Читаем Le passager полностью

Il s’était effondré sur le sol, inanimé.

Quand il se réveilla, il sentit d’abord le sang qui collait sa peau au linoléum. La douleur n’était pas si atroce. Plutôt un énorme engourdissement qui lui prenait toute la tête, lui compressait la boîte crânienne, dressant une barre noire devant ses yeux. Il se releva sur un coude. Son nez ne devait plus être qu’un trou sanglant. Il tendit son autre bras, attrapa le robinet et parvint à remonter jusqu’au niveau du miroir.

Du sang, partout. Sur la glace. Sur les murs. Au fond du lavabo. Il avait l’impression d’être un terroriste kamikaze, dont la bombe venait de lui exploser à la gueule. Il trouva le courage de se regarder dans la glace. Son visage n’était pas défiguré. Seul son nez était tuméfié et partait de travers. Un os avait crevé la peau et opéré une fissure dans la chair.

Peut-être que l’implant avait jailli par cette faille…

Maîtrisant sa nausée, il plongea sa main dans l’évier poisseux. Il palpa, tâtonna, trouva. La capsule était là, entre ses doigts gluants de sang. Une sorte de balle très fine de deux centimètres de long. Il fit couler dessus de l’eau froide et découvrit un tube chromé, sans trace de soudure ni de segmentation. Le toubib avait parlé de silicium : il ignorait ce que c’était. Mais le truc avait une allure futuriste, coulé en une seule pression. S’il s’agissait d’une micropompe, par où sortait le produit ? Dans tous les cas, un prodige de miniaturisation.

Il fallait analyser ce truc, l’étudier, le décrypter. Où ? À qui le donner ? Aucune réponse. Il le fourra dans sa poche, ouvrit la bonde, fit couler de l’eau glacée sur son visage. Alors que le froid anesthésiait ses os, il se pinça encore une fois le nez avec ses deux paumes plaquées et le remit en place d’un coup sec.

La dernière chose qu’il entendit, ce fut le craquement de ses os.

La seconde suivante, il était de nouveau évanoui.

<p>95</p>

ANAÏS n’avait jamais vu un visage aussi terrifiant.

L’œil droit était rond, exorbité, à fleur de tête. Celui de gauche effilé, sournois, enfoui sous les chairs. Toute la figure partait vers la gauche. La bouche évoquait un rictus malsain, mais aussi une plaie béante. Un visage sous le signe du mal. Le mal qu’il faisait, le mal qu’il subissait…

Les dessins à l’encre de Chine rappelaient les illustrations des romans-feuilletons du début du XXe siècle. Les méfaits de Fantômas. Les enquêtes d’Harry Dickson… Il fallait les regarder en transparence. Cette circonstance ajoutait encore à la violence maléfique de la scène. L’assassin semblait appartenir à une dimension spectrale, phosphorescente, de la cruauté. À genoux face à un corps démesuré et nu, il arrachait des organes sanglants d’une plaie béante. Aucun doute sur leur nature : une verge et des testicules.

Les deux radiographies représentaient la même scène, captée à des moments rapprochés. Derrière, on reconnaissait un pont parisien — Iéna, Alma, Invalides, Alexandre III… — et les flots noirs de la Seine qui coulait au fond.

Anaïs frissonna. Elle tenait entre les mains les radiographies des deux autoportraits de Narcisse. Sous ses œuvres, le peintre avait retracé un sacrifice dont il avait été le témoin. Ou l’auteur. Au choix.

— Qu’est-ce que vous en pensez ?

Anaïs baissa les documents et considéra le commandant de police qui lui posait la question. Elle se trouvait dans les bureaux de l’OCLCO, l’Office central de lutte contre le crime organisé. Même dans la police, la connerie a ses limites. À 9 heures, ce matin, on l’avait emmenée au tribunal de grande instance de Paris. Le magistrat ne s’était pas montré particulièrement compréhensif mais il avait admis qu’elle possédait des informations de première importance concernant la fusillade de la veille. On l’avait donc emmenée à Nanterre, rue des Trois-Fontanot, afin d’être entendue par le chef de groupe responsable de l’enquête, le commandant Philippe Solinas.

Elle brandit ses menottes :

— On peut d’abord me retirer ça ?

L’homme se leva avec souplesse :

— Bien sûr.

Solinas était un grand gaillard d’une cinquantaine d’années, plus flic tu meurs, serré dans un costume noir au rabais. Tout son corps était le théâtre d’une lente transformation : celle des muscles de la jeunesse en embonpoint de l’âge mûr. Chauve, il portait, en guise d’éléments de substitution, des lunettes relevées sur le front et une barbe de trois jours, poivre et sel.

Une fois ses poignets libérés, Anaïs désigna les radiographies :

— Il s’agit de la représentation d’un meurtre qui a été commis à Paris, dans le monde des clochards.

— Dites-moi quelque chose que je ne sais pas déjà.

— Ce meurtre a eu lieu avant le printemps 2009.

— Pourquoi ?

— Ces tableaux ont été réalisés en mai ou juin de la même année.

Le commandant s’était replacé derrière son bureau. Épaules larges, mains nouées devant lui, prêt à plonger dans la mêlée. Anaïs remarqua son alliance : large, dorée. Il l’arborait comme un trophée. Ou comme un fardeau. Il ne cessait de la faire coulisser le long de son annulaire.

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