Helvidius Lucius trouva cet empressement étrange, mais ne pouvait deviner la portée de ses plans. Lui aussi désirait retourner chez lui de toute urgence mais il était obligé de répondre à l'invitation de l'Empereur qui souhaitait sa compagnie sur le bateau d'honneur qui arriverait à Ostie huit jours après les premières galères.
Quelques jours plus tard, la femme du préfet des prétoriens arrivait à la capitale de l'Empire avec une avance d'une semaine pour mettre en place la réalisation des sinistres projets de vengeance qu'elle avait à l'esprit. Son mari l'a reçue avec sa froideur habituelle et les employés de maison avec l'angoisse que sa présence occasionnait.
Claudia Sabine trouva le moyen de faire savoir à Hatéria la nouvelle de son retour, alléguant une possible urgence pour lui rendre visite.
Devant sa complice, pour qui elle manifestait la plus grande générosité, l'ancienne plébéienne lui dit, soucieuse :
Hatéria, le moment est venu de jouer la dernière carte de la partie. Je réaliserai mon projet sans vaciller dans mes intentions, quant à toi, tu recevras alors le prix de ton dévouement.
Oui, Maîtresse - riposta la servante d'un regard cupide considérant sa récompense.
Comment va la femme d'Helvidius ?
La patronne est très abattue et malade.
Encore heureux - a murmuré Sabine satisfaite -cela facilite l'exécution de mes plans.
Et après avoir fixé sa compagne d'un regard, elle a souligné d'une manière singulière :
Hatéria, tu es prête à affronter ce qui peut arriver ?
Sans aucun doute, Maîtresse. Je suis entrée chez le patricien Helvdius Lucius spécialement pour vous servir.
Tu ne t'en repentiras pas alors - lui dit Sabine avec énergie. - Écoute-moi : nous arrivons aux termes de ta mission chez Alba Lucinie. J'attends de toi un dernier service face à mon besoin de réparation pour l'affront dont J'ai souffert dans le passé. J'ai été généreuse avec toi mais je désire assurer ton avenir pour les bons services que tu m'as rendus. Que désires-tu pour le repos de ta vieillesse au sein de la plèbe désemparée ?
Après avoir réfléchi un moment, la vieille employée a murmuré d'un air satisfait comme si elle avait déjà fait tous les calculs nécessaires à une réponse la plus exacte possible.
Madame, vous savez que j'ai une fille mariée dont l'époux passe par la plus grande misère en ces jours de tourments et de pauvreté. Valère, mon gendre, a toujours eu un grand amour pour la vie à la campagne ; mais dans sa pénible condition de pauvre libéré, il n'a jamais réussi à rassembler suffisamment d'argent pour acquérir un lopin de terre où il pourrait faire le bonheur de sa famille. Mon souhait pour autant serait de posséder un site loin de Rome où je me retirerais avec mes enfants et mes petits-enfants qui m'estimeront, comme ils le font aujourd'hui, dans les jours proches de la vieillesse, incapable que je serai de travailler.
Tes désirs seront satisfaits - s'exclama la femme du préfet alors qu'Hatéria l'écoutait toute joyeuse - ; je vais chercher le coût d'un site agréable et le moment opportun venu, je te donnerai la quantité nécessaire.
Et que dois-je faire maintenant pour gagner un tel bonheur ?
Écoute bien - lui dit Claudia avec gravité -, d'ici une semaine Helvidius Lucius devrait être de retour. Dans l'après-midi de son arrivée, tu devras venir me voir pour recevoir des instructions. Ce même jour, tu auras l'argent nécessaire pour réaliser tes désirs. Pour le moment, va en paix et aie confiance en moi.
Hatéria était rayonnante face aux perspective» d'avenir, indifférentes aux actes criminels qu'elle aurait à pratiquer pour arriver à ses fins.
Le lendemain, dans la matinée, une modeste litière sortait de la résidence de Lolius Urbicus, en direction de Suburra.
Il serait bien inutile de dire qu'il s'agissait de Claudia Sabine qui se dirigeait chez la jeteuse de sortilèges bien connue dans Rome et avec qui elle allait conclure ses funestes projets.
La sorcière de Cumes l'a reçue sans surprise, comme si elle l'attendait.
Après avoir plongé ses mains avides dans la quantité de pièces que Claudia lui apportait, Plotina s'est concentrée devant l'oracle que nous connaissons déjà, puis elle a dit :
Madame, le moment est unique ! Nous devons soigner les moindres détails quant à ce que vous devez faire pour que nos efforts n'aient pas été vains.
Claudia Sabine s'est mise à réfléchir à un minutieux plan que la sorcière soumettait à ses critères.
Plotina parlait à voix très basse comme si elle craignait que les murs eux-mêmes entendent, telle était l'ignominie des suggestions criminelles planifiées.
Une fois la longue exposition faite, la consultante répliqua pensive :
Mais, ne vaudrait-il pas mieux exterminer ma rivale ? J'ai quelqu'un chez elle qui pourrait se charger du coup fatal. Je sais que tu connais les potions les plus violentes et que tu peux me les fournir aujourd'hui même.