– Je vais essayer d’entrer de force dans votre esprit, répondit Rogue à mi-voix. Nous verrons si vous parvenez à résister. On m’a dit que vous aviez déjà montré certaines aptitudes à combattre le sortilège de l’Imperium. Vous verrez qu’il faut faire appel à des pouvoirs similaires dans le cas présent… Préparez-vous, attention !
Rogue avait attaqué avant que Harry soit prêt, avant même qu’il ait pu concentrer la moindre force mentale. Le décor se mit à flotter autour de lui puis disparut. Des images se succédaient dans son esprit, comme un film si réaliste qu’il occultait tout le reste.
Il avait cinq ans, il regardait Dudley pédaler sur son nouveau vélo rouge vif et son cœur débordait d’envie… Il avait neuf ans et Molaire, le bouledogue, le poursuivait en l’obligeant à se réfugier en haut d’un arbre, sous les rires de la famille Dursley qui observait la scène depuis la pelouse… Il était assis sous le Choixpeau magique qui lui disait qu’il pourrait faire de grandes choses à Serpentard… Hermione était allongée sur un lit de l’infirmerie, le visage recouvert d’une épaisse toison noire… Une centaine de Détraqueurs s’avançaient vers lui, sur la rive du lac… Cho Chang s’approchait sous la branche de gui…
« Non, dit une voix dans la tête de Harry, tandis que Cho s’approchait de plus en plus, il ne doit pas voir ça, il ne doit pas voir ça, c’est ma vie privée…
Il ressentit une douleur aiguë au genou. Le bureau de Rogue était réapparu et Harry s’aperçut qu’il était tombé par terre. Dans sa chute, l’un de ses genoux s’était cogné douloureusement contre un pied de la table. Il leva les yeux vers Rogue qui avait abaissé sa baguette et se massait le poignet, à un endroit où sa peau était enflée, comme s’il venait de se brûler.
– Vous avez fait exprès de lancer un maléfice Cuisant ? demanda Rogue avec froideur.
– Non, répondit Harry d’un ton amer, en se relevant.
– C’est bien ce que je pensais, dit Rogue avec mépris. Vous m’avez laissé entrer trop loin. Vous avez perdu tout contrôle.
– Vous avez vu tout ce que j’avais dans la tête ? s’inquiéta Harry qui n’était pas sûr de vouloir connaître la réponse.
– Par éclairs, dit Rogue, la lèvre retroussée. À qui appartenait le chien ?
– À ma tante Marge, répondit Harry avec une véritable haine pour Rogue.
– Pour une première tentative, ce n’était pas aussi lamentable qu’on aurait pu le craindre, reprit Rogue en levant à nouveau sa baguette. Vous avez fini par réussir à me bloquer bien que vous ayez perdu du temps et de l’énergie à crier. Vous devez rester concentré. Repoussez-moi avec votre cerveau, vous n’aurez pas besoin de votre baguette.
– J’essaye, dit Harry avec colère, mais vous ne m’expliquez pas comment faire !
– Sur un autre ton, Potter, répliqua Rogue, menaçant. Et maintenant, vous allez fermer les yeux.
Harry lui lança un regard féroce avant d’obéir. Il n’aimait pas du tout l’idée de rester là les yeux fermés, face à Rogue qui pointait sa baguette sur lui.
– Videz votre esprit, Potter, dit Rogue de sa voix glaciale. Débarrassez-vous de toute émotion…
Mais la fureur de Harry continuait de palpiter dans ses veines comme un venin. Se débarrasser de sa colère ? C’était à peu près aussi facile que de s’arracher les jambes…
– Vous n’y parvenez pas, Potter… Vous aurez besoin d’une plus grande discipline… Concentrez-vous, à présent…
Harry essaya de se vider l’esprit, de ne penser à rien, de ne se souvenir de rien, de ne rien ressentir…
– Allons-y… Je compte jusqu’à trois… Un, deux, trois,
Un grand dragon noir se cabrait devant lui… Son père et sa mère lui adressaient des signes de la main, de l’autre côté d’un miroir enchanté… Cedric Diggory était allongé sur le sol, ses yeux vides fixés sur lui…
– NOOOOOOOON !
Harry était à nouveau tombé à genoux, le visage dans les mains. Son cerveau lui faisait mal comme si quelqu’un avait essayé de l’arracher de son crâne.
– Levez-vous ! lança sèchement Rogue. Levez-vous ! Vous n’essayez pas, vous ne faites aucun effort. Vous me laissez accéder à des souvenirs qui vous font peur, vous me donnez des armes !
Harry se releva, le cœur cognant frénétiquement contre sa poitrine, comme s’il venait vraiment de voir Cedric mort dans le cimetière. Rogue était encore plus pâle que d’habitude, plus en colère aussi, mais certainement pas aussi furieux que Harry.
– Je-fais-des-efforts, répliqua celui-ci, les dents serrées.
– Je vous avais dit de vous débarrasser de toute émotion !
– Ah oui ? Eh bien, je trouve ça très difficile en ce moment, gronda Harry.
– Alors, vous deviendrez une proie facile pour le Seigneur des Ténèbres ! dit Rogue avec une sorte de sauvagerie. Les idiots qui portent fièrement leur cœur en bandoulière, qui sont incapables de contrôler leurs émotions, qui se complaisent dans les souvenirs les plus tristes et se laissent facilement provoquer – les gens faibles, en d’autres termes – n’ont aucune chance de résister à ses pouvoirs ! Il parviendra à pénétrer votre esprit avec une facilité absurde, Potter !