Читаем Le Serment des limbes полностью

Quatre minutes plus tard, je traversais le quartier friqué de Sartuis. Les lumières du fourgon sillonnaient la plaine. Mais derrière moi. Je les avais devancés. Je ne disposais maintenant que de deux minutes pour retrouver Manon.

Je repérai la maison pyramidale. Son pignon de crépi blanc, sa grande baie vitrée. Pas de lumière. Je pilai derrière la maison et appelai Manon sur son portable.

— Je suis arrivé. Où tu es ?

— Dans le garage.

Je courus jusqu’au box qui jouxtait la maison. L’éclair bleu du véhicule des gendarmes s’amplifiait toujours, semblant éclairer toute la vallée. Je frappai à la porte pivotante. Lentement, trop lentement, la paroi s’ouvrit.

Chaque seconde m’arrachait un fragment de chair.

Manon apparut dans le noir. Visage clair, brouillé par la buée des lèvres. Elle murmura :

— Je sais pas pourquoi je suis venue ici. Cette baraque me fout la trouille. Je…

— Viens.

Manon sortit sur le seuil. Elle avait les gestes courts et craintifs qu’ont les rescapés des catastrophes. Les éclairs du fourgon la pétrifièrent.

— C’est qui ? La police ?

— Magne-toi, je te dis.

— Ils savent que je suis ici ?

— Il y a du nouveau.

— Quoi ?

Les gendarmes n’étaient plus qu’à quelques centaines de mètres. Je soufflai :

— Laure, la femme de Luc. Elle a été tuée. Avec ses deux filles.

Manon émit un gémissement. Ses yeux s’allumèrent en direction du fourgon :

— Ils pensent que c’est moi qui ai fait ça ?

Sans répondre, je pris sa main et fis un pas vers la voiture. Elle résista. Je me tournai pour hurler :

— Viens, merde !

Trop tard. Le fourgon jaillit au détour de l’allée. J’attirai Manon, ouvris la portière et la poussai dans la voiture, côté conducteur. Je lui fourrai mes clés dans la main. Pas question qu’elle passe encore une nuit entourée d’uniformes. Elle se cacherait jusqu’à demain, le temps de retrouver le chauffeur de taxi et de la disculper.

— Pars sans moi. Roule.

— Et toi ?

— Je reste ici. Je gagne du temps.

— Non, je…

Je serrai ses doigts sur mes clés :

— Fonce vers la Suisse. Tu m’appelles dès que tu as franchi la frontière.

Elle démarra, à contrecœur. Je criai :

— Fonce ! Et appelle-moi.

Elle me regarda à travers la vitre, comme si elle voulait graver dans sa mémoire les moindres détails de mon visage. Les éclairs stroboscopiques du fourgon jetaient déjà des ombres inquiètes sur ses traits. La seconde suivante, elle avait enclenché la marche arrière et faisait ronfler le moteur.

Je me retournai et avançai sur la route. Le fourgon stoppa. Des gendarmes bondirent sur la chaussée et coururent vers moi, arme au poing. L’un d’eux hurla :

— Qu’est-ce que vous faites là ?

J’esquissai un geste pour sortir mes papiers.

— On ne bouge plus !

J’avais déjà attrapé ma carte. Je la brandis dans le faisceau de leurs phares :

— Je suis de la police.

Les hommes ralentirent le pas alors qu’un officier, emmitouflé dans un anorak noir, prenait la tête du cortège.

— Ton nom ?

— Mathieu Durey, Brigade Criminelle de Paris.

Le chef saisit ma carte de flic :

— Qu’est-ce que tu fous là ?

— Je travaille sur une enquête. Je…

— À huit cents bornes de chez toi ?

— Je vais vous expliquer.

— Vaudrait mieux, ouais. (Il fourra mon document dans sa poche puis lança un regard, par-dessus mon épaule, vers la porte du garage ouverte.) Parce que tout ça ressemble à une violation de domicile.

Il s’adressa à ses hommes :

— Fouillez la baraque, vous autres ! (Il revint vers moi.) Où est ta bagnole ?

— J’ai eu une panne sur la route. Je suis venu à pied.

L’officier m’observait en silence. Le manteau trempé de formol, le visage sanglant, le col ouvert. Le gendarme respirait avec lenteur. Je ne voyais pas ses traits, à contre-jour des phares. Son col de fourrure synthétique scintillait dans la nuit.

— T’es pas clair, mon vieux, finit-il par marmonner. Va falloir tout nous raconter, et en détail.

— Aucun problème.

Un gendarme accourut derrière lui.

— Elle est pas là, capitaine.

Le gradé recula d’un pas, comme pour mieux me jauger. Il demanda à l’autre, sans me quitter des yeux :

— Le garage ?

— Rien à signaler, mon capitaine.

Il frappa dans ses mains, avec entrain.

— Bon. On repart à la gendarmerie. Et on emmène monsieur. Il a plein de choses à nous raconter. Des choses qui concernent Manon Simonis.

Il tourna les talons et se dirigea vers un break bleu marine que je n’avais pas remarqué. Il ouvrit la portière passager et se pencha à l’intérieur. Il cracha dans une radio :

— Brugen ici. On rentre… Non, elle est pas là. (Il me jeta un nouveau coup d’œil.) Mais quelque chose me dit qu’elle est plus très loin…

Brugen. Je me souvenais de ce nom. Le capitaine de gendarmerie qui avait repris les dossiers de Sarrazin et qui dirigeait l’enquête sur son meurtre. Je ne savais pas si c’était une bonne ou une mauvaise nouvelle.

Deux gendarmes me guidèrent vers le fourgon. Je n’avais pas droit à la voiture. Ils ouvrirent la double porte arrière. L’odeur de tabac froid et de métal graisseux m’assaillit. J’entendais la voix de l’officier, parlant à la radio :

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