la beauté de cette harmonie réalisée par deux produits nés dans des régions pourtant éloignées l'une de l'autre. Selon lui, l'unité française, c'est ça! Les invasions, non plus que les guerres de religion, n'ont pu morceler une terre unifiée par ses ressources gastronomiques. Il dit que si, en 42, l'Allemagne a investi la zone dite libre, c'est uniquement pour faire main basse sur des vignobles des côtes du Rhône, sur le saucisson de Lyon, sur les foies gras du Périgord; sur le jambon d'Auvergne et la bouillabaisse de Provence. La dame l'écoute en buvant le gros rouquin et en mordillant son morceau d'andouille. C'est pas une bêcheuse.

— Tiens, le v'là! s'interrompt le Mastoc en me désignant d'un index peu protocolaire.

La jeune femme me regarde. Il y a quelque chose d'ardent et de pathétique dans ses grands yeux: un calme et beau sourire entrouvre ses lèvres sans pour autant égayer son visage.

— Alors, c'est vous le commissaire San-Antonio? elle murmure avec un accent américain tellement prononcé qu'on a envie de courir acheter une méthode Assimil.

— J'ai ce plaisir, lui dis-je, car c'en est un d'être San-Antonio lorsqu'une aussi ravissante personne le réclame.

J'sais pas si vous mesurez la portée du madrigal, les gars, avec vos petites tronches de microcéphales, mais je peux vous dire que ma visiteuse, elle, l'apprécie. Pour la première fois son expression devient joyeuse. Et ça lui va bien. L'anneau de brillants qui orne sa main gauche indique qu'elle est marrida et je ne peux m'empêcher d'envier l'heureux bénéficiaire de ce petit sujet.

— Mon nom est Laura Curtis, dit-elle.

Curtis! Il y a un léger déclic en moi. Curtis! Je revois un visage basané, carré, joyeux, intrépide.

— Seriez-vous une parente de Curt Curtis, de l'aviation américaine, à qui je dois la vie?

Elle acquiesce.

— Je suis sa femme.

<p>CHAPITRE II</p>

Ça me fait tout chose. Je fixe cette fille avec attendrissement. Toutes mes pensées polissonnes se sont évaporées. La femme d'un ami qui vous a sauvé la mise, c'est archi-sacré, non? Ou alors y’a plus de morale. Et la vie sans morale, ça devient vite un truc anarchique. De la fantaisie? Oui! De l’anti-conformisme? Sûrement. Mais pas d'immoralité, sinon c’est la cadence-même de l'existence qui est paumée.

Avec Curtis! On s'est pas fréquentés longtemps, mais ça a été une rencontre de qualité. Et qui devait avoir sur mon destin une importance primordiale puisqu'il m'a conservé la vie, Curt. Vous dire comment et dans quelles circonstances remplirait tout ce bouquin et faudrait que j'arrime une remorque pour vous narrer ce que j'ai commencé. Ce sera pour une autre fois, plus tard, quand je pourrai tout dire sans crainte de me faire taper sur les fingers.

Il y a dis ans… Dans le Pacifique, ça s'est passé entre l'île Chpronufz et l'archipel des Tuamoatoutou à gauche quand vous sortez de la gare! Vous pouvez pas vous gourer! Quelle histoire! Moi dans la piscine de ce salaud de Ted Deulars, tellement bourrée de caïmans qu'elle ressemblait à une monstrueuse boite de sardines. Ligoté, j'étais. C'est à ce moment-là, combien opportun, que Curtis est arrivé chargé de mitraillettes au poing qu'il ressemblait au porte-parapluies d'un club londonien en automne. Cette fiesta! L'eau de la piscine était toute rouge. Quand il m'a eu tiré de là, je tablais à Plume-dans-le-prose, le chef sioux de la tribu, que j'étais bonnard pour me retirer dans une réserve du Michigan et fumer des calumets de la paix bourrés d'Hamsterdamer devant des touristes kodakeux et extasiés.

Ah oui, sans Curtis, je vous jure… Pour ce qui est de lire du San-Antonio, vous pouviez vous l'arrondir à la meule à aiguiser l'appétit. Mieux qu'un petit Français égaré au-delà des mers, c'est l'avenir de la littérature qu'il a sauvé, Curtis je vous le dis pour que vous puissiez lui célébrer des actions de grâces (et des actions de maigre le vendredi) à cet homme. Quand on y songe, l'enchaînement des choses, hein? Un petit officier américain de rien du tout, né dans le Connecticut d'un laveur de carreaux et d'une colleuse d'étiquettes sur pots de marmelade, qui vient un beau matin assurer la pérennité des lettres françaises! Emouvant, non? On a le vertige rien que d'y songer, comme moi j'ai le vertige rien qu'en me penchant sur le décolleté de son épouse.

— Ce cachotier de Curtis! m'exclamé-je, il aurait pu m'annoncer son mariage.

— Il n'en a pas eu le temps, c'est tout récent répond la belle jeune femme.

Et elle se raconte, tranquillement.

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