Il s’arrêta et écouta de nouveau, puis entra à l’intérieur de la salle suivi de Fizban et de sa boule de lumière.
— On dirait un musée, remarqua Tass en découvrant les peintures qui couvraient les murs.
Par les fenêtres placées en hauteur, il vit la ligne sombre des montagnes se découper sur le ciel étoilé. Après avoir soigneusement repéré les lieux, il compléta le schéma qu’il s’était fait mentalement.
— Si mes calculs sont bons, résuma-t-il, la salle du trône est à l’ouest, et l’antre du dragon se trouve juste derrière. Elle ouvre forcément sur le ciel, ce qui nous permettra de voir d’en haut ce qui s’y passe.
Absorbé par son étude, il ne s’était pas rendu compte que Fizban ne l’écoutait pas. Le vieux magicien examinait les peintures avec intérêt.
— Ah ! la voilà, murmura-t-il. Tasslehoff !
Le kender tourna la tête. Il vit une des peintures s’illuminer d’une lueur diffuse.
— Oh ! Mais qu’est-ce que je vois là ! fit-il. Voyons ! Des dragons…, des dragons rouges, comme Ambre. Ils attaquent Pax Tharkas et… (Il se tut.) Des hommes…, des Chevaliers de Solamnie chevauchant d’autres dragons les combattent ! Ces dragons dorés et argentés irradient de lumière ! Les armes des chevaliers aussi !
Soudain, Tass eut une
— La Lancedragon ! murmura-t-il, pris dans son rêve.
— Oui, petit, chuchota le vieux mage. Tu as compris. Tu as trouvé la réponse. Souviens-t’en. Mais pour l’instant, oublie…, oublie…, dit-il en tirant sur la queue-de-cheval du kender.
— Des dragons. Qu’est-ce que j’ai dit ?
Tass ne se souvenait de rien. Il se demanda ce qu’il faisait planter devant une peinture que la poussière rendait pratiquement invisible.
— An oui ! s’écria-t-il. L’antre du dragon. Si mes calculs sont exacts, c’est par là.
Il partit en trottinant. Le vieillard le suivit, un sourire aux lèvres.
— Arrête, polisson ! s’indigna Caramon en flanquant une tape sur la main qu’Ebène avait glissée sous sa jupe.
Devant les pitreries des guerriers déguisés, les trente-quatre femmes entassées dans la prison éclatèrent de rire. Leurs conditions de vie étaient épouvantables, mais l’arrivée des compagnons leur redonnait espoir. Celle qui se nommait Maritta voulut tranquilliser Tanis, soucieux de ne pas attirer l’attention des gardiens.
— Nous sommes de votre côté, et nous avons compris ton plan. Nous ferons l’impossible pour qu’il réussisse, mais à une condition… Nos enfants ne doivent courir aucun risque !
Elle se tourna vers ses compagnes, qui hochèrent la tête en signe d’approbation.
— Je ne peux malheureusement pas vous le garantir. Il nous faudra nous battre contre un dragon avant de pouvoir les libérer…
— Contre Flamme ? dit Maritta, incrédule. Il n’y a pas grand-chose à craindre de cette pauvre créature. Si vous lui faisiez le moindre mal, les enfants vous mettraient en pièces. Ils l’adorent.
— Ils adorent le dragon ? s’enquit Lunedor. Comment s’y est-il pris ? Il les a ensorcelés ?
— Non. Je ne crois pas que Flamme soit en état de jeter un sort, souffla tristement Maritta. La pauvre créature a presque perdu la tête. Ses rejetons ont été tués à la guerre et elle s’est mis dans la tête que nos enfants étaient les siens. Je me demande d’où le seigneur l’a sortie, mais il devrait avoir honte ! J’espère bien qu’il le paiera ! Il ne sera pas difficile de libérer les enfants. Flamme dort tard dans la matinée ; nous leur apportons à manger et nous les prenons pour une petite promenade. Elle se rendra compte qu’ils ne sont plus là quand elle se réveillera. La pauvre bête !
Les femmes mirent la dernière main aux déguisements qu’elles avaient confectionnés pour les compagnons. Vint le tour du chevalier de revêtir le sien.
— Me raser !
Sturm avait accepté tant bien que mal l’idée de se déguiser, puisque c’était le seul moyen d’aller de la forteresse aux mines sans se faire remarquer. Mais il préférait succomber à la torture plutôt que sacrifier sa moustache. Tanis parvint à le calmer en lui suggérant de s’envelopper la tête dans un fichu.
Rivebise provoqua un deuxième incident. Sur un ton définitif, il déclara que jamais il ne s’habillerait en femme. Aucun argument ne réussit à le faire changer d’avis.
Lunedor prit Tanis à l’écart. Elle lui expliqua que, dans leur tribu, un guerrier qui s’était montré lâche devait porter des vêtements féminins jusqu’à ce qu’il ait expié.
Après force discussions, il fut décidé que Rivebise s’envelopperait dans une cape et marcherait courbé en deux comme une vieille matrone.
Bientôt ce fut l’heure d’apporter à dîner aux mineurs. Raistlin, qui avait toussé tout l’après-midi, décréta qu’il était trop faible pour les accompagner.
— Vous n’avez pas besoin de moi ce soir, murmura-t-il d’une voix éteinte. Laissez-moi ici, il faut que je dorme.
— Qu’il reste tout seul ne me plaît guère…, commença Gilthanas.