Читаем Том 8. Былое и думы. Часть 1-3 полностью

Une fois, au milieu de la nuit, j’entends une voix qui m’appelle, j’ouvre les yeux; la vieille dame, en jaquette de nuit, un foulard sur la tête, un bougeoir à la main, était là: m’ordonnant d’envoyer à l’instant chercher le docteur et la sace-femme. Je mourais de frayeur – comme si c’eût été une surprise, comme si nous n’avions pas parlé des mois entiers de ce moment! Avec quel bonheur je me serais tourné sur l’autre côté, après avoir pris une dose d’opium pour dormir pendant tout le temps du danger! – Mais il n’y avait rien à faire. – Je m’habillai tout tremblant; j’envoyai le domestique, et m’élançai dans la chambre à coucher de N… – Je lui prenais les mains; j’ennuyais la vieille dame par des questions insipides et je sortais dix fois par minute dans le vestibule pour écouter si on n’entendait pas le bruit d’un équipage. – C’était une nuit chaude d’été, tout était tranquille et calme; les oiseaux commençaient à chanter; l’aurore colorait les feuilles des arbres du jardin; j’aspirais l’air fortement et je retournais dans la chambre à coucher. – Enfin, on entendit une voiture roulant sur le Pont! – Grâce à Dieu! – Ils arrivaient encore à temps.

A onze heures du matin, je tresaillis comme frappé d’un coup électrique. Le cri fort d’un nouveau-né avait frappé mes oreilles. «C’est un garçon!» – criait la vieille dame, tout en larmes elle-même, et me l’apportant sur un coussin. Je voulais le prendre; mais mes mains tremblaient si fort que la vieille dame ne voulut pas me le donner.

Toute idée de danger avait disparu (quoique très souvent ce soit alors que le danger commence). Une joie folle s’empara de moi, comme si j’avais un carillon de toutes les cloches, un brouhaha de fête à l’intérieur. N… me souriait, souriait à l’enfant, pleurait, riait; et seulement la respiration spasmodique et une pâleur mortelle rappelaient les souffrances de tout à l’heure.

Je quittais l’appartement; j’entrai chez moi, et, complètement brisé, je me jetai sur mon canapé; sans pensée déterminée, sans me rendre compte de ce qui s’était passé, je restai là – dans une souffrance de bonheur.

J’ai vu encore, ailleurs, de jeunes traits exprimant à la fois cette souffrance et ce bonheur: de jeunes traits où la mort et une joie douce et suave planaient ensemble. C’était à Rome, dans la galerie du prince C… Je les ai de suite reconnus, en regardant la Madone de Van Eyck, et je me suis arrêté tressaillant – et je ne pouvais pas m’arracher de ce tableau.

Jésus vient de naître, on le montre à la Madone. Brisée, fatiguée, languissante, sans une goutte de sang dans la figure, elle sourit à l’enfant et arrête sur lui un regard faible qui se fond en amour.

Il faut le dire, la vierge-mère ne va pas du tout dans la religion célibataire du christianisme. Avec elle, dans l’éternel enterrement du monde par l’église, dans le dernier jugement et autres horreurs de la théodicée sacrée, pénètrent la vie, la douceur, l’amour.

C’est pour cela que le protestantisme ne chassa que la Madone de ses hangars de piétisme, de ses fabriques de sermons. Elle confond l’ordre divin de la Trinité; elle ne peut pas se défaire de la nature terrestre; elle chauffe l’enceinte froide de l’église, et reste, quand-même, femme et mère. Par un enfantement naturel, elle se venge de la conception miraculeuse, et elle arrache au moine ascète une bénédiction – à son ventre.

Michel Ange et Rafael ont compris tout cela avec leurs pinceaux.

Dans le Dernier Jugement de la Chapelle Sixtine, dans cette Saint-Barthélémy au ciel, nous voyons le Fils allant fêter la vengeance divine. – Il a déjà levé une main; à l’instant il donnera le signal, et les tortures, les martyres, un auto-da-fé universel commenceront aux sons terribles de la trompette. Mais à côté de lui, une femme, sa mère, tremblante, dolorosa, se presse contre lui. – Peut-être en la regardant, il s’adoucira; il oubliera sa dure parole, «femme, qu’y a-t-il entre moi et toi?», et il ne donnera pas le signal.

La Madone Sixtine, de son côté, c’est Mignon de Gœthe après ses couches. On l’a effrayée par un sort sans exemple; elle a perdu la tête.

Was hat man dir, du, armes Kind, getan!

Sa tranquillité intérieure est détruite. On lui a fait accroire quе son fils – est un fils de Dieu. Elle le regarde dans un état d’exaltation nerveuse, magnétique, et semble dire: «Prenez-le, il n’est pas à moi». Et en même temps elle le presse… de manière qu’on voit très bien que, si c’était possible, elle s’enfuirait au fond des forêts, et, loin des hommes, caresserait, allaiterait, non pas le sauveur du monde, – mais son enfant, à elle. Et tout cela, parce qu’elle est restée femme et n’a rien de commun avec dieux femelles, les Isis, les Cérès, les Dianes.

Перейти на страницу:

Все книги серии Герцен А.И. Собрание сочинений в 30 томах

Похожие книги