Читаем Le Serment des limbes полностью

— Ça s’passe pas comme ça chez nous, vous l’savez bien.

Saïd avait raison. Larfaoui avait été buté par un professionnel. Or, jamais un patron de troquet ne se serait offert un véritable tueur.

— Larfaoui n’était pas seulement brasseur. Il trafiquait.

— Là, j’peux pas vous aider. Nous, on touche pas à la drogue.

Je changeai mon fusil d’épaule :

— Quand Luc est venu vous interroger là-dessus, il avait déjà une idée sur le meurtre ?

— Difficile à dire.

— Réfléchis tout de même.

Il lança son fameux regard de côté, simulant la réflexion, puis lâcha :

— Il est venu deux fois. Une première fois, en septembre, quand Larfaoui s’est fait buter. Puis au début du mois. Il avait l’air complètement paumé.

— Ne viens pas me dire qu’il s’est confié à toi.

— Cinq vodkas en moins d’une demi-heure, c’est un genre de confidence.

Luc avait toujours eu un penchant pour la bouteille. Je n’étais pas étonné qu’il ait appuyé, les derniers temps, sur le bec verseur. Saïd se rapprocha. Toujours accoudé, il n’était plus qu’à quelques centimètres de moi. À son tour, il renonçait à toute stratégie :

— Je vais vous dire, sur l’affaire de Massine, vous pouvez aller plus loin que l’cap’taine.

— Pourquoi ?

— Parce que vous êtes un vrai croyant.

— Luc aussi était un chrétien.

— Non. Il était loin. C’était plus un vrai pratiquant.

J’éclusai mon café, sentant une brûlure à l’estomac :

— Où veux-tu en venir ?

— Larfaoui aussi était très religieux.

— Et alors ?

— Réfléchissez au soir du meurtre.

— Le 8 septembre.

— Quel jour de la semaine ?

— Aucune idée.

— Un samedi. Que fait un musulman le samedi ?

Je réfléchis. Je ne voyais pas où Saïd voulait m’emmener. Il continua :

— Il fait la fête. Après un vendredi de prières, un vrai croyant se détend. La chair est faible, comme vous dites en France…

— Tu veux dire qu’il était en main ce soir-là ?

— Larfaoui avait ses p’tites habitudes. Sa famille était en Algérie.

— Il avait une maîtresse ?

— Pas une maîtresse. Des poules.

Je cadrai enfin le tableau. Larfaoui avait été tué chez lui, aux environs de 23 heures. À tous les coups, il n’était pas seul. Personne n’avait parlé de témoin, ni d’un second corps. Une fille était parvenue à s’enfuir — et elle avait tout vu.

— La fille, tu la connais ?

— Non.

— Ne joue pas au con avec moi.

— Faites-moi confiance, sourit-il. Vous avez les moyens d’la retrouver.

Je songeai à mon expérience de la BRP. Je connaissais tous les réseaux. Mais chercher une prostituée sans connaître les préférences de son client, c’était chercher une douille après un assaut du Hezbollah.

— Ses goûts, c’était quoi ?

— Cherchez, cap’taine. J’m’inquiète pas pour vous.

Un souvenir flottait dans mon esprit, sans se préciser.

— Tu as parlé de ça à Luc ?

— Non. Il cherchait pas du côté des circonstances, mais des mobiles. Il avait l’air de croire à un règlement de comptes. Un problème… (Saïd hésita.) Un problème qui viendrait d’chez vous. Un truc interne…

— Il te l’a dit ?

— Y m’a rien dit, mais il était nerveux. Vraiment nerveux.

Le soupçon de corruption, encore une fois. Je me levai :

— Des mecs vont peut-être venir. De la maison.

— Des Bœufs ?

— Tu ne leur dis rien.

— Pas vu, pas pris, comme on dit en France !

Je me dirigeai vers la porte vitrée. La brasserie commençait à se remplir — l’heure de l’apéritif. Je me tournai vers Saïd :

— Un dernier truc : Larfaoui, il ne trempait pas dans des histoires de satanisme ?

— Quoi ?

— Les gens qui vénèrent le diable. Le Kabyle partit de son rire léger :

— Nous autres, on a laissé nos démons à la maison.

— C’est qui, vos démons ?

— Les Djinns, les esprits du désert.

— Larfaoui s’intéressait à ça ?

— Ici, personne s’intéresse aux Djinns. Z’ont pas passé la frontière, cap’taine. Heureusement pour Sarko !

<p>16</p>

Je visitai deux autres patrons de bars puis un brasseur ami de Larfaoui. Je n’appris rien de plus. Ni sur le meurtre du Kabyle, ni sur son éventuelle cavalière de cette nuit-là. Le temps de m’arrêter chez un traiteur chinois pour avaler une portion de riz cantonais et je passai à l’institut médico-légal pour donner à Svendsen les clichés médicaux que j’avais pris chez Luc — je voulais savoir quelles affections précises du cerveau ils illustraient. Enfin, retour au bercail.

À peine assis, ma ligne fixe sonna. Foucault, remonté comme une pile.

— Sur ton portable, jamais tu décroches ?

— J’écoute mes messages.

— Tu parles. J’ai du nouveau sur le meurtre de Larfaoui.

— Je t’écoute.

— J’ai parlé à un mec de la balistique. Il se souvient des trois balles. L’hypothèse de l’exécution se confirme.

— Pourquoi ?

— Selon mon contact, l’arme utilisée est un MPKS.

Le MPKS était un pistolet-mitrailleur utilisé par les troupes commandos françaises. J’en avais déjà croisé lors de stages de balistique. La plupart des modèles sont en polymère afin de déjouer les radars. Une telle arme impliquait que l’exécuteur de Larfaoui était un militaire d’élite.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit d’autre ?

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