Avant tout laissez-moi , chers papa et maman, des bonnes nouvelles que vous me donnez au sujet de Doroth'ee. J’esp`ere qu’`a la r'eception de cette lettre elle sera d'ej`a tout `a fait remise et sur pied. Voil`a, gr^ace au Ciel, un grand souci de moins. Puisse le cher neveu cro^itre et prosp'erer. Je suis arriv'e ici le 6 du mois, n st. Vous voyez que pour un courrier je ne me suis pas piqu'e d’une diligence extr^eme. Mais en 'egard `a l’exp'edition dont j’'etais porteur, cette c'el'erit'e plus grande, en me co^utant le double d’argent, eut 'et'e une grande niaiserie. Aussi `a partir de L"ubeck m^eme je me suis presque constamment pris de la diligence. Ici j’ai trouv'e en arrivant une r'eunion de Princes et Princesses des plus brillantes. Pour les noms et d'etails je vous renvois aux journaux. Cette brillante r'eunion qui reste quelques jours `a Munich et puis se transporte `a Tegernsee a failli ^etre attrist'ee par un accident qui aurait pu ^etre affreux. Derni`erement le Roi de Bavi`ere, la Reine, sa femme, et l’Imp'eratrice douairi`ere d’Autriche*, en se promenant en cal`eche dans les montagnes de Berchtesgaden, ont manqu'e ^etre jet'es dans un pr'ecipice de 80 pieds de profondeur. On n’a eu que le temps de couper les traits, trois chevaux ont 'et'e engloutis.
Quant `a la soci'et'e de Munich, je n’en ai retrouv'e que quelques d'ebris. Il n’y a que le corps diplomatique qui soit au complet. Mr S'ev'erine toujours 'etabli hors de la ville, et qui est encore fort peu accommod'e dans le pays, m’a fait l’accueil le aimable. J’ai d^in'e l’autre jour chez lui avec Греч, dont j’ai 'et'e bien aise de faire la connaissance. Excellent homme, chaud patriote et grand parleur*. Je devais y d^iner encore aujourd’hui. Mais une invitation de la Reine douairi`ere est venue m’enlever `a la sienne.
Maltitz est absent. Mais j’esp`ere qu’il ne tardera pas `a revenir.
Vous me parlez du chol'era dans votre lettre. N’en ayez, je vous prie, nul souci. D’abord il n’est pas `a Turin, et selon la position de l’endroit il n’est pas m^eme probable qu’il y vienne. Et puis je vous promets, que si j’apprenais qu’il y est, j’ajournerai mon d'epart*, ce qui peut se faire sans grand inconv'enient. Je saurai `a quoi m’en tenir, en passant par la Suisse, o`u je compte me rendre dans quelques jours d’ici pour y avoir une entrevue avec Potemkine qui y est en ce moment et qui probablement y restera quelque temps, vu que le chol'era r`egne `a Rome avec une grande intensit'e. D’apr`es les derni`eres nouvelles la maladie 'etait arriv'ee jusqu’`a Florence. Quant `a G^enes, il n’y a eu que des cas isol'es.
Ce qui m’inqui`ete bien plus que le chol'era italien, c’est le typhus qui r`egne `a Varsovie. J’esp`ere que Nicolas persistera dans son projet de venir vous voir `a P'etersbourg, et une fois pr`es de vous, faites-moi le plaisir de le garder jusqu’`a ce que vous puissiez le renvoyer sans danger `a Varsovie. Oh les maudites distances.