Читаем Orchéron полностью

Un tumulte de cris perçants, de meuglements, de crépitements se leva tout à coup. Il crut que les chasseurs éperonnaient leurs montures pour le piétiner, pour en finir. Il s’agrippa soudain de toutes ses forces à cette vie qu’ils venaient lui prendre et que, quelques instants plus tôt, il leur aurait cédée sans résistance. Il voulut raffermir sa prise sur le manche de son couteau, mais ses doigts se refermèrent sur le vide. Il l’avait lâché sans même s’en rendre compte pendant les assauts des yonks. Il se redressa pour chercher une issue du regard.

Le spectacle qu’il découvrit alors le stupéfia. Les yonks tournaient sur eux-mêmes, apeurés, affolés, isolés les uns des autres par des créatures qu’il ne voyait pas mais dont il devinait les déplacements aux mouvements des herbes. Les cavaliers, eux-mêmes gagnés par la nervosité, s’efforçaient à la fois de rester en selle, de maîtriser leur monture et de décocher leurs flèches. Certains d’entre eux avaient déjà vidé leur carquois, jeté leur arc et tiré leur poignard qu’ils brandissaient en poussant des hurlements de frayeur et de désespoir. Le regard d’Orchéron capta en arrière-plan, entre les herbes qui coiffaient les buttes environnantes, des silhouettes nimbées de lumière, attentives, immobiles.

Un chasseur lâcha les rênes et fut éjecté de sa selle. Son yonk fou de terreur s’éloigna aussitôt au triple galop. Il y eut une agitation intense, rageuse, autour de l’homme à terre, qui évoquait les remous, les convulsions, les craquements, les succions d’une invisible curée. Son cri d’agonie plana un long moment au-dessus du tumulte avant de s’achever en un gargouillis prolongé, sinistre. Stimulés par la fuite de leur congénère, les yonks comprirent que leur survie passait par l’élimination de leurs cavaliers, ruèrent et se cabrèrent de plus belle. Les lakchas, désarçonnés, chutèrent l’un après l’autre et se retrouvèrent au sol, aux prises avec un adversaire insaisissable, impitoyable. Quelques-uns réussirent à se relever, mais à peine eurent-ils le temps d’esquisser un pas que les remous les renversèrent et les submergèrent.

Lorsque Orchéron, abasourdi, se releva, il se demanda s’il n’émergeait pas d’un rêve. Il ne restait plus un seul lakcha de chasse dans le campement ventresec, pas un fragment d’os, ni un pan de vêtement, ni une chaussure, ni même un morceau de viscère ou une goutte de sang. Rien d’autre qu’une vague odeur de yonk et un silence funèbre. Ils s’étaient volatilisés, tout comme les silhouettes sur les buttes environnantes, tout comme les créatures une fois leur carnage accompli. Il se raccrocha, pour se convaincre qu’il évoluait toujours dans le monde réel, aux vestiges des abris des errants, à l’amas de cendres encore chaudes, aux taches sombres et lointaines des montures éparpillées sur la plaine jaune, aux égratignures qui lui zébraient le torse. Il eut envie de plonger les mains dans un tas de terre humide et rouge, de la plier et de l’arrondir sous ses doigts. Jamais il ne s’était senti aussi réel que dans l’atelier de poterie du domaine. Comme si façonner la matière lui permettait de descendre dans le cœur même de la matière, comme si la terre modelée, consentante, lui confiait ses secrets.

Des mouvements traversèrent son champ de vision, suivis de froissements. Les créatures rampantes étaient revenues en arrière pour lui faire subir le sort des chasseurs, du moins le crut-il jusqu’à ce que des silhouettes humaines émergent des herbes et convergent dans sa direction. Il reconnut la chevelure exubérante, la robe claire et l’allure décidée d’Ezlinn. Elle s’avança vers lui et, tandis que les autres s’égaillaient dans le campement dévasté, lui posa la main sur l’avant-bras et le fixa d’un air où se mêlaient soulagement et remords.

« Tu n’es pas blessé ? demanda-t-elle en examinant les éraflures semées sur son torse par ses innombrables chutes.

— Juste des égratignures.

— Loués soient les négentes, les furves sont arrivés à temps, dit-elle au bout d’un petit moment de silence avec un sourire hésitant.

— Des furves ? Je les croyais inoffensifs…

— Ça dépend des moments, ça dépend pour qui. Arjam (elle désigna du bras un homme aux cheveux clairs, presque blancs, qui inventoriait avec les autres les restes des abris) est celui de notre clan qui communique avec les furves.

— Tu veux dire que ces animaux sont… intelligents ?

— Ah, tu es bien comme les autres ! »

Le front plissé, l’air maussade, elle laissa errer son regard sur les membres de son clan affairés à sauver ce qui pouvait l’être.

« Les mathelles, les permanents, les chasseurs, ils pensent tous qu’ils sont les seuls êtres évolués de ce monde ! reprit-elle d’une voix gonflée de fureur contenue. Et ils s’installent sur ces terres comme si elles leur avaient toujours appartenu ! Ils ne cherchent pas à rencontrer les autres formes de vie, et pourtant les autres formes de vie, les furves, les négentes, ont tant de choses à nous apprendre.

— Les négentes ? Qu’est-ce que les umbres pourraient nous apprendre ? »

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