Nous admirons en U.R.S.S. un extraordinaire élan vers
l'instruction, la culture; mais cette instruction ne
renseigne que sur ce qui peut amener l'esprit à se féliciter
de l'état de choses présent et à penser:
Et rien, plus que cet état d'esprit, ne met en péril la culture. Je m'en expliquerai plus loin.
Le citoyen soviétique reste dans une extraordinaire ignorance de l'étranger 10. Bien plus: on l'a persuadé que tout, à l'étranger, et dans tous les domaines, allait beaucoup moins bien qu'en U.R.S.S.. Cette illusion est savamment entretenue; car il importe que chacun, même peu satisfait, se félicite du régime qui le préserve de pires maux.
D'où certain
Chaque étudiant est tenu d'apprendre une langue étrangère. Le français est complètement délaissé. C'est l'anglais, c'est l'allemand surtout, qu'ils sont censés connaître. Je m'étonne de les entendre le parler si mal; un élève de seconde année de chez nous en sait davantage.
De l'un d'entre eux que nous interrogeons, nous recevons cette explication (en russe, et Jef Last nous le traduit):
—Il y a quelques années encore l'Allemagne et les Etats-Unis pouvaient, sur quelques points, nous instruire. Mais à présent, nous n'avons plus rien à apprendre des étrangers. Donc à quoi bon parler leur langue 11?
* * * * *
Du reste, s'ils s'inquiètent tout de même de ce qui se fait à l'étranger, ils se soucient bien davantage de ce que l'étranger pense d'eux. Ce qui leur importe c'est de savoir si nous les admirons assez. Ce qu'ils craignent, c'est que nous soyons insuffisamment renseignés sur leurs mérites. Ce qu'ils souhaitent de nous, ce n'est point tant qu'on les renseigne, mais qu'on les complimente.
Les petites filles charmantes qui se pressent autour de moi dans ce jardin d'enfants (où du reste tout est à louer, comme tout ce qu'on fait ici pour la jeunesse) me harcèlent de questions. Ce qu'elles voudraient savoir, ce n'est pas si nous avons des jardins d'enfants en France; mais bien si nous savons en France qu'ils ont en U.R.S.S. d'aussi beaux jardins d'enfants.
Les questions que l'on vous pose sont souvent si ahurissantes que j'hésite à les rapporter. On va croire que je les invente: —On sourit avec scepticisme lorsque je dis que Paris a, lui aussi, son métro. Avons-nous seulement des tramways? des omnibus?... L'un demande (et ce ne sont plus des enfants, mais bien des ouvriers instruits) si nous avons aussi des écoles, en France. Un autre, un peu mieux renseigné, hausse les épaules; des écoles, oui, les Français en ont; mais on y bat les enfants; il tient ce renseignement de source sûre. Que tous les ouvriers, chez nous, soient très malheureux, il va sans dire, puisque nous n'avons pas encore «fait la révolution». Pour eux, hors de l'U.R.S.S., c'est la nuit. A part quelques capitalistes éhontés, tout le reste du monde se débat dans les ténèbres.
Des jeunes filles instruites et fort «distinguées» (au camp
d'Artek qui n'admet que les sujets hors ligne) s'étonnent
beaucoup lorsque, parlant des films russes, je leur dis que