Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

Jeanne ne se vit pas plus tôt libre et seule chez elle, que sa joie éclata extravagante, joie bâillonnée trop longtemps par ce masque dont elle avait caché hypocritement son visage chez le concierge. Cette chambre de la Conciergerie, c’était sa loge, à elle, bête fauve un moment enchaînée par les hommes, et qu’un caprice de Dieu allait de nouveau lancer dans le libre espace du monde.

Et, dans sa tanière ou dans sa loge, quand il fait bien nuit, quand aucun bruit n’annonce à la captive la vigilance de ses gardiens; quand son flair subtil ne démêle aux alentours aucune trace, alors commencent les bondissements de cette nature sauvage. Alors, elle étire ses membres pour les assouplir aux élans de l’indépendance attendue; alors, elle a des cris, des bonds ou des extases, que ne surprend jamais l’œil de l’homme.

Pour Jeanne, ce fut ainsi. Tout à coup elle entendit marcher dans son corridor; elle entendit les clefs tinter dans le trousseau du guichetier; elle entendit solliciter la serrure massive.

«Que me veut-on?» pensa-t-elle en se redressant attentive et muette.

Le guichetier entra.

– Qu’y a-t-il, Jean? demanda Jeanne de sa voix douce et indifférente.

– Madame veut-elle me suivre? dit-il.

– Où cela?

– En bas, madame.

– Comment, en bas?…

– Au greffe.

– Pour quoi faire, je vous prie?

– Madame…

Jeanne s’avança vers cet homme qui hésitait, et elle aperçut, à l’extrémité du corridor, les archers de la prévôté, que d’abord elle avait rencontrés en bas.

– Enfin, s’écria-t-elle avec émotion, dites-moi ce que l’on veut de moi au greffe?

– Madame, c’est monsieur Doillot, votre défenseur, qui voudrait vous entretenir.

– Au greffe? Pourquoi pas ici, puisque plusieurs fois il a eu la permission d’y venir?

– Madame, c’est que monsieur Doillot a reçu des lettres de Versailles, et qu’il veut vous en donner connaissance.

Jeanne ne remarqua point combien était illogique cette réponse. Un seul mot la frappa: des lettres de Versailles, des lettres de la cour, sans doute, apportées par le défenseur lui-même.

– Est-ce que la reine aura intercédé auprès du roi après la publication de l’arrêt? Est-ce que?…

Mais à quoi bon faire des conjectures; avait-on le temps, cela était-il nécessaire quand, après deux minutes, on pouvait trouver la solution du problème.

D’ailleurs, le porte-clefs insistait; il agitait ses clefs comme un homme qui, à défaut de bonnes raisons, objecte une consigne.

– Attendez-moi un peu, dit Jeanne, vous voyez que je m’étais déjà déshabillée pour prendre un peu de repos, j’ai tant fatigué ces jours derniers.

– J’attendrai, madame; mais, je vous en prie, songez que monsieur Doillot est pressé.

Jeanne ferma sa porte, passa une robe un peu plus fraîche, prit un mantelet, et vivement arrangea ses cheveux. Elle mit à peine cinq minutes à ces préparatifs. Son cœur lui disait que monsieur Doillot apportait l’ordre de partir sur-le-champ, et le moyen de traverser la France d’une façon à la fois discrète et commode! Oui, la reine avait dû penser à ce que son ennemie fût enlevée le plus tôt possible. La reine, à présent que l’arrêt était rendu, devait s’efforcer d’irriter cette ennemie le moins possible, car si la panthère est dangereuse enchaînée, que ne doit-on pas craindre d’elle quand elle est libre? Bercée par ces heureuses pensées, Jeanne vola plutôt qu’elle ne courut derrière le porte-clefs, qui lui fit descendre le petit escalier par où déjà on l’avait menée à la salle d’audience. Mais au lieu d’aller jusqu’à cette salle, au lieu de tourner à gauche pour entrer au greffe, le geôlier se tourna vers une petite porte située à droite.

– Où allez-vous donc? demanda Jeanne, le greffe est ici.

– Venez, venez, madame, dit mielleusement le guichetier; c’est par ici que monsieur Doillot vous attend.

Il passa d’abord et attira vers lui la prisonnière, qui entendit fermer avec fracas sur elle les verrous extérieurs de cette porte massive.

Jeanne, surprise, mais ne voyant encore personne dans l’obscurité, n’osa rien demander de plus à son gardien.

Elle fit deux ou trois pas et s’arrêta. Un jour bleuâtre donnait à la chambre où elle se trouvait comme l’aspect d’un intérieur de tombeau.

La lumière filtrait du haut d’un grillage antique par lequel, à travers les toiles d’araignées et la centuple couche d’une poussière séculaire, quelques rayons blafards parvenaient seuls à donner un peu de leur reflet aux murailles.

Jeanne sentit tout à coup le froid; elle sentit l’humidité de ce cachot, elle devina quelque chose de terrible dans les yeux flamboyants du porte-clefs.

Cependant, elle ne voyait encore que cet homme; lui seul avec la prisonnière occupait en ce moment l’intérieur de ces quatre murs, tout verdis par l’eau échappée des châssis, tout moisis par le passage d’un air que n’avait jamais tiédi le soleil.

– Monsieur, dit-elle alors, en dominant l’impression de terreur qui la faisait frissonner, que faisons-nous ici tous deux? Où est monsieur Doillot, que vous m’avez promis de me faire voir?

Перейти на страницу:

Похожие книги

1917, или Дни отчаяния
1917, или Дни отчаяния

Эта книга о том, что произошло 100 лет назад, в 1917 году.Она о Ленине, Троцком, Свердлове, Савинкове, Гучкове и Керенском.Она о том, как за немецкие деньги был сделан Октябрьский переворот.Она о Михаиле Терещенко – украинском сахарном магнате и министре иностранных дел Временного правительства, который хотел перевороту помешать.Она о Ротшильде, Парвусе, Палеологе, Гиппиус и Горьком.Она о событиях, которые сегодня благополучно забыли или не хотят вспоминать.Она о том, как можно за неполные 8 месяцев потерять страну.Она о том, что Фортуна изменчива, а в политике нет правил.Она об эпохе и людях, которые сделали эту эпоху.Она о любви, преданности и предательстве, как и все книги в мире.И еще она о том, что история учит только одному… что она никого и ничему не учит.

Ян Валетов , Ян Михайлович Валетов

Приключения / Исторические приключения