Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome IV полностью

– J’aurais dû commencer par vous dire que je suis réduit à une telle extrémité, que je ne sais si je dois voler, me tuer ou faire pis encore… Oh! ne craignez rien, mon maître et mon protecteur, dit Gilbert d’une voix pleine de douceur; car je crois, en y réfléchissant, que je n’aurai pas besoin de me tuer et que je mourrai bien sans cela… Depuis huit jours que je me suis enfui de Trianon, je parcours les bois et les plaines sans manger autre chose que des légumes verts ou quelques fruits sauvages dans les bois. Je suis sans forces. Je tombe de fatigue et d’inanition. Quant à voler, ce n’est pas chez vous que je le tenterai; j’aime trop votre maison, monsieur Rousseau. Quant à cette troisième chose, oh! pour l’accomplir…

– Eh bien? fit Rousseau.

– Eh bien, il me faudrait une résolution que je viens chercher ici.

– Êtes-vous fou? s’écria Rousseau.

– Non, monsieur; mais je suis bien malheureux, bien désespéré, et je me serais noyé dans la Seine ce matin, sans une réflexion qui m’est venue.

– Laquelle?

– C’est que vous avez écrit: «Le suicide est un vol fait au genre humain.»

Rousseau regarda le jeune homme comme pour lui dire: «Avez-vous l’amour-propre de croire que c’est à vous que je pensais en écrivant cela?»

– Oh! je comprends, murmura Gilbert.

– Je ne crois pas, dit Rousseau.

– Vous voulez dire: «Est-ce que votre mort, à vous, misérable qui n’êtes rien, qui ne possédez rien, qui ne tenez à rien, serait un événement?»

– Ce n’est point de cela qu’il s’agit, dit Rousseau honteux d’être deviné; mais vous aviez faim, je crois?

– Oui, je l’ai dit.

– Eh bien, puisque vous saviez où est la porte, vous savez aussi où est le pain: allez au buffet, prenez du pain, et partez.

Gilbert ne bougea point.

– Si ce n’est pas du pain qu’il vous faut, si c’est de l’argent, je ne vous crois pas assez méchant pour maltraiter un vieillard qui fut votre protecteur, dans la maison même qui vous a donné asile. Contentez-vous donc de ce peu… Tenez.

Et, fouillant à sa poche, il lui présenta quelques pièces de monnaie.

Gilbert lui arrêta la main.

– Oh! dit-il avec une douleur poignante, ce n’est ni d’argent ni de pain qu’il s’agit; vous n’avez pas compris ce que je voulais dire quand je parlais de me tuer. Si je ne me tue pas, c’est que maintenant ma vie peut être utile à quelqu’un, c’est que ma mort volerait quelqu’un, monsieur. Vous qui connaissez toutes les lois sociales, toutes les obligations naturelles, est-il en ce monde un lien qui puisse rattacher à la vie un homme qui veut mourir?

– Il en est beaucoup, dit Rousseau.

– Être père, murmura Gilbert, est-ce un de ces liens-là? Regardez-moi en me répondant, monsieur Rousseau, que je voie la réponse dans vos yeux.

– Oui, balbutia Rousseau; oui, bien certainement. À quoi bon cette question de votre part?

– Monsieur, vos paroles vont être un arrêt pour moi, dit Gilbert; pesez-les donc bien, je vous en conjure, monsieur; je suis si malheureux, que je voudrais me tuer; mais… mais, j’ai un enfant!

Rousseau fit un bond d’étonnement sur son fauteuil.

– Oh! ne me raillez pas, monsieur, dit humblement Gilbert; vous croiriez ne faire qu’une égratignure à mon cœur, et vous l’ouvririez comme avec un poignard: je vous le répète, j’ai un enfant.

Rousseau le regarda sans lui répondre.

– Sans cela, je serais déjà mort, continua Gilbert; dans cette alternative, je me suis dit que vous me donneriez un bon conseil, et je suis venu.

– Mais, demanda Rousseau, pourquoi donc ai-je des conseils à vous donner, moi? est-ce que vous m’avez consulté quand vous avez fait la faute?

– Monsieur, cette faute…

Et Gilbert, avec une expression étrange, s’approcha de Rousseau.

– Eh bien? fit celui-ci.

– Cette faute, reprit Gilbert, il y a des gens qui l’appellent un crime.

– Un crime! raison de plus alors pour que vous ne m’en parliez pas. Je suis un homme comme vous, et non un confesseur. D’ailleurs, ce que vous me dites ne m’étonne point; j’ai toujours prévu que vous tourneriez mal; vous êtes une méchante nature.

– Non, monsieur, répondit Gilbert en secouant mélancoliquement la tête. Non, monsieur, vous vous trompez; j’ai l’esprit faux ou plutôt faussé; j’ai lu beaucoup de livres qui m’ont prêché l’égalité des castes, l’orgueil de l’esprit, la noblesse des instincts; ces livres, monsieur, étaient signés de si illustres noms, qu’un pauvre paysan comme moi a bien pu s’égarer… Je me suis perdu.

– Ah! ah! je vois où vous voulez en venir, monsieur Gilbert.

– Moi?

– Oui; vous accusez ma doctrine; n’avez-vous pas le libre arbitre?

– Je n’accuse pas, monsieur; je vous dis ce que j’ai lu; ce que j’accuse, c’est ma crédulité; j’ai cru, j’ai failli; il y a deux causes à mon crime: vous êtes la première, et je viens d’abord à vous; j’irai ensuite à la seconde, mais à son tour et quand il en sera temps.

– Enfin, voyons, que me demandez-vous?

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