— J’ai vérifié, pour le fun, si Larfaoui avait des réseaux dans la région de Besançon. Que dalle.
— Les relevés ?
— J’ai tout reçu. Rien à signaler. Pas de malaise dans les comptes de Luc, ni les factures de téléphone. Ses appels, même de chez lui, concernent le boulot. Mais il n’y en a pas pour Besançon. À mon avis, il utilisait un autre abonnement. C’est de plus en plus fréquent chez les maris infidèles et…
— O.K. Je veux que tu fouilles encore les activités de Larfaoui. Vois ce qu’il trafiquait, à côté de la bibine.
Je ne désespérais pas de découvrir un détail qui puisse, d’une manière ou d’une autre, faire corps avec l’ensemble. Après tout, l’assassin du Kabyle était soi-disant un prêtre. Ce qui pouvait tendre un lien avec le diable…
— Et les e-mails de l’unital6 ?
— Les mecs de l’association ont tout retourné. Ils jurent qu’ils ont rien reçu !
Je n’avais pas rêvé : Luc avait bien envoyé ces messages. Je décidai d’abandonner cette voie pour l’instant.
— La liste des gus qui vont participer à la conférence sur le diable ?
— La voilà. Je jetai un œil à la colonne : des prêtres, des psychiatres, des sociologues, tous italiens. Aucun nom qui m’évoque quelque chose, a priori.
— Super, fis-je en reposant le feuillet. Dernier truc : je pars ce soir.
— Où ?
— Affaires personnelles. En attendant, c’est toi qui tiens la boutique.
— Combien de temps ?
— Quelques jours.
— Tu seras joignable sur ton portable ?
— Pas de souci.
—
— Je prendrai mes messages.
— Ta petite virée : t’en as parlé à Dumayet ?
— J’y vais de ce pas.
— Et… pour Luc ?
— État stationnaire. On ne peut rien faire de plus. (J’hésitai, puis ajoutai :) Mais là où je vais, je serai près de lui.
Mon lieutenant secoua faiblement ses boucles. Il ne comprenait pas.
— Je t’appelle, dis-je avec un sourire.
Je regardai la porte se refermer puis attrapai le rapport rédigé par Meyer. Je filai jusqu’au bureau de Nathalie Dumayet.
— Vous faites bien de venir, dit la commissaire alors que j’entrais. Vos quarante-huit heures sont écoulées.
Je posai le rapport devant elle.
— Voilà déjà pour Le Perreux.
— Et le reste ?
Je fermai la porte, m’assis en face du bureau et commençai à parler. La mort de Larfaoui. Les magouilles du Kabyle. Les noms : Doudou, Jonca, Chevillât. Mouillés jusqu’au nez. Mais je tus la complaisance de Luc, son goût de la manipulation.
— Les Stups n’ont qu’à balayer devant leur porte, conclut-elle. Chacun sa merde.
— J’ai promis à Doudou que vous interviendriez.
— En quel honneur ?
— Il m’a fourgué d’autres renseignements… importants.
— Ce qui se passe aux Stups, ça ne nous concerne pas.
— Vous pouvez appeler Levain-Pahut. Contacter Condenceau. Aiguiller les Bœufs sur une autre piste.
— Quelle piste ?
— Luc travaillait sur le meurtre de Larfaoui. Vous pouvez les embrouiller en parlant d’infiltration chez les brasseurs. Avec un gros morceau en vue.
Elle me glaça de son regard aquatique :
— Les infos de Doudou, ça vaut ce prix-là ?
— C’est peut-être la raison du suicide de Luc. En tout cas, l’enquête qui l’a obsédé jusqu’à la fin.
— Quelle enquête ?
— Un meurtre, dans le Jura. Nous sommes jeudi. Donnez-moi jusqu’à lundi.
— Pas question. Je vous ai fait une fleur, Durey. Maintenant, retour au boulot.
— Laissez-moi prendre des jours de repos.
— Où vous vous croyez ? À la poste ?
Je ne répondis pas. Elle paraissait réfléchir. Ses doigts aigus tapotaient le sous-main de cuir. Depuis mon arrivée à la BC, je n’avais jamais pris de vacances.
— Je ne veux aucune vague, fit-elle enfin. Où que vous alliez, vous n’avez aucune légitimité.
— Je serai discret.
— Lundi ?
— Je serai au bureau à neuf heures.
— Qui d’autre est au jus ?
— Personne, à part vous.
Elle approuva lentement, sans me regarder.
— Et les affaires en cours ?
— Foucault garde la baraque. Il vous tiendra au courant.
— Vous, tenez-moi au courant. Chaque jour. Bon week-end.
25
Un pistolet automatique Glock 21, calibre 45.
Trois chargeurs de seize cartouches à pointe creuse.
Deux boîtes de balles blindées et semi-blindées.
Des munitions Arcane, capables de traverser les gilets pare-balles.
Une bombe de gaz paralysant.
Un couteau commando Randall à lame crantée.
Un vrai arsenal de guerre. Carte de flic ou pas, légitimité ou non, je devais m’attende au pire. Je glissai mes armes dans des sacs étanches de cordura noir, parmi mes chemises, mes pulls et mes chaussettes. Dans ma housse à costumes, je plaçai deux complets d’hiver ainsi que plusieurs cravates, attrapées au hasard. J’ajoutai des gants, un bonnet, deux pulls. Autant prévoir large : je n’excluais pas de rester plus longtemps dans le Jura.
Entre les vêtements, je calai aussi mon ordinateur portable, un appareil photo numérique, une torche Streamlight et un kit de la police scientifique permettant d’effectuer des prélèvements organiques et des relevés d’empreintes.