Malgré la discrétion des enquêteurs, nous sommes parvenus à découvrir un fait décisif dans l’affaire Simonis : avant le meurtre, un corbeau menaçait la famille !
Depuis le premier jour, un fait étonne. Pourquoi les gendarmes, lors des premières recherches, ont-ils eu l’idée de sonder un puits qui était — l’enquête l’a démontré — scellé par un couvercle de métal ? C’est tout simple : ils avaient été prévenus. À dix-huit heures, ce jour-là, Sylvie Simonis a reçu un appel à l’hôpital ainsi que ses beaux-parents, à Besançon. Ces appels désignaient un « puits », où le corps de Manon pourrait être retrouvé, et faisaient suite, nous le savons maintenant, à une longue série d’appels téléphoniques. Depuis un mois, Sylvie et ses beaux-parents subissaient les assauts répétés d’un corbeau.
D’après nos renseignements, la « voix » qui appelait était déformée, sans doute à l’aide d’un gadget qui permet de transformer le timbre vocal. Plusieurs entreprises de la région fabriquent ce genre de jouets. Les gendarmes ont interrogé les membres des trois usines qui produisent ce type de produits. Pour une raison que nous ignorons, les enquêteurs semblent penser que le corbeau n’a pas acheté ce filtre, mais l’a pris à sa source, chez un de ces grossistes.
La piste d’un rôdeur ou d’un tueur de passage est donc définitivement écartée. Il y a eu revendication. Il s’agit d’un acte de pure malfaisance, visant la famille Simonis. Plus que jamais, les gendarmes se concentrent sur l’entourage de Sylvie et de son enfant. Un de leurs proches travaille-t-il dans une de ces manufactures ? Les enquêteurs vont-ils organiser des tests de voix « déformées », afin de confondre le meurtrier ? Cette piste paraît être une des plus solides aujourd’hui.
J’allumai une nouvelle cigarette. Les ressemblances avec l’affaire Grégory étaient incroyables. À croire que le tueur de Sartuis s’était inspiré de l’affaire de Lépanges.
Je fis défiler les chroniques. Les gendarmes s’étaient concentrés sur le problème de la voix. Ils avaient essayé des modèles de machines, organisé des séances d’enregistrement, avec des proches des Simonis. Ils avaient soumis ces tests à Sylvie et ses beaux-parents. Aucune des voix ne rappelait celle du Corbeau.
Début décembre, l’affaire avait subitement rebondi.