Читаем Le Soldat Oublié полностью

Après une demi-heure de marche, nous nous trouvons en train de soulever poutres et moellons, aveuglés par la fumée acre de multiples incendies. Les explosions à retardement continuent à pulvériser ce qui reste d’une population bourgeoise gémissante. Des groupes de civils pleurnichards sont enrôlés à grands coups d’engueulades pour le déblayage. Tout le monde s’active. Il fait nuit, et seuls les incendies nous éclairent. Entre les monceaux de pierres, bois, vitres, meubles, bras, jambes, des conduites de gaz arrachées flambent en grondant comme des chalumeaux.

Une équipe de territoriaux nous distribue des pioches. Pour être plus à l’aise nous nous sommes débarrassés de notre fourniment que nous avons empilé près d’une voiture de pompiers. À la hâte il faut fouiller les ruines. Les gémissements des civils bloqués dans les caves montent jusqu’à nous. Des femmes et des enfants apeurés transportent en pleurant les briques, les pierres, et dégagent ainsi de grands espaces. Les ordres se succèdent, se conjuguent. « Par ici ! Ici ! » « Allons, du monde ici ! » « Vite, les conduites d’eau crevées noient les caves, vite ! » Nous autres militaires, on nous envoie dans les endroits les plus dangereux, menacés d’éboulements. Par des puits en profondeur nous arrivons aux caves. Nous attaquons avec ardeur un mur de briques qui doit cacher l’accès à un souterrain d’où montent des plaintes. Aidés du faible éclairage d’une ou deux lampes de poche, nous progressons à travers le fatras. Ma pioche disparaît dans quelque chose de flasque. Probablement le ventre d’un malheureux, broyé sous des tonnes de ruines. Merde de merde, je suis en permission ! tout ceci me retarde, bon Dieu ! Un grondement fait bouger le sous-sol où nous nous trouvons. Encore une de ces ingénieuses torpilles américaines qui explosent après coup. Nos efforts sont tout de même récompensés. Le dernier mur de briques tombe sous nos coups répétés. Du trou noir et béant, d’où s’échappe une poussière invraisemblable, surgit une cohorte de gens hagards et noircis. Les uns nous enlacent en pleurant de reconnaissance, d’autres s’enfuient littéralement fous. Tous sont plus ou moins blessés ou meurtris. Il faut nous engager en toussant dans le trou pour arracher des femmes pétrifiées qui serrent, à les étouffer, leurs bambins dans leurs bras.

Je ramasse le premier enfant que je rencontre. Un môme de cinq ou six ans s’agrippe à mon pantalon au point qu’il le fait sortir de ma botte, il m’entraîne en pleurant tellement que la reprise de sa respiration, entre deux sanglots, dure le temps d’un silence démesuré. Il me conduit vers un recoin où un casier à bouteilles écrasé maintient tout de même la base de la voûte prête à céder. Au pied, mélangé au fatras, une forme humaine gît, indistincte. Le mioche pleure toujours d’un chagrin sans remède. Je me mets à gueuler :

— Licht ans ! Schnell !…

Quelqu’un avance avec un lumignon. J’aperçois alors le corps d’une femme défoncé par la ferraille du casier à bouteilles écrasé par trente ou quarante tonnes de maçonnerie désintégrée. Le corps d’un enfant est à moitié coincé sous elle. Tirant sur les hardes humides et poussiéreuses de la morte, j’arrache brutalement, comme s’il s’agissait d’une pierre parmi tant d’autres, le corps inerte du mioche. Pas si inerte que ça, il semble remuer. À la hâte, chargé des deux gosses, je gagne l’entrée du souterrain. Je dépose celui qui se tait dans les bras des secouristes et entraîne celui au visage noyé de larmes un peu plus loin où je l’abandonne. Qu’il se démerde, bon Dieu ! En Allemagne il faut apprendre à vivre très tôt. Déjà nous sommes requis par d’autres besognes.

À nouveau les sirènes hurlent : fidèles à leurs bonnes habitudes, les Anglo-Américains viennent servir la seconde ration pour être sûrs que nous n’aurons pas le temps de secourir les victimes de la première. Les sifflets des chefs d’équipes sonnent la retraite.

— Tous aux abris, gueule-t-on alentour.

Quels abris ? À quatre cents mètres à la ronde on ne saurait reconnaître un hôtel d’un tas de charbon. Les habitants du coin courent dans des directions qu’ils croient bonnes. Des enfants égarés poussent des cris perçants. Là-haut, le sinistre grondement des quadrimoteurs enfle. Moi aussi je cours et je sais ce que je cherche. Voilà, c’est là. L’auto de pompiers a disparu, mais un tas de ballots demeure. Des soldats les retournent, en prennent un et s’enfuient. Voici le mien. Je le reconnais à la petite fleur d’edelweiss en métal que j’ai cousue sur le morceau de peau de veau qui sert d’oreiller. Je ramasse le tout, fusil compris… Merde, mon colis !

— Hep ! vous autres ! mon colis !

À travers la bousculade quelqu’un m’envoie un paquet. Déjà tout le monde file.

— Hep ! hep ! ce n’est pas ça. Attendez… Merde de merde !

À l’autre bout de la ville, la grêle commence à tomber.

Merde de merde ! Merde de merde !…

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