Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

Jeanne croyant qu’il avait fini se tut, et essaya de reprendre des forces pour braver encore ces hommes. Elle fit succéder aux rugissements des éclats de rire plus féroces encore.

– Et, continua le greffier paisiblement comme une fin de formule banale, sera la sentence exécutée sur la place des exécutions, cour de justice du Palais!

– Publiquement! hurla la malheureuse… Oh!…

– Monsieur de Paris, je vous livre cette femme, acheva de dire le greffier en s’adressant à l’homme au tablier de cuir.

– Qui donc est cet homme? fit Jeanne dans un dernier paroxysme d’épouvante et de rage.

– Le bourreau! répondit en s’inclinant le greffier, qui rajustait ses manchettes.

À peine le greffier avait-il achevé ce mot, que les deux exécuteurs s’emparèrent de Jeanne et l’enlevèrent pour la porter du côté de la galerie qu’elle avait aperçue. La défense qu’elle opposa, il faut renoncer à la dépeindre. Cette femme qui, dans la vie ordinaire, s’évanouissait pour une égratignure, supporta pendant près d’une heure les mauvais traitements et les coups des deux exécuteurs; elle fut traînée jusqu’à la porte extérieure sans avoir un moment cessé de pousser les plus effrayantes clameurs.

Au-delà de ce guichet, où les soldats réunis contenaient la foule, la petite cour, dite cour de justice, apparut soudain avec les deux ou trois mille spectateurs que la curiosité y avait convoqués depuis les préparatifs et l’apparition de l’échafaud.

Sur une estrade élevée d’environ huit pieds, un poteau noir, garni d’anneaux de fer, se dressait, surmonté d’un écriteau que le greffier, par ordre sans doute, avait tâché de rendre illisible.

Cette estrade n’avait point de rampe; on y montait par une échelle sans rampe également. La seule balustrade qu’on y remarquât, c’étaient les baïonnettes des archers. Elles en fermaient l’accès comme une grille à pointes reluisantes.

La foule, voyant que les portes du palais s’ouvraient, que les commissaires venaient avec leur baguette, que le greffier marchait, ses papiers à la main, commença son mouvement d’ondulation qui la fait ressembler à la mer.

Partout les cris de: La voilà! la voilà! retentissaient avec des épithètes peu honorables pour la condamnée, et çà et là quelques observations peu charitables pour les juges.

Car Jeanne avait bien raison: elle s’était fait un parti depuis sa condamnation. Tels la méprisaient deux mois avant, qui l’eussent réhabilitée depuis qu’elle s’était posée en antagoniste de la reine.

Mais monsieur de Crosne avait tout prévu. Les premiers rangs de cette salle de spectacle avaient été occupés par un parterre dévoué à ceux qui payaient les frais de spectacle. On remarquait là, auprès des agents à large carrure, les femmes les plus zélées pour le cardinal de Rohan. On avait trouvé le moyen d’utiliser pour la reine les colères éveillées contre la reine. Ceux-là même qui avaient si fort applaudi monsieur de Rohan par antipathie de Marie-Antoinette, venaient siffler ou huer madame de La Motte, assez imprudente pour séparer sa cause d’avec celle du cardinal.

Il résulta qu’à son apparition sur la petite place, les cris furieux de: À bas La Motte! Ho la faussaire! composèrent la majorité et s’exhalèrent des plus vigoureuses poitrines.

Il arriva aussi que ceux qui tentèrent d’exprimer leur pitié pour Jeanne ou leur indignation contre l’arrêt qui la frappait furent pris pour des ennemis du cardinal par les dames de la Halle, pour des ennemis de la reine par les agents, et maltraités en cette double qualité par les deux sexes intéressés à soutenir l’avilissement de la condamnée. Jeanne était à bout de ses forces, mais non de sa rage; elle cessa de crier, parce que ses cris se perdaient dans l’ensemble des bruits et de la lutte. Mais de sa voix nette, vibrante, métallique, elle lança quelques mots qui firent tomber comme par enchantement tous les murmures.

– Savez-vous qui je suis? dit-elle. Savez-vous que je suis du sang de vos rois? Savez-vous qu’on frappe en moi, non pas une coupable, mais une rivale; non pas seulement une rivale, mais une complice?

Ici elle fut interrompue par des clameurs lancées à point par les plus intelligents employés de monsieur de Crosne.

Mais elle avait soulevé, sinon l’intérêt, du moins la curiosité: la curiosité du peuple est une soif qui veut être assouvie. Le silence que Jeanne remarqua lui prouva qu’on voulait l’écouter.

– Oui, répéta-t-elle, une complice! On punit en moi celle qui savait les secrets de…

– Prenez garde! lui dit à l’oreille le greffier.

Elle se retourna. Le bourreau tenait un fouet à la main.

À cette vue, Jeanne oublia son discours, sa haine, son désir de capter la multitude; elle ne vit plus que l’infamie, elle ne craignit plus que la douleur.

– Grâce! grâce! cria-t-elle avec une voix déchirante.

Une immense huée couvrit sa prière. Jeanne se cramponna, saisie de vertige, aux genoux de l’exécuteur, et réussit à lui saisir la main.

Mais il leva l’autre bras, et laissa retomber le fouet mollement sur les épaules de la comtesse.

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