Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

Le porte-clefs ne répondit rien; il se retourna comme pour voir si la porte par laquelle ils étaient entrés s’était bien solidement refermée.

Jeanne suivit ce mouvement avec épouvante. L’idée lui vint, comme dans ces romans noirâtres de l’époque, qu’elle avait affaire à l’un de ces geôliers, fauves amoureux de leurs prisonnières, qui, le jour où la proie va leur échapper par la porte ouverte de la cage, se font les tyrans de la belle captive et proposent leur amour en échange de la liberté.

Jeanne était forte, elle ne redoutait pas les surprises, elle n’avait point la pudeur de l’âme. Son imagination luttait avantageusement contre les caprices sophistiques de messieurs Crébillon fils et Louvet. Elle alla droit au geôlier avec un sourire de prunelle:

– Mon ami, dit-elle, que demandez-vous? Avez-vous à me dire quelque chose? Le temps d’une prisonnière, quand elle touche à la liberté, est un temps précieux. Vous semblez avoir choisi pour me parler un rendez-vous bien sinistre?

L’homme aux clefs ne lui répondit rien, parce qu’il ne comprenait pas. Il s’assit au coin de la cheminée basse, et attendit.

– Mais, dit Jeanne, que faisons-nous, je vous le répète?

Et elle craignit d’avoir affaire à un fou.

– Nous attendons maître Doillot, répliqua le guichetier.

Jeanne secoua la tête:

– Vous m’avouerez, dit-elle, que maître Doillot, s’il a des lettres de Versailles à me communiquer, prend mal son temps et sa salle d’audience… Ce n’est pas possible que maître Doillot me fasse attendre ici. Il y a autre chose.

Elle achevait à peine ces mots, quand une porte qu’elle n’avait pas remarquée s’ouvrit en face d’elle.

C’était une de ces trappes arrondies, véritables monuments de bois et de fer, qui découpent en s’ouvrant dans le fond qu’elles masquaient une sorte de rond cabalistique, au centre duquel personnage ou paysage paraissent être vivants par magie.

En effet, derrière cette porte, il y avait des degrés qui plongeaient dans quelque corridor mal éclairé, mais plein de vent et de fraîcheur, et au-delà de ce corridor, un moment, un seul, aussi rapide que l’éclair, Jeanne aperçut, en se haussant sur ses pieds, un espace pareil à celui que mesure une place, et dans cet espace, une cohue d’hommes et de femmes aux yeux étincelants.

Mais, nous le répétons, ce fut pour Jeanne une vision bien plutôt qu’un coup d’œil; elle n’eut pas même le temps de s’en rendre raison. Devant elle, à un plan bien plus rapproché que n’était cette place, trois personnes apparurent, montant le dernier degré.

Derrière ces personnes, aux degrés inférieurs sans doute, quatre baïonnettes surgirent, blanches et acérées, pareilles à des cierges sinistres qui eussent voulu éclairer cette scène.

Mais la porte ronde se referma. Les trois hommes seuls entrèrent dans le cachot où se trouvait Jeanne.

Celle-ci marchait de surprise en surprise, ou mieux d’inquiétudes en terreurs.

Ce guichetier, qu’elle redoutait l’instant d’avant, elle le vint chercher comme pour avoir sa protection contre les inconnus.

Le guichetier se colla sur la muraille même du cachot, montrant par ce mouvement qu’il voulait, qu’il devait rester spectateur passif de ce qui allait avoir lieu.

Jeanne fut interpellée avant même que l’idée ne lui fût venue de prendre la parole.

Ce fut un des trois hommes, le plus jeune, qui commença. Il était vêtu de noir. Il avait son chapeau sur la tête, et roulait dans sa main des papiers fermés comme la scytale antique.

Les deux autres, imitant l’attitude du guichetier, se dérobaient aux regards dans la partie la plus sombre de la salle.

– Vous êtes, madame, dit cet inconnu, Jeanne de Saint-Rémy de Valois, épouse de Marc-Antoine-Nicolas comte de La Motte?

– Oui, monsieur, répliqua Jeanne.

– Vous êtes bien née à Fontette, le 22 juillet 1756?

– Oui, monsieur.

– Vous demeurez bien à Paris, rue Saint-Claude?

– Oui, monsieur… Mais pourquoi m’adressez-vous toutes ces questions?

– Madame, je suis fâché que vous ne me reconnaissiez pas; j’ai l’honneur d’être le greffier de la cour.

– Je vous reconnais.

– Alors, madame, je puis remplir mes fonctions en ma qualité que vous venez de reconnaître?

– Un moment, monsieur. À quoi, s’il vous plaît, vos fonctions vous obligent-elles?

– À vous lire, madame, l’arrêt qui a été prononcé contre vous en séance du 31 mai 1786.

Jeanne frémit. Elle promena autour d’elle un regard plein d’angoisses et de défiance. Ce n’est pas sans dessein que nous écrivons le second ce mot défiance, qui paraîtrait le moins fort des deux; Jeanne frissonna d’une angoisse irréfléchie; elle allumait, pour prendre garde, deux yeux terribles dans les ténèbres.

– Vous êtes le greffier Breton, dit-elle alors; mais qui sont ces deux messieurs, vos acolytes?

Le greffier allait répondre, lorsque le guichetier, prévenant sa parole, s’élança auprès de lui, et, à son oreille, glissa ces mots empreints d’une peur ou d’une compassion éloquente:

– Ne le lui dites pas!

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