Ils roulaient à présent dans la grand-rue enneigée de Pré-au-Lard. Harry aperçut l’enseigne de La Tête de Sanglier qui se balançait au vent. Des flocons de neige s’écrasaient contre l’immense pare-brise, à l’avant du bus. Enfin, ils s’arrêtèrent devant le portail de Poudlard.
Lupin et Tonks les aidèrent à sortir leurs bagages avant de descendre leur dire au revoir. Harry jeta un coup d’œil aux trois étages du Magicobus et vit que tous les passagers les observaient, le nez collé aux vitres.
– Vous serez en sécurité dès que vous aurez franchi l’enceinte de Poudlard, assura Tonks en scrutant la route déserte. Bon trimestre !
– Prenez bien soin de vous, dit Lupin qui serra la main de tout le monde en terminant par celle de Harry. Et toi, écoute-moi bien, ajouta-t-il en baissant la voix pendant que les autres prolongeaient leurs effusions avec Tonks. Je sais que tu n’aimes pas Rogue mais c’est un excellent occlumens et nous voulons tous, y compris Sirius, que tu apprennes à te protéger. Alors, travaille dur, d’accord ?
– Ouais, d’accord, répondit Harry d’un ton lourd, en regardant le visage prématurément ridé de Lupin. À bientôt.
Harry, Hermione et les Weasley remontèrent à grand-peine l’allée glissante qui menait au château, traînant derrière eux leurs énormes valises. Hermione parlait déjà de tricoter quelques chapeaux d’elfes avant d’aller se coucher. Lorsqu’ils arrivèrent devant les grandes portes de chêne, Harry jeta un regard en arrière. Le Magicobus était déjà reparti et, en pensant à ce qui l’attendait le lendemain soir, il aurait presque souhaité être resté à bord.
Harry passa la plus grande partie du lendemain à redouter ce qui allait se produire le soir. Le double cours de potions du matin ne fit rien pour dissiper ses appréhensions. Rogue s’y montra aussi désagréable qu’à l’ordinaire. Les questions des membres de l’A.D. qui l’abordaient sans cesse dans les couloirs, entre les classes, pour lui demander s’il y aurait une réunion ce soir-là, n’améliorèrent pas son humeur.
– Je vous ferai savoir de la manière habituelle la date de la prochaine séance, répétait-il sans relâche. Mais ce soir, c’est impossible, je dois prendre… heu… des cours de rattrapage en potions.
–
Smith s’éloigna d’un pas allègre qui avait quelque chose de particulièrement agaçant. Ron le regarda partir, l’air furieux.
– Tu veux que je lui jette un sort ? Je peux encore le faire d’ici, dit-il en sortant sa baguette magique qu’il pointa entre les omoplates de Smith.
– Laisse tomber, dit Harry, la mine maussade. C’est ce que tout le monde va penser, non ? Que je suis vraiment stup…
– Bonjour, Harry, dit une voix derrière lui.
Il se retourna et vit Cho.
– Oh, dit-il en sentant son estomac faire un bond. Salut.
– On se retrouve à la bibliothèque, Harry, dit fermement Hermione qui prit Ron par le bras et l’entraîna vers l’escalier de marbre.
– Tu as passé un bon Noël ? demanda Cho.
– Oui, pas mal, répondit Harry.
– Le mien était plutôt calme.
Pour une raison qu’il ignorait, Cho paraissait un peu gênée.
– Heu… poursuivit-elle, il y a une autre sortie à Pré-au-Lard le mois prochain, tu as vu ?
– Quoi ? Ah non, je n’ai pas encore regardé le tableau d’affichage depuis mon retour.
– C’est le jour de la Saint-Valentin…
– Ah, très bien, dit Harry en se demandant pourquoi elle lui annonçait cela. J’imagine que tu veux…
– Seulement si tu le veux aussi, s’empressa-t-elle d’ajouter.
Harry la regarda d’un air étonné. Il s’apprêtait à dire : « J’imagine que tu veux savoir la date de la prochaine réunion ? » Mais sa réponse ne semblait pas convenir.
– Je… heu…, dit-il.
– Oh, ce n’est pas grave si tu ne veux pas, dit Cho, l’air mortifié. Ne t’inquiète pas. À… à un de ces jours.
Et elle s’en alla. Harry la regarda s’éloigner, en faisant travailler frénétiquement ses méninges. Tout à coup, les rouages se mirent en place.
– Cho ! Hé… CHO !
Il courut après elle et la rattrapa au milieu de l’escalier de marbre.
– Heu… Tu veux sortir avec moi à Pré-au-Lard, le jour de la Saint-Valentin ?
– Oooh oui ! répondit-elle avec un grand sourire en devenant écarlate.
– Bon… Ben… alors, c’est d’accord, dit Harry.
Avec le sentiment qu’en définitive, cette journée ne serait pas complètement perdue, il bondit littéralement jusqu’à la bibliothèque pour aller chercher Ron et Hermione avant leurs cours de l’après-midi.
À six heures ce soir-là, cependant, même le bien-être qu’il éprouvait après avoir invité avec succès Cho à l’accompagner à Pré-au-Lard ne parvenait pas à alléger la menace qui pesait sur lui avec de plus en plus d’intensité à mesure qu’il approchait du bureau de Rogue.
Lorsqu’il arriva devant la porte, il s’arrêta quelques instants en songeant qu’il aurait préféré se retrouver n’importe où ailleurs, ou presque, puis il prit une profonde inspiration, frappa et entra.