Je recois `a l’instant, chers papa et maman, votre lettre du 15 juin, par P'etersb. J’esp`ere que la mienne que j’adresse par la m^eme voie, vous parviendra aussi. Je tiens d’autant plus que vous la receviez, que pour cette fois j’ai une bonne nouvelle `a vous annoncer. Ma femme est accouch'ee le 14/26 du mois dernier d’un garcon. L’accouchement a 'et'e heureux, quoique plus p'enible que le dernier et maintenant, trois semaines depuis l’'ev'enement, elle est tout `a fait sur pied. Mais pour les d'etails je vous renvoie `a sa lettre. L’enfant est fort et tr`es vivace et malgr'e mon indiff'erence pour le sexe des enfants `a na^itre, j’ai 'et'e bien aise de voir que cette fois c’'etait un garcon, car cette fois, j’esp`ere, est la derni`ere. Tout dans cette affaire m’a fait plaisir, sauf la circonstance du nom que je me suis vu oblig'e de donner `a l’enfant. Vous savez mes rapports avec S'ev'erine. Il professe pour moi et toute ma famille une tr`es vive amiti'e. Il a 'et'e le parrain de la derni`ere de mes petites et il a insist'e de l’^etre aussi du nouveau-n'e, d’autant plus que c’'etait un garcon. Il n’y avait gu`eres moyen de d'ecliner sa proposition sans le mortifier. Et c’est un homme qui se mortifie ais'ement. Mais il n’y avait pas moyen non plus `a l’accepter pour parrain sans accepter aussi son nom. Et voil`a comment cet enfant qui de toute 'eternit'e 'etait pr'edestin'e `a s’appeler Jean ou Nicolas, c’est appel'e Димитрий. J’en ai 'et'e bien contrari'e, et ma femme aussi, mais c’'etait in'evitable. A part de ce que m’imposait vis-`a-vis de S'ev'erine, cette grande amiti'e qu’il me porte, j’avais d’autres motifs encore pour ne vouloir d’autre parrain que lui. Dans les circonstances actuelles, et surtout dans la position o`u moi, je me trouve plac'e, je ne pouvais assez faire pour constater l’orthodoxie du bapt^eme, et le meilleur moyen pour cela, c’'etait assur'ement de m’adresser au Ministre de Russie.
Quant `a mes affaires, je ne vous en parle pas pour le moment. Je suis sur le point de prendre une r'esolution et je n’attends pour le faire qu’une r'eponse de la Gr-Duchesse `a la lettre que ma femme lui a 'ecrite derni`erement. Il est possible et m^eme probable que j’irai cet automne `a P'etersb. Dans peu de jours je le saurai positivement*. Quant `a Nicolas, voil`a, je crois, bient^ot un an que je n’ai pas eu de ses nouvelles directes. Il est vraiment affligeant que par suite d’une indigne paresse nous nous perdons ainsi de vue.