Читаем Orchéron полностью

Les rayons rasants de Jael se reflétaient dans les constructions élancées qui se dressaient dans le lointain. Même si elles se présentaient sous un angle différent, c’étaient bien elles qu’Alma avait entrevues dans sa vision. Elle se demanda si elle ne devait pas attendre la nuit pour s’y aventurer. Elle serait arrivée nue dans un domaine de Cent-Sources, elle aurait pu être chassée à coups de pierres, voire frappée jusqu’au sang sur l’ordre de la mathelle. Elle ne tenait pas à offenser les êtres qui occupaient – si occupants il y avait – ces bâtiments aux sommets effilés, très différents des maisons, des silos et des granges du continent du Triangle. Elle ne discernait cependant aucun mouvement, aucun signe d’activité, rien d’autre que ces miroitements qui composaient une mosaïque scintillante. Elle résolut de continuer sa marche et de se dissimuler à la première alerte. Elle évoluait à présent au milieu d’un plateau jonché de pics rocheux aux formes torturées, un environnement où les cachettes ne manquaient pas. Les reflets bleus ou mauves sur les facettes des roches diaphanes et les touches vertes ou jaunes des arbustes piquetaient le rouge et l’ocre, les teintes dominantes.

Elle arriva au bord d’une gorge étroite et profonde dont elle n’apercevait l’extrémité ni d’un côté ni de l’autre. Elle s’installa en porte-du-présent, inspira profondément et chassa ses pensées parasites. Elle acquit rapidement la certitude que cette faille n’était pas celle de sa vision et qu’elle devait poursuivre sa route. Ralentie par son pied gonflé douloureux, obligée parfois de contourner les amas de rochers qui bouchaient le passage, elle longea la faille sur une distance d’environ deux lieues, à la recherche d’un passage.

Le disque pourpre et gigantesque de Jael – jamais elle ne l’avait vu aussi gros – tombait derrière des crêtes lointaines et obscures d’où jaillissait de temps à autre un éclat incandescent. Au moment où, fatiguée, découragée, elle s’apprêtait à rebrousser chemin pour explorer la direction opposée, elle avisa l’échine arrondie d’une arche naturelle qui enjambait la faille.

La franchir ne s’avéra pas une entreprise aisée : non seulement elle n’était pas large ni vraiment plate, mais sa surface martelée depuis des siècles par les rayons de Jael et les rafales de vent se révélait lisse, fuyante. Alma s’y risqua à quatre pattes, s’immobilisant comme un nanzier effrayé dès qu’elle détectait le moindre déséquilibre, la moindre amorce de glissade. Elle apercevait en contrebas la nappe noire des ténèbres qui montait avec l’avènement de la nuit et n’allait pas tarder à déborder.

Elle se sentit tellement ridicule, à quatre pattes sur ce bout de rocher, les fesses en l’air, qu’elle finit par se moquer d’elle-même. Le trajet dans les eaux profondes du nouveau monde s’était effectué dans des conditions autrement confortables. Elle prenait la mesure, tout à coup, du formidable privilège qui lui était échu. Elle avait partagé l’intimité de Qval Djema pendant plusieurs jours, elle avait communiqué avec elle, elle était entrée dans sa mémoire, elle avait entrevu ses parents, elle avait voyagé avec elle, en elle. Là où l’ordre des djemales décrivait son inspiratrice comme une déesse hautaine et sèche, Alma avait rencontré un être accessible, généreux, joyeux, une magnifique illustration de la fusion entre l’humain et le Qval. Elle n’envisageait pas cependant de réaliser elle-même cette fusion, non parce qu’elle redoutait de sacrifier sa nature humaine, mais parce que, selon les paroles mêmes de Djema, leurs voies n’étaient pas identiques.

Elle reprit sa progression sur le sommet de l’arche, toujours prudente mais légère, lavée de ses peurs. Elle ne sursauta même pas quand un vol d’umbres surgit de la gorge. Un froid intense la recouvrit, beaucoup moins tolérable que la fraîcheur piquante déposée par le crépuscule. Des formes sombres et silencieuses fusèrent de chaque côté de l’arche, comme crachées par l’obscurité. Elle discerna, avec une netteté saisissante, les appendices souples et pratiquement transparents qui ondulaient de chaque côté de leur corps allongé. Les plus petits, de la taille d’un enfant, jaillissaient de la faille avec une vivacité d’étincelle, les plus grands, de la taille de quatre ou cinq hommes, en émergeaient avec une lenteur majestueuse, la pointe triangulaire braquée vers le ciel comme une lance. Ils donnaient l’impression d’être constitués d’obscurité pure, en dehors de leurs appendices latéraux, moins denses, et surtout de leur queue, courte, mobile, gris clair, striée, comme recouverte d’une peau écailleuse. Ils ne produisaient pas un bruit, pas même un léger froissement ni un souffle.

Ils se rassemblèrent au-dessus de la faille sans prêter attention à Alma – ils étaient supposés s’intéresser aux êtres humains lorsqu’ils se jetaient sur eux pour les dévorer. Leur formation, forte d’une vingtaine d’unités, semblait étendre une nuit précoce sur le plateau.

Перейти на страницу:

Все книги серии Abzalon

Похожие книги

Аччелерандо
Аччелерандо

Сингулярность. Эпоха постгуманизма. Искусственный интеллект превысил возможности человеческого разума. Люди фактически обрели бессмертие, но одновременно биотехнологический прогресс поставил их на грань вымирания. Наноботы копируют себя и развиваются по собственной воле, а контакт с внеземной жизнью неизбежен. Само понятие личности теперь получает совершенно новое значение. В таком мире пытаются выжить разные поколения одного семейного клана. Его основатель когда-то натолкнулся на странный сигнал из далекого космоса и тем самым перевернул всю историю Земли. Его потомки пытаются остановить уничтожение человеческой цивилизации. Ведь что-то разрушает планеты Солнечной системы. Сущность, которая находится за пределами нашего разума и не видит смысла в существовании биологической жизни, какую бы форму та ни приняла.

Чарлз Стросс

Научная Фантастика