Читаем Le Soldat Oublié полностью

Le nez dans la boue, les mains sur la tête, et les yeux instinctivement fermés, j’entendis passer la mitraille et les deux avions dans un vrombissement infernal. Un grand bruit de moteur emballé fut suivi d’une explosion sourde. Je redressai la tête pour voir l’avion aux croix noires reprendre de l’altitude. À trois ou quatre cents mètres, le « Yak » détruit élevait un noir panache de fumée. À la ronde, tout le monde se redressait. Nous étions propres !

— Encore un qui ne nous emmerdera plus, lança un gros caporal, tout heureux d’être encore en vie.

— Vive la Luftwaffe ! lancèrent plusieurs voix.

— Personne de touché ? cria un feld. Allons, en route !

Je m’approchai du Tatra, tout en m’efforçant de racler le plus gros de la bouillasse qui s’était collée sur ma tenue. En m’approchant, je remarquai deux trous dans la porte que j’avais précipitamment ouverte et qui s’était refermée d’elle-même. Deux trous ronds entourés d’un cerne métallique dont la peinture s’était écaillée. Sans un mot, j’ouvris nerveusement la portière. Là, je vis un homme que je n’oublierai jamais. Un homme adossé normalement à la banquette. Un homme dont la moitié du visage n’était qu’une masse sanguinolente…

— Ernst ! demandai-je d’une voix étranglée, Ernst ! (Je me précipitai sur lui.) Ernst ! Ernst ! qu’est-ce que… Réponds… Ernst ! (Les yeux hagards, je cherchais les traits du visage de mon malheureux camarade.) Ernst ! hurlai-je, en pleurant presque.

Dehors, la colonne se remettait en marche, je me précipitai hors de la cabine.

— Halte ! halte ! Arrêtez-vous.

Les camions de tête s’éloignaient. Derrière, les deux autres s’impatientaient et klaxonnaient.

— Hep, vous, fis-je en courant vers mes deux suivants. Arrêtez-vous, venez… J’ai un blessé.

J’étais affolé. Les portes du camion qui me suivait directement s’ouvrirent à moitié. Deux soldats sortirent un peu de la cabine.

— Alors, jeunot, tu avances, bon Dieu ?

— Arrêtez-vous, hurlai-je de plus belle. J’ai un blessé…

— Nous en avons trente, gueulèrent les gars. Fonce, l’hôpital n’est plus loin.

— Mais c’est Ernst Neubach. Venez, bon Dieu !

J’étais comme un dément.

— Allons, avance, braillèrent-ils, ou tu devras enterrer ton blessé dans cette gadoue.

Leurs voix couvrirent la mienne. Le bruit de leurs camions, qui me dépassèrent, assourdit mes plaintes. Maintenant, je restais seul avec un camion russe bourré de blessés, et Neubach mort ou mourant.

— Fumiers, attendez-moi ! Attendez-moi !… Ne partez pas !

En plein désarroi, je fondis en larmes. Puis, me vint une pensée folle. J’empoignai mon mauser, qui était resté dans la cabine. Mes yeux noyés de larmes troublaient ma vue. À tâtons, je cherchai le levier d’armement et brandis mon arme vers le ciel. Je tirai successivement les cinq cartouches du magasin, espérant que les détonations leur parviendraient comme un appel au secours. Les camions s’éloignèrent, levant de chaque côté de leurs roues un sillage gluant. Désespéré, je retournai à la cabine. Je fouillai à la hâte dans mes affaires, à la recherche de l’enveloppe de pansements.

— Ernst, murmurai-je, je vais te panser, ne pleure pas.

J’étais devenu fou. Ernst ne pleurait pas, il râlait seulement.

C’était moi qui pleurais. Le sang avait giclé partout sur sa capote. Mes pansements à la main, je me mis à dévisager mon camarade. Une balle avait dû l’atteindre à la mâchoire inférieure qui était en bouillie. La blessure rendait son visage horrible : les dents se mêlaient aux fragments d’os, les muscles du visage se contractaient et agitaient cette bouillie sanglante.

Atterré, j’essayais vainement de placer mon pansement sur cette vaste plaie. N’y parvenant pas, j’ajustai fébrilement l’aiguille au petit tube de morphine, puis je piquai d’un coup sec à travers l’épaisseur du pantalon. Pleurant comme un véritable gosse, je poussai mon pauvre ami à l’autre extrémité de la banquette. Pour cela, je dus presque le prendre à bras-le-corps, tachant ainsi mes vêtements de son sang. Sur ce qui restait de son visage, deux yeux brillants de douleur s’ouvraient.

— Ernst ! fis-je riant à travers mes pleurs, Ernst !

Sa main monta lentement et se posa sur mon avant-bras. Suffoquant à moitié d’émotion, je remis le camion en route et réussis à démarrer sans trop de secousses.

Pendant un quart d’heure, je conduisis sur cet enchevêtrement d’ornières profondes, tout en jetant de nombreux coups d’œil sur mon compagnon.

Au rythme de sa douleur, sa main serrait ou relâchait mon avant-bras. Ses râles que je ne pouvais plus entendre, dominaient par moments le bruit du moteur.

Tout en reniflant mes larmes, je priais d’une façon irraisonnée, je disais tout ce qui me passait par la tête.

— Sauvez-le, sauvez-le, répétais-je sans cesse. S’il y a un Dieu, qu’il fasse quelque chose. Dieu ! sauvez Ernst, manifestez-vous. Il croyait en vous. Sauve-le, criais-je furieux.

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