Читаем Orchéron полностью

Orchéron dégagea fébrilement son couteau de corne et observa l’ombre qui continuait d’avancer dans sa direction avec une lenteur qu’il devinait trompeuse. Il rencontrait toujours des difficultés à en cerner les contours, il ne distinguait ni face, ni yeux, ni gueule, ni mandibules, ni bec, ni membres inférieurs, ni membres supérieurs, rien d’autre que le déplacement pesant d’une masse sombre, vaguement sphérique, d’où émanaient des courants glacés. Il essuya d’un revers de main les gouttelettes de sueur qui, malgré la fraîcheur, lui perlaient sur le front. Son regard revenait régulièrement heurter le cocon transparent qui renfermait Alma. Il en distinguait d’autres plus loin qui, pendus à la voûte de la cavité, contenaient tous des formes indistinctes, rougeâtres pour la plupart.

Il recula instinctivement et entra dans l’eau jusqu’aux chevilles. Le froid le pénétrait de plus en plus, commençait à engourdir son système nerveux, à paralyser ses muscles, à l’anesthésier. Sa volonté le désertait, le manche de son arme glissait entre ses doigts gourds, il admettait déjà sa capitulation, sa défaite.

Il avait éprouvé le même genre de froid devant les umbres, devant la porte du tunnel du bord des grandes eaux orientales, comme si les prédateurs volants, l’issue du tunnel et cette masse sombre étaient faits de la même matière, ou plutôt de la même absence de matière. Sa manie d’emprisonner ses proies dans des cocons transparents dénotait chez cette dernière une prédominance de l’instinct animal. Elle se constituait des réserves pour prévenir une éventuelle pénurie, comme les nanziers sauvages qui amassaient dans leurs nids d’énormes quantités de manne sauvage avant l’amaya de glace.

Les yeux d’Orchéron se levèrent à nouveau sur le cocon d’Alma. Il décela un éclat derrière la matière transparente et sentit le feu de son regard sur son visage. Un feu qui ranima sa combativité défaillante, qui aiguillonna son instinct de survie. Il se secoua pour chasser son engourdissement et resserra les doigts sur le manche de son couteau. Il distinguait maintenant à l’intérieur de la masse sombre des reliefs légèrement plus clairs, les creux et les bosses d’une face. D’elle s’échappait un filament blanchâtre qui s’allongeait, qui se dirigeait vers lui à la manière d’une flamme propagée par le vent. C’était probablement avec cette matière extensible qu’elle tissait ses cocons. Il ne fallait à aucun prix qu’elle le touche, ou il n’aurait plus aucune chance de lui échapper. Il se déplaça de trois pas sur sa gauche. Le filament, tout en continuant de s’étirer, changea immédiatement de direction et s’avança à nouveau vers lui. Il avisa des reliefs rocheux un peu plus loin, soulignés par la lumière d’une solarine, fit à nouveau deux pas vers la gauche en décomposant ses mouvements puis s’élança vers les rochers qu’il gravit en quelques foulées.

Il se retourna et se rendit compte avec effroi que la trace blanche avait à nouveau modifié sa trajectoire et accéléré l’allure. Il bondit de rocher en rocher vers l’intérieur du gouffre, se retrouva un peu plus loin coincé entre la paroi et la nappe phréatique. Au moment où il se disait qu’il ne lui restait pas d’autre choix que de plonger dans l’eau, il vit un nouveau filament se scinder du premier, pénétrer dans la nappe, onduler sous la surface frissonnante et lui couper toute possibilité de fuite.

Pris de panique, haletant, il chercha une issue. La masse sombre s’adaptait à ses réactions et aux éléments avec une vitesse et une efficacité sidérantes. Les fils blancs rampaient vers lui comme des créatures autonomes et douées d’intelligence.

Se soustraire ne serait-ce qu’un bref instant à l’attention de l’être des profondeurs…

La solution, la seule solution, c’était… un saut dans le temps.

Un moyen…

Il devait exister un moyen de provoquer le phénomène. Ses souvenirs s’étaient escamotés, mais sa mémoire organique en avait conservé le mode d’emploi. À sa gauche, l’extrémité du filament était sortie de l’eau et avait entamé son escalade des rochers ; l’autre, à sa droite, se promenait déjà à quelques pouces de son pied. Des cordes nerveuses, noueuses, s’étaient tendues entre son plexus solaire et les extrémités de ses membres.

Que s’était-il passé à chaque saut ? Une impression d’être dépecé vivant par des lames glacées.

Un peu comme au début de ses crises…

Chaque fois qu’il en avait eu réellement besoin, le déplacement dans le temps s’était effectué à son insu. Et la souffrance, bien réelle, tout aussi intolérable, s’était réfugiée dans son inconscient d’où elle s’évacuait périodiquement sous la forme de crises.

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