Maintenant laissez-moi vous parler de ce qui me pr'eoccupe `a l’exclusion de toute autre chose au monde, et cela, je puis bien le dire avec v'erit'e `a chaque instant de la journ'ee. C’est de ma femme que je veux vous parler. J’ai appris par une lettre que j’ai recue d’elle il y a une dizaine de jours sa r'esolution d'efinitive de passer l’hiver `a P'etersbourg. Certes, c’'etait l`a pour elle, aussi bien que pour moi, une dure, bien dure n'ecessit'e, plus dure et plus cruelle, que moi, je ne puis le dire, ni que qui que ce soit au monde peut l’imaginer. Mais il n’y avait pas `a balancer. Il y aurait la folie 'evidente, faible de sant'e, comme elle est, et avec trois enfants sur les bras, d’entreprendre un pareil voyage dans cette saison. Elle a donc bien fait de rester. Je l’approuve et remercie tous ceux qui le lui ont conseill'e. Maintenant, pour ce qui me concerne, il n’y a qu’une seule chose qui puisse adoucir un peu pour moi l’amertume de la s'eparation. C’est la certitude de la savoir `a P'etersbourg le moins mal possible. C’est pourquoi, chers papa et maman, je vous la recommande encore une fois et cela avec les plus vives instances. Il serait inutile de chercher `a vous expliquer de quelle nature sont mes sentiments pour elle. Elle les conna^it et cela suffit. Laissez-moi vous dire seulement ceci: c’est que le moindre petit bien qui lui sera fait, aura cent fois plus de valeur `a mes yeux que les plus grandes faveurs perp'etuelles qui pourraient m’^etre accord'ees. Voil`a ce que j’ai d'ecid'e relativement `a son entretien pour le temps qu’elle a `a passer `a P<'etersbourg>, et je vous saurai un gr'e infini si vous consentez `a y souscrire…