Tass atteignit rapidement la première dent de la roue. Sa large tunique relevée jusqu’aux cuisses, Fizban le suivit avec une agilité déconcertante. La boule de lumière dansait devant eux, comme si elle les avait guidés vers le tunnel.
Le kender examina l’intérieur du tunnel. Haut de sept pieds, il abritait une quantité de petites chaînes reliées à la principale et lestées d’énormes poids.
— Quelle heure peut-il être ? demanda Tass.
— L’heure de manger, répondit le vieillard. Nous pouvons très bien le faire ici. Cet endroit est aussi sûr qu’un autre pour se reposer.
— Flint, pour la dernière fois, je te répète que je suis aussi malheureux que toi d’avoir perdu Tass, dit Tanis d’un ton grave. Mais nous ne pouvons pas retourner en arrière ! Songe qu’il est avec Fizban. Tels que nous les connaissons, ils réussiront sûrement à se tirer d’affaire.
— Si toutefois ils ne font pas s’effondrer la forteresse ! marmonna Sturm.
Le nain s’essuya les yeux et lança un regard noir à Tanis, puis il lui tourna le dos et s’accroupit dans un coin, la mine sinistre.
Tanis se rassit. Il comprenait ce que ressentait Flint. Aussi étrange que cela paraisse, le kender, qu’il aurait parfois étranglé de bon cœur, lui manquait cruellement. Son indéfectible bonne humeur en faisait un compagnon irremplaçable. Tous les kenders ignoraient la peur, mais, de surcroît, Tass ne se laissait jamais abattre, toujours prêt à faire face au danger. Tout ce que Tanis pouvait espérer, c’est que la nouvelle épreuve que son ami traversait ne serait pas la dernière.
Les compagnons se reposèrent pendant une heure et se restaurèrent. Voyant Gilthanas absorbé par l’étude d’une carte, Tanis approcha. Passant devant Laurana, assise seule, il lui sourit. Elle détourna la tête. Tanis soupira : il regrettait de lui avoir parlé si durement. Force était de reconnaître qu’elle s’était remarquablement comportée en des circonstances périlleuses. Il envisagea de s’excuser auprès d’elle, mais d’abord, il fallait parler à Gilthanas.
— Quel plan caresses-tu ? demanda-t-il en s’asseyant près de l’elfe.
— Où nous trouvons-nous exactement ? s’enquit Sturm.
Bientôt, tous les compagnons furent rassemblés autour de la carte.
— Voilà la forteresse de Pax Tharkas, entourée de la zone des mines, dit Gilthanas en pointant un doigt. Nous sommes dans les caves du niveau inférieur. Sous ce passage, environ à cinquante pieds d’ici, se trouvent les geôles des femmes et un poste de garde. Là, dit-il en appuyant sur le parchemin, c’est l’antre d’un des dragons rouges, celui que le seigneur Verminaar appelle Ambre. L’antre communique avec les appartements du seigneur, au premier.
« Les enfants sont prisonniers derrière la chambre de Verminaar. Le seigneur des Dragons n’est pas idiot. Il a séparé ses otages, sachant que les femmes ne s’évaderont pas sans leurs enfants, ni les hommes sans leur famille. Un deuxième dragon rouge monte la garde devant la prison des gamins. Les hommes, environ trois cents, travaillent dans les mines creusées sous la montagne, en compagnie de plusieurs centaines de nains des ravins. »
— Tu sembles bien informé, dit Ebène.
— Que veux-tu insinuer ? répliqua Gilthanas.
— Rien du tout ! Je me borne à constater que tu connais bien Pax Tharkas, pour quelqu’un qui n’y est jamais allé. Je me demande donc pourquoi nous nous sommes jetés dans les bras d’un monstre qui a failli nous tuer.
— Ebène, dit Tanis d’un ton calme, nous sommes las d’entendre tes sempiternels soupçons. Il n’y a pas de traîtres parmi nous, j’en suis sûr. Comme l’a dit Raistlin, s’il y en avait un, il nous aurait vendus depuis longtemps. Pourquoi nous aurait-il laissés progresser aussi loin ?
— Pour nous livrer, les Anneaux et moi, au seigneur Verminaar, dit tranquillement Lunedor. Il sait parfaitement que je suis ici, Tanis. Lui et moi sommes des gens de foi.
— C’est ridicule ! grogna Sturm.
— Pas du tout, reprit Lunedor. Souviens-toi de la disparition des deux constellations. L’une était la Reine des Ténèbres, qui compte parmi les anciens dieux. Les dieux du Bien s’opposent aux dieux du Mal, et les dieux
— Raison de plus pour cesser de se chamailler, dit Tanis en fixant Ebène.
— Ce que vous me dites me suffit. Je suis avec vous.
— Quel est ton plan, Gilthanas ? interrogea Tanis, notant avec irritation que Sturm, Caramon et Ebène échangeaient des regards complices.
Gilthanas avait également vu l’échange de clins d’œil. Il regarda les trois hommes sans ciller puis parla d’un ton mesuré et distant, comme à contrecœur :