Читаем Le monde inverti полностью

Des questions, encore des questions… mais elle se contenait. Elle appréciait ce petit mystère et ne souhaitait pas le percer trop vite. L’explication rationnelle serait sans doute que, comme elle, il appartenait à une station et se livrait à ses dépens à quelque farce compliquée et bien inutile. Aucune importance, sa présence lui suffisait et elle refoulait elle-même ses émotions depuis assez longtemps pour savourer la rupture qu’il apportait dans sa vie routinière.

Le seul lien qu’il y eût entre eux, à sa connaissance, c’était qu’il n’avait jamais montré ses dessins qu’à elle seule. Elle demanda à les revoir. Ils en parlèrent un moment et il manifesta des enthousiasmes divers… Elle fut intriguée en voyant que tous les croquis étaient exécutés sur le même vieux papier d’impression pour ordinateur.

Il finit par lui dire :

— Je vous avais prise pour une took.

Il prononçait le mot très long : tououk.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Les gens qui vivent par ici. Mais ils ne parlent pas l’anglais.

— Mais si, quelques-uns… pas très bien… seulement quand nous le leur enseignons.

— Qui ça, « nous » ?

— Les gens pour qui je travaille.

— Vous n’êtes pas de la ville… fit-il soudain – puis il détourna les yeux.

Elisabeth fut un peu inquiète. Il avait eu le même air la veille et il était parti brusquement. Elle ne voulait pas que cela se reproduise.

— Parlez-vous devotre ville ?

— Non… bien sûr que vous n’en êtes pas. Qui êtes-vous ?

— Vous connaissez mon nom, répondit-elle.

— Oui, mais d’où êtes-vous ?

— D’Angleterre. Je suis venue ici il y a deux mois environ.

— L’Angleterre… c’est sur la Terre, n’est-ce pas ?

Il la regardait avec intensité, complètement oublieux de ses dessins, maintenant.

Elle rit en réaction nerveuse, devant l’étrangeté de la question.

— Elle était en effet sur la Terre la dernière fois que je m’y suis trouvée, dit-elle, en s’efforçant de plaisanter.

— Mon Dieu ! Alors…

— Quoi donc ?

Il se leva d’un bond et lui tourna le dos. Il fit quelques pas et se tourna de nouveau, les yeux baissés :

— Vous êtes venue de la Terre ?

— Que voulez-vous dire ?

— Êtes-vous originaire de la Terre… de la planète ?

— Naturellement… mais je ne vous comprends pas.

— Vous nous cherchez, dit-il.

— Non ! Ou plutôt… je ne sais pas.

— Vous nous avez trouvés !

Elle se leva et s’écarta de lui à reculons.

Elle attendait près des chevaux. Le jeu insolite avait fait place à la folie pure et elle savait qu’elle devait partir. C’était à lui de faire un premier mouvement.

— Elisabeth… ne partez pas.

— Lise, le reprit-elle.

— Lise… savez-vous qui je suis ? Je suis de la cité Terre. Vous devez savoir ce que cela signifie.

— Non. Je ne sais pas.

— Vous n’avez jamais entendu parler de nous ?

— Non.

— Nous sommes ici depuis des milliers de kilomètres… de nombreuses années. Près de deux cents ans.

— Où est la cité ?

Il tendit le bras vers le nord-est :

— Par là. À environ quarante kilomètres au sud.

Elle ne releva pas ces indications contradictoires, pensant qu’il faisait erreur.

— Puis-je la voir ? demanda-t-elle.

— Certainement ! (Il lui prit la main avec ardeur et la posa sur la bride de son cheval.) Nous partons immédiatement.

— Attendez. Comment épelez-vous le nom de votre ville ?

Il le lui épela.

— Pourquoi l’appelle-t-on ainsi ?

— Je ne sais pas. Probablement parce que nous sommes originaires de la planète Terre, j’imagine.

— Pourquoi établissez-vous une distinction entre les deux ?

— Parce que… Mais n’est-ce pas évident ?

— Non.

Elle se rendait compte qu’elle entrait dans son jeu comme on agit avec un fou, mais l’homme n’avait dans les yeux que l’éclat de l’impatience et non celui de la folie, Toutefois l’instinct de la jeune femme – auquel elle se fiait tellement depuis un certain temps – lui recommandait la prudence. Elle n’était plus sûre de rien.

— Mais ceci n’est pas la Terre, reprit-il.

— Helward, lui dit-elle, retrouvons-nous ici demain. Près de la rivière.

— Je croyais que vous vouliez voir notre ville ?

— Oui… mais pas aujourd’hui. Si elle se trouve à quarante kilomètres, il faudrait que je me procure un cheval frais et que j’avise mes supérieurs.

Elle cherchait des prétextes. Il la regardait, l’air incertain.

— Vous croyez que j’invente des histoires, dit-il.

— Non.

— Alors, qu’est-ce qui ne va pas ? Je vous le dis, du plus loin que je me souvienne, et bien des années avant ma naissance, la cité a survécu dans l’espoir que l’aide nous viendrait de la Terre. Maintenant, vous voici, et vous me croyez fou…

— Vous êtes sur la Terre.

Il ouvrit la bouche, puis la referma.

— Pourquoi dites-vous cela ? demanda-t-il après un temps.

— Pourquoi dirais-je autre chose ?

Il la reprit par le bras et la fit pivoter. Il pointa le doigt vers le haut.

— Que voyez-vous ?

Elle s’abrita les yeux contre l’éblouissement :

— Le soleil.

— Le soleil ! Le soleil ! Quoi, le soleil ?

— Rien. Lâchez-moi… vous me faites mal !

Il la libéra et retourna près des dessins éparpillés. Il prit celui du dessus et le lui montra.

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