L’échelle et le tableau n’étaient pas seuls à donner à cette chaire un goût d’embrun. Elle se renflait comme une proue et la Sainte Bible reposait sur un enroulement imitant la volute des proues des navires.
Rien ne pouvait être plus lourd de sens, car une chaire est une étrave. Elle entraîne tout le monde dans son sillage et ouvre la voie à l’humanité. De là on voit approcher la brusque tempête de la colère divine et la proue est la première à soutenir l’attaque. De là montent les implorations pour des vents favorables vers les dieux qui régissent leurs forces bonnes ou mauvaises. Oui, le monde est un navire éphémère qui ne parfait pas son voyage et la chaire est son étrave.
CHAPITRE IX
Le père Mapple se leva et d’une voix douce, autoritaire avec modestie, il invita ses ouailles éparses à se grouper: «Que les tribordais se rapprochent des bâbordais! Que les bâbordais se rapprochent des tribordais! Tous au centre du navire!»
Un remue-ménage de lourdes bottes de mer s’accompagna entre les bancs du pas traînant mais plus léger des femmes, puis le silence se fit et tous les regards se tournèrent vers le prédicateur.
Il se tut un instant puis, agenouillé à l’étrave de la chaire, il croisa sur sa poitrine ses larges mains brunes, leva son visage aux yeux clos, et pria avec tant de ferveur qu’on eût dit qu’il adressait sa supplication du fond de l’Océan.
Sa voix avait ce timbre solennel de la cloche qui sonne sans arrêt à bord d’un navire pris dans le brouillard et, sa prière terminée, il poursuivit, sur le même timbre, la lecture de l’hymne suivant dont il fit retentir les dernières strophes d’une joie exultante:
Presque toutes les voix s’unirent en ce chant qui domina les hurlements de la tempête. Un silence suivit. Le prédicateur tourna lentement les pages de la Bible et enfin, posant la main sur la page choisie, il dit: «Mes bien-aimés camarades de bord, étalinguez au dernier verset de Jonas: Et l’Éternel envoya un grand poisson qui engloutit Jonas…»