Читаем Le Serment des limbes полностью

Les Gabonais formaient à Paris une petite communauté tranquille. Le pays d’Omar Bongo était riche de pétrole, et ses ressortissants étaient toujours des étudiants clean et discrets. Rien à voir avec les Congolais ou les Ivoiriens.

— Il a pris un produit local. Un truc de chez lui.

— Une drogue ?

Claude sourit, les yeux mi-clos. Déjà, on emmenait l’halluciné, raide comme un tronc d’arbre. Je commentai :

— Ça a l’air efficace.

Claude rit, la tête penchée en arrière :

— Nous autres Blacks, en matière de défonce, on sait y faire !

<p>19</p>

Rue Myrrha, 5 heures du matin.

Des ouvriers de la voirie lessivaient le trottoir à grande eau alors qu’un fourgon de police patrouillait lentement. Sous les porches, quelques prostituées faisaient l’amour avec l’ombre, attendant le jour pour disparaître.

Je retrouvais ici le côté estropié du quartier africain de Paris. On avait eu beau installer un commissariat rue de la Goutte-d’Or, un magasin Virgin boulevard Barbès, rénover la plupart des immeubles, la rue Myrrha avait toujours la gueule de travers. Un vieil air déglingué et menaçant.

Devant le 56, j’utilisai ma clé universelle, celle des facteurs, et déverrouillai la porte. Boîtes aux lettres défoncées, bâtiments vétustes, lettres des escaliers peintes sur les murs. Pas tout à fait un squat, mais un bloc à l’abandon, mûr pour une culbute immobilière. Je repérai la lettre « A » et pénétrai à l’intérieur.

Chaque étage s’ouvrait sur une grotte de gravats ou un couloir condamné par des planches. Au troisième, je me glissai sous les câbles électriques qui pendaient du plafond. Tout semblait dormir — même les odeurs.

Un Noir gigantesque somnolait sur une chaise. En guise de sésame, je sortis encore une fois ma carte. Il haussa les sourcils, comme s’il manquait une partie du message. Je murmurai « Foxy ». Il se déplia pour écarter la couverture pouilleuse qui faisait office de porte et me précéda dans la nouvelle caverne.

Des pièces s’ouvraient de part et d’autre du corridor. Un dortoir, à gauche, puis un autre, à droite : sur des nattes, des amazones emmitouflées se reposaient, du linge séchait à travers les pièces. L’odeur se réveillait ici, comme une feuille qu’on froisse, mélange d’épices, de sueur, de poussière ; et ce parfum caractéristique des tropiques : mil grillé, charbon de bois, fruits décomposés…

Nouveau châssis de porte, nouveau rideau. Le colosse fit mine de frapper sur le chambranle. Je retins son geste.

— It’s O.K.

Le temps qu’il réagisse, je m’étais déjà glissé sous la tenture.

L’hallucination de la nuit continuait. Les murs étaient tendus de tissu sombre zébré d’argent ; des bougies, des coupelles d’huile, des bâtons d’encens brûlaient sur le parquet ; sur des coffres peints à la main, disposés le long des murs, reposaient des objets traditionnels : chasse-mouches en crin de cheval, éventails de plumes, statuettes votives, masques… Partout, des flacons, des bocaux, des bouteilles de Coca s’alignaient, fermés par des bouchons de liège ou du ruban adhésif. Des paravents, des tapis suspendus segmentaient la pièce, et multipliaient les ombres vacillantes, qui ajoutaient encore à la confusion du bazar.

— Hi, Match, good to see you again.

La grosse voix, inimitable. J’étais surpris, et flatté, que Foxy se souvienne de moi. Je dépassai le panneau qui la dissimulait. Deux autres sorcières l’encadraient. À sa gauche, une longue tige au visage clair, coiffée de dreadlocks dorées qui lui donnaient l’air d’un sphinx. À sa droite, une rondouillarde à peau très noire. Son large sourire révélait des dents écartées — les dents du bonheur. Toutes les trois étaient assises en tailleur.

Je m’approchai. Foxy était enveloppée d’un boubou écarlate, qui évoquait un rideau d’opéra. Son visage, barré de scarifications, était ceint par un foulard du même ton. En la voyant, il me revint une théorie de certains pharmacologistes selon laquelle l’organisme des « marmiteurs » était modifié. À force d’ingérer des substances, sorciers et sorcières étaient capables d’exhaler, par leur souffle ou les pores de leur peau, des poisons, des substances hallucinogènes. Je repris en anglais :

— Je te dérange, ma belle ? Tu es en réunion ?

— Honey, ça dépend de ce qui t’amène.

Elle parlait un anglais traînard, d’une voix paresseuse. Paupières baissées, elle pilonnait des poudres dans une jatte en bois, de ses mains étrangement maigres. On aurait dit que les chairs avaient brûlé autour des os. Elle alluma une branche grise :

— C’est pour mes filles. Je purifie la nuit. Nuit de vice, nuit de souillure…

— À qui la faute ?

— Hmm, hmm… Il faut qu’elles remboursent leurs dettes, Match, tu le sais bien. Des dettes énormes…

Elle planta le rameau incandescent entre les lattes du parquet.

— Tu es toujours chrétien ?

Ma gorge était sèche. Cramée par l’alcool, les clopes, et maintenant l’atmosphère de ce cloaque. Je desserrai ma cravate :

— Toujours.

— On peut se comprendre, toi et moi.

— Non. Nous ne sommes pas sur la même rive.

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