— Nous avons maintenant une prêtresse avec nous, et cela tombe bien, dit Flint. Mais d’après ce qu’on raconte, ce seigneur Verminaar est un prêtre, lui aussi, et puissant, par-dessus le marché. Nous avons peut-être retrouvé les anciens dieux du Bien, mais il y a longtemps qu’il a déniché les
— Tu as raison, répondit Lunedor. Je ne suis pas une guerrière. Je suis là pour guérir. Je n’ai pas le pouvoir d’unir les peuples de notre monde pour qu’ils combattent le Mal et recréent un équilibre. Ma tâche est de
Il y eut un long silence. Au bout d’un moment, Raistlin prit la parole.
— Nous devons partir d’ici, Tanis, souffla-t-il en regardant dans la cour. Écoute !
Le son du cor. Le vent du nord charriait de biens sinistres notes.
— Les armées sont en marche, dit doucement Tanis. La guerre a commencé.
Les compagnons quittèrent Xak Tsaroth au crépuscule. Ils se dirigèrent vers les montagnes de l’est. L’hiver allait arriver, et il commençait à geler. Un vent glacé faisait tourbillonner les feuilles, leur cinglant le visage. Avant de se mettre en quête de celui qui serait leur guide suprême, ils avaient décidé de retourner à Solace, pour prendre des provisions et glaner des informations.
Ils passèrent la nuit à marcher, échangeant leurs points de vue. La lune argentée se leva, puis la rouge. À la limite de leurs forces, ils établirent leur bivouac au sommet de la montagne. Après un frugal repas, ils s’endormirent.
Raistlin se réveilla peu avant l’aube. Un bruit l’avait tiré du sommeil. Peut-être avait-il rêvé ? Non, quelqu’un avait gémi. Sans doute Lunedor, pensa le mage avec irritation, prêt à se rendormir. C’est alors qu’il remarqua Boupou, roulée en boule, hoquetant dans sa couverture.
Les autres dormaient à poings fermés. Flint montait la garde de l’autre côté. Il n’avait apparemment rien entendu. Le mage se leva et approcha à pas de loup. Il s’agenouilla près de la naine des ravins et posa sa main sur son épaule.
— Que se passe-t-il, petite ?
Boupou se tourna vers lui, les yeux rouges et le visage gonflé. Des larmes coulaient sur ses joues sales. Elle renifla.
— Moi ne veux pas te quitter. Veux venir avec toi, dit-elle en hoquetant. Mais les miens me manquent !
Une expression d’infinie tendresse éclaira le visage de Raistlin. Personne de son monde ne verrait jamais ce sentiment-là sur son visage. Il caressa les cheveux embroussaillés de Boupou. Il savait ce que c’était de se sentir faible et misérable, d’être un objet de pitié et de raillerie.
— Boupou, tu as été une amie généreuse et fidèle. Tu m’as sauvé la vie, et celles des êtres qui me sont chers. Tu peux faire une dernière chose pour moi, petite. Retourne auprès des tiens. Je vais courir les routes et braver bien des dangers. Je ne peux pas te demander de venir avec moi.
Boupou releva la tête. Ses yeux brillaient. Puis une ombre passa sur son visage.
— Mais toi seras malheureux sans moi.
— Non, dit Raistlin en souriant. Je serai heureux si je te sais en sécurité parmi les gens de ton clan.
— Toi es bien sûr ? demanda Boupou avec anxiété.
— Sûr.
— Alors je vais, dit-elle en se levant. Mais d’abord, prends un cadeau.
Elle fourragea dans son gros sac.
— Non, dit Raistlin, se souvenant du lézard mort, ce n’est pas la peine…
Boupou sortit un livre de son sac. Raistlin ouvrit de grands yeux en voyant des runes d’argent briller sous la terne lumière de l’aube. Il tendit la main en tremblant.
— Le grimoire de Fistandantibus !
— Tu aimes ? demanda timidement Boupou.
— Oui, petite ! dit-il en caressant amoureusement le parchemin. Où as-tu…
— Moi pris au dragon, quand brillait la lumière bleue. Contente que tu aimes. Maintenant, je vais. Retrouver Grand Bulp Phulge 1er.
Elle prit son sac sur son épaule, et se retourna une dernière fois.
— La toux. Une bonne cure de lézards…
— Non merci, petite.
Boupou le regarda tristement, puis, comble de l’audace, elle prit une main du mage entre les siennes et y déposa un baiser furtif. Enfin elle se détourna, secouée de sanglots.
Raistlin lui caressa la tête.
— Adieu, Boupou.
Elle regarda le mage avec adoration, puis s’en fut en courant aussi vite que ses galoches le lui permettaient.
Le regard de Raistlin embrassa l’horizon. Il se tourna vers l’ouest, son pays natal. Le ciel y reflétait la chaude lumière du soleil levant. Il tressaillit. Reposant son sac et son précieux contenu, il se dirigea à grands pas vers le demi-elfe.
— Tanis ! Réveille-toi !