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Elle sent son estomac se tordre. La faim. Ou la perspective d’apercevoir le corps dans le soleil de l’après-midi. Elle se demande si Habib savait que Marwan était peut-être visible du toit de l’immeuble. Probablement. C’est la défaite. On ne va plus chercher les morts. On ne veut plus les voir. Ahmad a passé une paire de jumelles autour de son cou. Elle le laisse monter devant, parce qu’elle sait qu’il a tendance à détailler ses fesses dans son pantalon de treillis à la moindre occasion. Il essaie de voir au travers. Cela met Marwan en rage, qu’Ahmad ne puisse pas décoller les yeux de son cul. L’ascension est compliquée. Pour atteindre le premier étage, il faut sortir du bâtiment et y pénétrer à nouveau par un trou de roquette du côté de la cage d’escalier, escalier qui n’existe plus, remplacé par un tas de gravats et de débris où une échelle branlante a été installée. Ahmad monte, elle agrippe l’échelle à son tour, il lui tend la main pour l’aider, elle fait comme si elle ne la voyait pas et, athlétique, se rétablit d’un saut sur le palier. Pour atteindre le deuxième, les cinq ou six premiers degrés manquent ; il faut se hisser avec les bras. Une fois de plus, Ahmad lui propose son aide. Elle ne veut pas le toucher. Elle saute, et d’une traction propulse son bassin au niveau de la marche. Elle est sportive. Elle commence à suer dans son treillis mais elle n’a pas envie de se mettre en tee-shirt, bien que dessous elle porte, chaste carapace, un épais soutien-gorge, presque un bustier. Elle se contente d’ouvrir deux boutons de la veste. Les paliers intermédiaires sont plus faciles à atteindre, mais les deux derniers sont aux trois quarts détruits, le toit est en grande partie effondré, il faut grimper sur les plaques de béton inclinées, en prenant garde aux fers qui y pointent. Le soleil est implacable. La poussière, l’effort et la chaleur lui donnent une soif terrible. Elle a la gorge complètement sèche, elle n’arrive pas à articuler un mot. Ils rampent en suivant un passage sur la terrasse encombrée de gravats et de douilles. Le soleil les cloue au ciment. Autour d’elle, Beyrouth poudroie. A droite le mercure de la mer et l’immense terrain vague de l’aéroport ; à gauche, on aperçoit la cité sportive et le camp de Chatila. Devant, des entrelacs de ruelles ruinées, coupés en quatre par deux grandes rues jonchées de voitures brûlées, d’ordures et les taches sombres, comme des flaques d’huile, du macadam fondu par le phosphore. Voilà donc ce qui reste de la ville. Des traces branlantes, des décombres, de la poussière d’étoile. Et au milieu le corps de Marwan.

Ahmad s’est approché le plus possible de l’angle du toit et a sorti les jumelles de leur étui. Il scrute le champ de bataille vers le sud. Intissar s’est approchée de lui, presque à le toucher, malgré son dégoût. Ahmad s’est immobilisé. Il chuchote : Regarde, là-devant, les positions israéliennes. Leurs chars sont planqués dans ces ruelles par là. Au coin de la grande rue on aperçoit Marwan.”

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Zone
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LE POINT DE VUE DES ÉDITEURSPar une nuit décisive, un voyageur lourd de secrets prend le train de Milan pour Rome, muni d'un précieux viatique qu'il doit vendre le lendemain à un représentant du Vatican pour ensuite — si tout va bien — changer de vie. Quinze années d'activité comme agent de renseignements dans sa Zone (d'abord l'Algérie puis, progressivement, tout le Proche-Orient) ont livré à Francis Servain Mirkovic les noms et la mémoire de tous les acteurs de l'ombre (agitateurs et terroristes, marchands d'armes et trafiquants, commanditaires ou intermédiaires, cerveaux et exécutants, criminels de guerre en fuite…). Mais lui-même a accompli sa part de carnage lorsque la guerre en Croatie et en Bosnie l'a jeté dans le cycle enivrant de la violence.Trajet, réminiscences, aiguillages, aller-retour dans les arcanes de la colère des dieux. Zeus, Athéna aux yeux pers et Arès le furieux guident les souvenirs du passager de la nuit. Le train démarre et, avec lui, commence une immense phrase itérative, circulatoire et archéologique, qui explore l'espace-temps pour exhumer les tesselles de toutes les guerres méditerranéennes. Car peu à peu prend forme une fresque homérique où se mêlent bourreaux et victimes, héros et anonymes, peuples déportés ou génocidés, mercenaires et témoins, peintres et littérateurs, évangélistes et martyrs… Et aussi les Parques de sa vie intérieure : Intissar l'imaginaire, la paisible Marianne, la trop perspicace Stéphanie, la silencieuse Sashka…S'il fallait d'une image représenter la violence de tout un siècle, sans doute faudrait-il choisir un convoi, un transport d'armes, de troupes, d'hommes acheminés vers une œuvre de mort. Cinquante ans après La Modification de Michel Butor, le nouveau roman de Mathias Enard compose un palimpseste ferroviaire en vingt-quatre "chants" conduits d'un seul souffle et magistralement orchestrés, comme une Iliade de notre temps.Né en 1972, Mathias Enard a étudié le persan et l'arabe et fait de longs séjours au Moyen-Orient. Il vit à Barcelone. Il a publié deux romans chez Actes Sud : La Perfection du tir (2003) — Prix des cinq continents de la francophonie, 2004 — qui paraît en Babel, et Remonter l'Orénoque (2005). Ainsi que, chez Verticales, Bréviaire des artificiers (2007).

Матиас Энар

Современная русская и зарубежная проза
Rue des Voleurs
Rue des Voleurs

LE POINT DE VUE DES ÉDITEURSC'est un jeune Marocain de Tanger, un garçon sans histoire, un musulman passable, juste trop avide de liberté et d'épanouissement, dans une société peu libertaire. Au lycée, il a appris quelques bribes d'espagnol, assez de français pour se gaver de Série Noire. Il attend l'âge adulte en lorgnant les seins de sa cousine Meryem. C'est avec elle qu'il va "fauter", une fois et une seule. On les surprend : les coups pleuvent, le voici à la rue, sans foi ni loi.Commence alors une dérive qui l'amènera à servir les textes — et les morts — de manières inattendues, à confronter ses cauchemars au réel, à tutoyer l'amour et les projets d'exil.Dans Rue des Voleurs, roman à vif et sur le vif, l'auteur de Zone retrouve son territoire hypersensible à l'heure du Printemps arabe et des révoltes indignées. Tandis que la Méditerranée s'embrase, l'Europe vacille. Il faut toute la jeunesse, toute la naïveté, toute l'énergie du jeune Tangérois pour traverser sans rebrousser chemin le champ de bataille. Parcours d'un combattant sans cause, Rue des Voleurs est porté par le rêve d'improbables apaisements, dans un avenir d'avance confisqué, qu'éclairent pourtant la compagnie des livres, l'amour de l'écrit et l'affirmation d'un humanisme arabe.Mathias Énard est l'auteur de quatre romans chez Actes Sud : La Perfection du tir (2003, prix des Cinq Continents de la francophonie), Remonter l'Orénoque (2005 ; adapté au cinéma en 2012 par Marion Laine sous le titre À cœur ouvert avec Juliette Binoche et Edgar Ramirez), Zone (2008, prix Décembre 2008 ; prix du Livre Inter 2009) et Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants (2010, prix Goncourt des lycéens 2010).

Матиас Энар

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