Читаем Le passager полностью

— Justement. Mes collègues n’ont jamais retrouvé Fer-Blanc. Ils ont conclu que l’homme était mort sans avoir été identifié. Je me demandais si vous aviez revu ce patient dans les semaines qui ont suivi l’enquête et…

— Je l’ai revu, oui.

Janusz en eut le souffle coupé. Il avait appelé ce médecin comme un baroud d’honneur. Et voilà que le poisson mordait.

— Quand exactement ?

— Au début du mois de janvier. Une consultation à Toulon.

Nouvelle pause. Le toubib paraissait hésiter.

— Les enquêteurs m’avaient demandé de les appeler si j’avais des nouvelles mais je ne l’ai pas fait.

— Pourquoi ?

— Parce que Fer-Blanc agonisait. Je ne voulais pas que les flics, je veux dire vos collègues, l’emmerdent encore.

Janusz joua l’empathie :

— Je comprends.

— Je ne crois pas, non. Christian était non seulement mourant mais il avait peur. À l’évidence, il avait vu quelque chose qui le mettait en danger. Quelque chose que vos collègues, à l’époque, n’ont pas pris en compte.

— Vous voulez dire… le visage de l’assassin ?

— Je ne sais pas mais depuis ce jour, il se cachait. C’était terrible. Il était en train de mourir et il se terrait comme un cafard…

— Vous l’avez hospitalisé ?

— Il en était au stade des soins palliatifs.

— Il est donc mort ?

— Non.

Janusz serra le poing contre la vitre.

— Où est-il ?

— Je connaissais un lieu, à Nice. Je me suis occupé de tout. Depuis la mi-janvier, il coule des jours tranquilles. À l’abri.

— OÙ EST-IL ?

Janusz regretta aussitôt la question — et surtout la manière dont il l’avait posée : il avait hurlé. Le médecin ne répondit pas. C’était précisément ce qu’il voulait éviter : qu’un flic vienne emmerder un pauvre bougre à l’article de la mort.

Contre toute attente, l’homme capitula :

— Il est chez les Pénitents. Les Pénitents d’Arbour de Nice.

— Qu’est-ce que c’est ? Un ordre religieux ?

— Une confrérie très ancienne, qui date du XIIe siècle. Elle a pour vocation de prendre en charge les malades en fin de vie. J’ai pensé à eux pour Fer-Blanc.

— Ils ont un hôpital ?

— Des appartements de coordination thérapeutique. Des lieux qui proposent un accompagnement aux personnes précarisées…

— Où est-ce ?

Enoschsberg hésita une dernière fois. Mais il ne pouvait plus s’arrêter à mi-chemin.

— Avenue de la République, à Nice. Je ne sais pas ce que vous voulez lui demander mais j’espère que c’est important. J’espère surtout que vous allez respecter son état.

— Merci, docteur. Croyez-moi, c’est capital. Nous agirons avec le maximum de douceur et de respect.

En raccrochant, il comprit que son coup de bluff préfigurait ce qui allait réellement se passer. Les keufs de Bordeaux et de Marseille allaient réactiver l’enquête Icare. Parmi eux, il y en aurait bien un pour rappeler le docteur Éric Enoschsberg et obtenir la même information.

<p>66</p>

ANAÏS CHATELET considérait la porte verrouillée devant elle. On l’avait amenée ici, au commissariat de l’Évêché, comme on traîne une forcenée dans un HP. Aux alentours de 15 heures, quand il était évident que Janusz leur avait une nouvelle fois échappé — l’homme, alors même qu’il avait été repéré et cerné par plusieurs patrouilles, s’était littéralement volatilisé —, Anaïs avait piqué une véritable crise de rage.

Elle s’était acharnée sur sa propre voiture, la défonçant à coups de pied, puis s’en était prise aux gars des patrouilles qui avaient localisé Janusz et l’avaient laissé filer. Elle avait balancé leur casquette à terre, arraché leur insigne, tenté de les frapper. On l’avait désarmée. On lui avait mis les pinces. On l’avait enfermée dans ce bureau, eu égard à ses fonctions — lui évitant la cage des gardés à vue.

Maintenant, elle était sous Lexomil. Elle avait pris sa dose maximum : deux comprimés sécables, qu’elle avait gobés comme des Ecstas. Ils avaient fondu sous sa langue et les effets commençaient à se faire sentir. Le calme après la tempête…

Elle se tenait les bras croisés sur le bureau, la tête en repos, en attendant de passer au tourniquet. Pourtant, la matinée avait bien commencé. Jean-Luc Crosnier, le commandant qui avait dirigé l’investigation sur le meurtre d’Icare et supervisait maintenant les recherches à propos de Janusz, l’avait accueillie avec bonne humeur. Il avait mis un bureau à sa disposition — celui qui lui servait de prison — et lui avait permis de consulter le dossier d’enquête dans son intégralité.

Elle n’y avait rien trouvé de neuf. Du bon boulot, mais du boulot qui s’était fracassé contre un mur. Le tueur mythologique savait balayer derrière lui. Les flics de Marseille n’avaient pas réussi à débusquer le moindre témoin, hormis un clochard ivrogne qu’on n’avait jamais retrouvé. Ni à mettre en évidence le moindre indice, malgré le matériel utilisé : armature de delta-plane, cire, plumes…

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