On va se tailler de l'intérieur et non de l'extérieur; La lumière admirable, jaillit de la matière grise béruréenne, comme le Rhône des glaciers bleus du Saint-Gothard! O esprit phosphorescent qui, au milieu de la nuit hostile, nous guide vers les rivages obscurs du salut! O astuce poulardière enfantée par ce primate à station verticale et au langage articulé! Magicien des abîmes! Spéléologue de la ruse! Astronaute de la combinaison! Toi dont le ventre ressemble au mont Ventoux et l'intelligence à une fosse septique. Toi qui manipules l'andouillette sans fourchette et la couennerie sans pincettes, sois récompensé pour tes suggestions radieuses! Que la terre tout entière forme ta garde d'honneur! Que l'eau purifiante des baptêmes redonne à tes pieds sales l'éclat du neuf! Oui, tu l'auras ta revanche, tu seras mon dernier échanson! Comme je t'aime, Bérurier! Comme tu me satisfais! Comme tu me combles! Comme tu communiques à tout mon être la joie pathétique et suprême des aboutissements. Merci, ami de toujours!
Je lui donne une caresse qui l'écarlate.
Ayant dit, je poursuis:
— Si nous parvenons à quitter le camp, notre seule chance est de traverser la jungle en direction de l'Ouest jusqu'à ce que nous ayons franchi la frontière laotienne. Une fois au Laos, nous gagnerons Viea Tiane, la capitale où se trouve un consulat de France qui nous rapatriera.
—
— Si vous n'y avez pas droit, vous pourrez toujours faire appel aux membres de votre organisation, Curt, déclare Olga.
— Oh, pour l'amour du ciel, cessez vos railleries ou je vous écrase comme une punaise! gronde l'officier. La plaisanterie a suffisamment duré…
Olga va pour rétorquer,mais je les fais taire d'un péremptoire claquement de doigts: j'ai pas envie qu'ils attirent l'attention avec leur différend dont je finis par avoir classe.
Et puis j'ai besoin de silence pour ouïr le gars Bérurier, lequel me chuchote quelque chose à l'oreille. Que me dit-il, le bien cher homme? Quelle idée filandreuse vient le tourmenter pour qu'il tienne
— Bravo, Gros, Tu viens de tracer la route.
— On peut connaître? demande Curtis.
— D'autant plus volontiers qu'on ne peut rien faire sans toi, dis-je: Il s'agit tout simplement de rééditer le coup de ta précédente évasion, petit canaillou.
— C'est-à-dire?
— La fugue en hélicoptère.
Il a un pâle sourire.
— Pourquoi pas? Ce serait amusant si ça réussissait.
— Pas de conditionnel, Curt! Lorsqu'on se lance dans une entreprise (de tabac râpé) aussi audacieuse, il faut bannir de son esprit l'idée d'échec.
— Je suis curieuse de savoir comment vous allez vous y prendre, Tony, roucoule la jolie bergère.
— Justement, vous allez le savoir, Olga. Habillez-vous!
— Quoi!
Le Gros qui a besoin d'exercice la mornifle à nouveau en disant:
— T'obéis et t'écrases, gosse. On peut pas se permettre de discutailler dans la conjonction présente avec une mémé de ton acabit.
Alors, que voulez-vous: elle obéit.
Le gars bibi, avec son casque et son fusil, il a l'air d'un militaire habillé en soldat. la nuit, tous les militaires sont gris (quelque uns sont noirs d'ailleurs). Je vais d'un pas énergique jusqu'à la prison, me rangeant parfois de côté pour laisser foncer une chignole tous-terrains lancée sur le sentier de la guerre.
Mon objectif? Il est minime en apparence essayer de dénicher deux casques afin que mes joyeux coéquipiers eussent à leur tour des découpes de soldats.
J'arrive sans encombre à la geôle. Etant donné qu'elle ne recèle plus de prisonniers, elle n'a plus du tout l'air d'une prison. Le poste de garde est vide car, si la fonction crée l'organe, l'absence d'organe supprime par contre la fonction. C'est un truc que mon vieux copain Maxime, (dit de La Rochefoucault) a dû noter avec sa pointe Bic dans un coin de ses carnets. La porte grillagée est entrebâillée et on a éteint les lumières. Dans le fond, l'endroit le plus parfait pour nous cacher, ce serait la taule. Les camarades sovietcongs nous chercheraient partout et ailleurs avant de regarder ici. J'entre donc céans. Et j’y trouve ce que j'y suis venu chercher. Je fais en outre l'emplette de deux flingues, bien que mes potes possèdent déjà des armes. Ça rameute drôlement dans le patelin. M'est avis que les Rouges tournent au vert. Une évasion aussi spectaculaire, effectuée en deux temps (et presque trois mouvements), ça crée des complexes. On doit perdre le moral du vainqueur lorsque des petits dégourdoches vous jouent la fille de l'air de cette manière.