Читаем Le Soldat Oublié полностью

J’avais refusé de boire de l’alcool dont le goût m’écœurait, et je m’apprêtais à grelotter une fois de plus. La nuit était claire, et j’aurais vu un corbeau se poser à cent mètres. Au loin, l’horizon était coupé par une masse d’arbustes rabougris. Trois des quatre lignes téléphoniques qui traversaient notre camp se prolongeaient dans des directions différentes. Leurs poteaux plantés irrégulièrement supportaient mal leurs fils, qui pendaient quelquefois jusqu’au sol.

Mon nez commençait à sentir la brûlure du froid – c’était la seule partie de mon corps qui y était exposée. J’avais enfoncé profondément mon calot, dont les bords rabattus me cachaient plus que les oreilles ; par-dessus celui-ci, le casque réglementaire pour la garde. Le col déroulé du pull-over que j’avais reçu dans un colis de mes parents, venait rejoindre le calot.

Je jetais de temps à autre un regard sur ce que je gardais et je me demandais comment nous ferions si nous avions à déplacer rapidement tous ces engins. Les moteurs devaient être sacrément gommés !

J’étais là depuis une bonne heure, lorsqu’à la lisière du parc apparut une silhouette. Je me laissai brusquement choir au fond de mon trou. Avant de sortir mes mains si douillettement cachées au fond des poches, je risquai un œil au-dessus du parapet. La silhouette venait dans ma direction ; ce ne pouvait être qu’un des nôtres qui faisait la ronde des postes. Et si c’était un bolchevik !

En bougonnant, je sortis les mains de leur abri et attrapai mon fusil. La culasse collante de givre me mordit les doigts. À toutes fins utiles, je la manœuvrai et lançai un Wer da ! Une réponse logique m’arriva ; ma balle resta dans le canon.

J’avais tout de même bien fait de prendre ces précautions élémentaires : c’était un officier qui faisait sa ronde. Je le saluai.

— Tout va bien ?

— Oui, mon lieutenant.

— Bien, alors, Gute Weihnacht !

— Quoi ! C’est Noël ?

— Oui. Regarde là-bas.

Il désignait la maison des Khorsky. Le toit chargé de neige descendait jusqu’au sol ; les étroites fenêtres étaient éclairées plus que ne le permettait le black-out. Dans leur lumière, je voyais s’agiter les silhouettes de mes camarades. Bientôt, une haute flamme monta d’un énorme bûcher que l’on avait dû allumer à l’essence.

Dans le silence de cette nuit glacée, monta lentement un chant murmuré par trois cents poitrines. O Weihnacht ! O stille Nachtl Était-ce possible ?… Peu m’importait ce qui se passait à l’extérieur du camp ! Mon regard ne pouvait se détacher de l’immense rayonnement qui provenait du brasier ; ses éclats illuminaient les plus proches visages, les autres se perdaient dans l’ombre. Le chant montait puissamment, maintenant, chanté à plusieurs voix. Je ne sais si c’est à cause des conditions dans lesquelles cette nuit de Noël se déroulait, mais je ne crois pas avoir, par la suite, entendu quelque chose d’aussi beau.

Tous les souvenirs de ma prime jeunesse si proche me revenaient pour la première fois depuis que j’étais soldat. Que faisait-on ce soir chez moi ? Que se passait-il en France ? Les communiqués nous avaient annoncé que de nombreuses troupes françaises combattaient maintenant à nos côtés. Cela me réchauffait le cœur. Allemands et Français marchaient côte à côte, c’était formidable ! Je cesserais bientôt d’avoir froid. La guerre finirait. Que de choses à raconter ! Ce Noël ne m’avait apporté aucun cadeau palpable, mais tant de bonnes nouvelles sur l’harmonie de mes deux pays que je me sentais comblé.

J’étais un homme maintenant, et je repoussais au fond de moi une sale idée qui me poursuivait, une pensée dont j’avais honte : j’avais envie d’un très beau jouet mécanique.

Mes compagnons continuaient de chanter ; sur tout le front, des millions de soldats devaient chanter comme eux. J’ignorais qu’à l’heure même, les chars T‑34 soviétiques, profitant de la trêve qu’aurait dû amener Noël, écrasaient les avant-postes dans le secteur d’Armotovsk. J’ignorais que mes camarades de la VIe armée, où se trouvait un de mes oncles, mouraient par milliers dans l’enfer de Stalingrad. J’ignorais que les villes allemandes subissaient les monstrueux bombardements de la R.A.F. et des A.A.F.

Et je n’aurais jamais osé penser que les Français refusaient l’entente franco-allemande, engendrant le drame des francs-tireurs et celui des représailles.

Ce fut le plus beau Noël que j’ai connu : il était fait de désintéressement et dépouillé de tout accessoire de mauvais goût. J’étais seul sous cette immensité étoilée et je crois me rappeler avoir senti couler une larme sur mes joues glacées. Cette émotion ne marquait aucune peine ni aucune joie, seulement la sincérité ressentie à l’instant même.

Lorsque je rentrai, les officiers avaient fait cesser les réjouissances et éteindre le bûcher, Halls m’avait mis de côté une demi-bouteille de schnaps, dont je bus quelques gorgées pour ne pas le décevoir.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Адмирал Советского Союза
Адмирал Советского Союза

Николай Герасимович Кузнецов – адмирал Флота Советского Союза, один из тех, кому мы обязаны победой в Великой Отечественной войне. В 1939 г., по личному указанию Сталина, 34-летний Кузнецов был назначен народным комиссаром ВМФ СССР. Во время войны он входил в Ставку Верховного Главнокомандования, оперативно и энергично руководил флотом. За свои выдающиеся заслуги Н.Г. Кузнецов получил высшее воинское звание на флоте и стал Героем Советского Союза.В своей книге Н.Г. Кузнецов рассказывает о своем боевом пути начиная от Гражданской войны в Испании до окончательного разгрома гитлеровской Германии и поражения милитаристской Японии. Оборона Ханко, Либавы, Таллина, Одессы, Севастополя, Москвы, Ленинграда, Сталинграда, крупнейшие операции флотов на Севере, Балтике и Черном море – все это есть в книге легендарного советского адмирала. Кроме того, он вспоминает о своих встречах с высшими государственными, партийными и военными руководителями СССР, рассказывает о методах и стиле работы И.В. Сталина, Г.К. Жукова и многих других известных деятелей своего времени.Воспоминания впервые выходят в полном виде, ранее они никогда не издавались под одной обложкой.

Николай Герасимович Кузнецов

Биографии и Мемуары
100 великих гениев
100 великих гениев

Существует много определений гениальности. Например, Ньютон полагал, что гениальность – это терпение мысли, сосредоточенной в известном направлении. Гёте считал, что отличительная черта гениальности – умение духа распознать, что ему на пользу. Кант говорил, что гениальность – это талант изобретения того, чему нельзя научиться. То есть гению дано открыть нечто неведомое. Автор книги Р.К. Баландин попытался дать свое определение гениальности и составить свой рассказ о наиболее прославленных гениях человечества.Принцип классификации в книге простой – персоналии располагаются по роду занятий (особо выделены универсальные гении). Автор рассматривает достижения великих созидателей, прежде всего, в сфере религии, философии, искусства, литературы и науки, то есть в тех областях духа, где наиболее полно проявились их творческие способности. Раздел «Неведомый гений» призван показать, как много замечательных творцов остаются безымянными и как мало нам известно о них.

Рудольф Константинович Баландин

Биографии и Мемуары
100 великих интриг
100 великих интриг

Нередко политические интриги становятся главными двигателями истории. Заговоры, покушения, провокации, аресты, казни, бунты и военные перевороты – все эти события могут составлять только часть одной, хитро спланированной, интриги, начинавшейся с короткой записки, вовремя произнесенной фразы или многозначительного молчания во время важной беседы царствующих особ и закончившейся грандиозным сломом целой эпохи.Суд над Сократом, заговор Катилины, Цезарь и Клеопатра, интриги Мессалины, мрачная слава Старца Горы, заговор Пацци, Варфоломеевская ночь, убийство Валленштейна, таинственная смерть Людвига Баварского, загадки Нюрнбергского процесса… Об этом и многом другом рассказывает очередная книга серии.

Виктор Николаевич Еремин

Биографии и Мемуары / История / Энциклопедии / Образование и наука / Словари и Энциклопедии