Читаем Том 8. Былое и думы. Часть 1-3 полностью

– Ma femme, – me dit un jour un brave bourgeois, – ma femme, – et il se tourna à gauche et à droite pour voir s’il n’y avait pas dans l’appartement des femmes ou des mineurs, – elle est enfin, pardonnez-moi, mais enfin… elle est enceinte…

Oui, la confusion de toutes les notions morales est encore telle que parler de l’état d’une femme enceinte offense les mœurs. Pourtant c’est bien étrange: on exige d’un homme un respect absolu, une vénération sans bornes pour la mère quelle qu’elle soit, et on voile le mystère de la naissance, non par un sentiment de piété ou de respect, mais – par bienséance. Tout cela, résultat de la dissolution idéelle, de la corruption monacale, de cet éternel et maudit holocauste de la chair, de ce malheureux dualisme qui nous tire en deux sens opposés, comme les hémisphères de Magdebourg. Il y a deux années, j’ai lu dans un livre – écrit par un socialiste – qu’avec le temps les enfants naîtront d’une autre manière! – et de laquelle? – comme les anges. – Au moins, c’est claire.

Honneur à notre maître commun, le vieux réaliste Gœthe! C’est lui qui a osé mettre à côté des vierges du romantisme la femme enceinte, et qui n’a pas craint de ciseler les formes altérées de la mère future, en les comparant aux formes sveltes de la femme future.

En effet, la femme qui porte, avec la mémoire des transports passés, toute la croix de l’amour, tout son fardeau; qui sacrifie sa beauté, sa vie; qui souffre, qui nourrit enfin de son sein, – c’est une des plus poétiques et des plus touchantes images.

Dans les Elégies romaines, dans la Fileuse, dans Gretchen et sa prière pleine de désespoir, Gœthe a exprimé de quelle solennité exhubérante la nature entoure le fruit mûrissant, et de quelle couronne d’épines la société entoure le vase du futur.

Pauvres mères! qui doivent cacher comme une flétrissure les traces de l’amour, avec quelle inhumanité, avec quelle grossièreté le monde les persécute!.. Dans le temps où la femme a un besoin si énorme de repos, de tendresse, de bienveillance, on leur empoisonne ces moments irremplaçables où la vie faiblissante succombe sous le poids du bonheur et de la plénitude.

C’est avec horreur que la mère malheureuse découvre ce secret. Elle tâche de se convaincre que ce n’est rien… Mais bientôt le doute devient impossible; elle accompagne de larmes et d’angoisses chaque mouvement de l’enfant; elle voudrait arrêter le travail mystérieux de la nature, lui faire rebrousser chemin; elle attend un malheur comme une miséricorde, comme un pardon. Mais l’infléxible nature va son chemin. – Elle est si forte, si jeune!..

Forcer une mère à désirer la mort de son enfant, et quelquefois plus, faire d’elle son bourreau et la livrer ensuite à l’autre, ou, si le cœur féminin prend le dessus, la flétrir: – quelle organisation magnifique et morale de la société!

Et qui s’est jamais donné la peine d’étudier, d’apprécier tout ce qui s’est passé dans son cœur pendant qu’elle parcourait le chemin fatal de l’amour à la frayeur, de la frayeur au désespoir, du désespoir au crime! – c’est-à-dire à la folie: car il y a une absurdité physiologique dans l’enfanticide.

Cette femme avait sans doute des moments d’oubli où elle aimait éperdument son enfant futur, et d’autant plus que son existence était un secret profond entre elle et lui. – Elle rêvait aussi à sa petite jambe, à son sourire, à ses lèvres pleines de lait – deson lait à elle; elle l’embrassait en rêvant, lui trouvait de la ressemblance avec des traits qui lui furent si chers;… et il faut le tuer!

Oh! Certainement, il y a des pauvres malheureuses; mais, en général, les femmes – perdues – n’ont pas ces sentiments.

Les femmes perdues, – lesquelles?

Certes, il n’y a rien de plus déchu que ces lézards, ces chauves-souris qui vont et viennet dans le brouillard des nuits de Londres, en offrant – victimes de la pauvreté par lesquelles la société défend les honnêtes femmes… contre l’excès des passions de leurs adorateurs – leur corps transi de froid au passant, pour ne pas mourir de faim.

Dans cette classe, il serait bien difficile de trouver quelques traces de cœur maternel, n’est-ce pas?

Eh bien, je vais vous raconter un petit fait qui m’est arrive!

Il y a trois ans, je rencontrai une jeune fille, assez jolie et mignonne. Elle appartenait à l’aristocratie de la corruption; c’est-à-dire qu’elle ne faisait démocratiquement le trottoir, mais étaitbourgeoisement entretenue par un négociant. C’était à un bal public. Un de mes amis, avec lequel j’étais là, la connaissait. Il l’invita à prendre un verre de vin avec nous. Elle accepta. C’était un être gai, éveillé, superficiel, sans aucun souci de lendemain. Ayant fini son dernier verre, elle s’élança dans le tourbillon lourd de la danse anglaise, et je la perdis de vue.

Перейти на страницу:

Все книги серии Герцен А.И. Собрание сочинений в 30 томах

Похожие книги