Читаем Orchéron полностью

Elle lui adressa un petit sourire sarcastique avant de se retirer. Trop las pour essayer de comprendre ce qu’elle avait cherché à lui signifier, il se laissa dériver sur le cours paresseux de ses pensées, finit par s’assoupir, puis, réveillé par une rumeur lointaine, il enfila son pantalon avec une maladresse exaspérante, glissa son couteau dans sa poche et sortit.

La fraîcheur de l’air le surprit. Le vent restait froid bien que Jael brillât de tous ses feux dans un ciel d’un mauve très pâle, presque blanc. Il ne vit pas un seul ventresec dans les environs, ni entre les abris de toile ni autour du foyer central d’où s’échappaient encore des volutes de fumée grise, ni sur les bords de la mare. Femmes, hommes, enfants, ils avaient tous disparu, comme soufflés par les rafales. Des morceaux de viande froide et des galettes de farine de manne sauvage jonchaient les herbes, ainsi que des vêtements et des ustensiles épars. Le campement semblait avoir été abandonné en toute hâte, comme devant l’imminence d’un danger.

Il crut discerner des grondements, des mugissements et des cris dans le friselis des herbes et les sifflements du vent. À l’est, la plaine se faufilait entre les courbes de collines affaissées et s’échouait en vagues jaunes sur les premiers contreforts de l’Agauer ; elle s’enfuyait en ondulations aux couleurs changeantes vers les autres points cardinaux. Le croissant gris et terne de Maran, le dernier des satellites nocturnes, flottait encore au-dessus de la ligne d’horizon.

C’est là, dans l’axe de Maran, qu’Orchéron aperçut les formes sombres et imposantes d’une harde de yonks lancés au grand galop en direction du campement. Il eut besoin d’un peu de temps pour distinguer les silhouettes des cavaliers. Ce n’était donc pas un troupeau sauvage mais l’un des cercles de lakchas qui fournissaient les mathelles en viande, en corne et en peaux. Cette constatation aurait dû le rassurer, mais un pressentiment lui soufflait qu’il aurait sans doute mieux valu faire face à un troupeau de yonks sauvages plutôt qu’à des chasseurs. Les paroles d’Ezlinn, « les lakchas sont les amayas des enfers, les envoyés de la mort », remontaient à la surface de son esprit et donnaient un éclairage inquiétant à la disparition subite des ventresecs. Il n’essaya pas de fuir cependant, d’abord parce qu’il n’en avait pas les ressources, ensuite parce que les cavaliers l’avaient certainement repéré et qu’ils n’auraient aucun mal à le rattraper sur cette étendue désolée. Il se demanda où avait bien pu se réfugier le clan errant, puis il se souvint que, selon Ezlinn, les plaines offraient de multiples ressources à qui les connaissait.

Le cœur battant, la main dans la poche de son pantalon, les doigts crispés sur le manche de son couteau, il observa les lakchas et repoussa à plusieurs reprises la tentation de prendre ses jambes à son cou. La terre tremblait sous le roulement des sabots, les cris aigus des cavaliers lui transperçaient la poitrine. La troupe, composée d’une trentaine d’éléments, se scinda en trois parties à proximité du campement, les uns fonçant tout droit sur lui, les autres amorçant un double mouvement tournant. Il dut se faire violence pour rester immobile tandis que les yonks, le mufle baissé, les cornes en avant, avalaient à toute allure la courte distance qui les séparait de lui. Ils réussirent cependant à s’arrêter avant de le percuter, bridés par les saccades brutales des rênes de cuir, la bouche blessée par le mors de pierre, les naseaux écumants, la robe détrempée. D’un bref regard par-dessus son épaule, Orchéron s’aperçut que les montures qui l’avaient pris à revers piétinaient sans ménagement les abris des ventresecs.

Les chasseurs l’examinèrent en silence, les yeux encore brillants de l’excitation de la chevauchée. Tous portaient des vêtements de peau, vestes, pantalons, bottes, ainsi que, au-dessus du genou, un étui rigide d’où saillait le manche de bois d’un poignard. Les uns étaient juchés sur des selles en cuir munies de sangles et d’étriers, les autres sur de simples couvertures de laine pliées en deux ou en quatre et maintenues sur l’échine de leur monture par de fines cordelettes passées de chaque côté de l’encolure. Leurs cheveux, longs pour la plupart, se rassemblaient en tresses plus ou moins épaisses et parfois munies en leur extrémité d’une dent ou d’une pointe de corne. Des restes de nourriture, des brins d’herbe ou des éclats de boue s’incrustaient dans leurs barbes épaisses où se devinaient également de courtes tresses. Les rafales de vent étaient impuissantes à balayer l’odeur des yonks exaltée par la transpiration.

« En voilà un qu’est un peu moins froussard que les autres ! s’exclama un lakcha.

— Ou alors c’est qu’il est plus stupide ! cria un deuxième.

— Ou bien il sait pas courir », ajouta un troisième.

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