Un autobus à double impériale, d’une éclatante couleur violette, venait de surgir de nulle part, évitant de peu le réverbère le plus proche qui fit un bond en arrière pour libérer le passage.
Un jeune homme boutonneux aux oreilles en chou-fleur sauta à terre.
– Bienvenue à bord du…, commença-t-il.
– Oui, oui, c’est ça, on connaît, merci, l’interrompit Tonks. Allez, vite, montez…
Elle poussa Harry vers le marchepied, devant le contrôleur qui le regarda avec des yeux ronds.
– Oh mais… c’est Harry !
– Si jamais tu prononces son nom, je te jette un sort qui te plongera dans un oubli définitif, menaça Tonks en poussant à présent Ginny et Hermione à bord du bus.
– J’ai toujours voulu monter dans ce truc-là, dit Ron d’un ton joyeux.
Il avait rejoint Harry et regardait autour de lui d’un air ravi.
La dernière fois que Harry avait pris le Magicobus, il faisait nuit et il était rempli de lits en cuivre. Aujourd’hui, la matinée venait tout juste de commencer et les lits avaient fait place à un entassement de chaises et de fauteuils dépareillés disposés au hasard autour des fenêtres. Des sièges étaient tombés lorsque le bus s’était brutalement arrêté square Grimmaurd, précipitant sur le plancher des sorcières et des sorciers qui se relevaient en grommelant. Un sac à provisions avait glissé sur toute la longueur du bus, semant sur son passage un mélange peu ragoûtant d’œufs de grenouille, de cafards et de biscuits fourrés.
– Il va falloir qu’on se sépare en deux groupes, dit vivement Tonks qui cherchait des yeux des sièges inoccupés. Fred, George et Ginny, allez vous asseoir là-bas, au fond… Remus restera avec vous.
Elle emmena ensuite Harry, Ron et Hermione tout en haut du bus où ils trouvèrent deux chaises vides à l’avant et deux autres à l’arrière. Stan Rocade, le contrôleur, suivit avidement Harry et Ron qui allèrent s’installer à l’arrière. Les autres passagers regardèrent passer Harry et, lorsqu’il s’assit, il vit les têtes se tourner à nouveau vers l’avant.
Harry et Ron tendirent six Mornilles à Stan tandis que le bus repartait en oscillant dangereusement. Dans un grondement, il tourna autour du square Grimmaurd, montant à plusieurs reprises sur le trottoir puis, avec un nouveau BANG ! impressionnant, ils furent tous projetés en arrière. La chaise de Ron bascula et Coquecigrue, qui était sur ses genoux, s’échappa de sa cage en lançant de petits hululements frénétiques et voleta jusqu’à l’avant où il vint se poser sur l’épaule d’Hermione. Harry, qui avait échappé de peu à la chute en s’accrochant à un chandelier fixé à la cloison, regarda par la fenêtre. Ils fonçaient à présent sur ce qui semblait une autoroute.
– On est tout près de Birmingham, annonça joyeusement Stan, répondant à la question muette de Harry pendant que Ron se relevait tant bien que mal. Alors, ça va comme tu veux, Harry ? J’ai vu ton nom dans le journal plein de fois cet été, mais on peut pas dire qu’ils ont été très gentils avec toi. J’ai dit à Ern, moi, il m’a pas semblé dingue du tout quand on l’a vu, j’ai dit, et c’est bien une preuve, ça, non ?
Il leur rendit leurs tickets et continua de fixer Harry d’un regard fasciné. Apparemment, Stan ne s’inquiétait pas de la folie des gens, du moment qu’ils étaient suffisamment célèbres pour qu’on parle d’eux dans les journaux. Le Magicobus se pencha d’une manière alarmante en doublant une file de voitures du mauvais côté. Harry jeta un regard vers l’avant et vit Hermione se cacher les yeux, Coquecigrue se balançant joyeusement sur son épaule.
BANG !
Les sièges glissèrent à nouveau en arrière tandis que le Magicobus sautait de l’autoroute de Birmingham sur une petite route de campagne aux virages en épingle à cheveux. Des deux côtés de la chaussée, des haies s’écartaient précipitamment lorsque le bus montait sur le talus. Ils passèrent ensuite dans la rue principale d’une petite ville animée, puis sur un viaduc entouré de hautes collines avant de s’engager sur une route balayée par le vent, entre de hauts immeubles d’habitation. À chaque changement de décor, un BANG ! sonore retentissait.
– J’ai changé d’avis, marmonna Ron en se relevant après être tombé par terre pour la sixième fois. Je ne veux plus jamais mettre les pieds dans ce machin.
– Hé, le prochain arrêt, c’est Poudlard, dit Stan d’un ton réjoui en oscillant vers eux. La bonne femme qu’est montée avec vous, celle qui commande, elle nous a donné un petit pourboire pour qu’on vous fasse passer avant les autres. On va simplement déposer Madame Dumarais – à l’étage inférieur, on entendit un haut-le-corps suivi d’un horrible gargouillement –, elle est pas bien en forme.
Quelques minutes plus tard, le Magicobus s’arrêta dans un crissement de pneus devant un petit pub qui se tassa un peu pour éviter la collision. Ils entendirent Stan aider la malheureuse Madame Dumarais à descendre sous les murmures de soulagement des autres passagers. Le bus repartit et…
BANG !