Читаем Le Serment des limbes полностью

— Je veux des détails.

Philippe soupira et alla s’asseoir sur une souche, près de l’eau. Je le suivis. Le chant des oiseaux montait dans l’air de givre.

— Je l’aimais bien, m’sieur Soubeyras. Je comprends pas ce qui s’est passé dans sa tête.

Je m’adossai contre l’arbre le plus proche :

— Vous venez travailler ici tous les jours ?

— Le lundi et le mardi seulement. Je suis venu aujourd’hui, comme d’habitude : on m’a rien dit.

— Racontez-moi.

Il plongea sa main dans sa poche, saisit sa flasque, me la tendit. Je déclinai l’offre. Il but une nouvelle gorgée.

— En arrivant près de la rivière, je l’ai tout de suite repéré. J’ai plongé et je l’ai repêché. La rivière est pas profonde par là.

— Ça s’est passé où exactement ?

— Où on est. À quelques mètres de l’écluse. J’ai appelé les gendarmes. Ils étaient là en dix minutes. C’était moins une. Si j’étais arrivé une minute après, le courant l’aurait emporté et j’aurais rien vu.

Je scrutai la surface de l’eau. Totalement immobile.

— Le courant ?

— Y en a pas ce matin, parce que l’écluse est fermée.

— Hier, elle était ouverte ?

— C’est m’sieur Soubeyras qui l’avait ouverte. Il avait tout prévu. Y voulait sans doute être emporté…

— On m’a dit qu’il s’était lesté avec des pierres.

— J’ai eu un mal fou à le sortir de la flotte à cause de ça. Il pesait des tonnes. Il s’était entouré la taille de parpaings.

— Comment avait-il fait ?

Philippe se leva :

— Venez avec moi.

Il remonta la haie. Au fond du jardin, une cabane de bois noir s’encastrait entre le sous-bois et la rangée de charmilles. Des bûches, sous une bâche plastique, étaient accotées au mur de planches. D’un coup d’épaule, mon guide ouvrit la porte. Il s’effaça pour me laisser voir l’intérieur :

— Le week-end dernier, m’sieur Soubeyras m’avait demandé d’entreposer là des vieux parpaings, qui traînaient depuis des lustres, de l’autre côté de la rivière. Il m’a même demandé d’en scier plusieurs en deux. J’ai pas trop compris pourquoi. Maintenant, je sais : il voulait se lester avec. Il avait calculé le poids dont il avait besoin pour couler. Je glissai un regard dans le réduit, sans m’attarder. Il était temps d’accepter le suicide de Luc. Je reculai, sonné.

— Comment a-t-il fixé ces pierres ?

— Avec du fil de fer qu’il a triplé pour qu’ça soit bien solide. À l’arrivée, ça lui faisait une espèce de ceinture de plomb, comme celles des plongeurs.

J’inspirai une grande bouffée d’air froid. Mon ventre était torturé par des morsures acides. La faim, le tord-boyaux, et aussi l’angoisse. Qu’était-il arrivé à Luc ? Qu’avait-il découvert pour vouloir en finir ? Pour abandonner sa famille et sa doctrine chrétienne ?

Le paysan referma la porte et demanda :

— Tout d’même, c’était votre pote, non ?

— Mon meilleur ami, répondis-je d’un ton absent.

— Vous aviez pas remarqué qu’il déprimait ?

— Non.

Je n’osai pas avouer à cet inconnu que je n’avais pas parlé à Luc — réellement parlé — depuis plusieurs mois, alors qu’un seul étage nous séparait. En conclusion, je demandai à tout hasard :

— À part ça, vous n’avez rien remarqué de bizarre ? Je veux dire : en repêchant le corps ?

L’homme en noir plissa ses petits yeux verts. Il semblait pris d’un nouvel accès de méfiance :

— On vous a rien dit pour la médaille ?

— Non.

Le jardinier s’approcha. Il évaluait ma surprise. Quand il fut fixé, il murmura tout près de mon oreille :

— Dans sa main droite, y avait une médaille. C’est ce que je suppose en tout cas. J’ai vu que la chaîne qui dépassait. Ses doigts, ils étaient serrés dessus.

Au moment du plongeon, Luc avait emporté un objet. Un fétiche ? Non. Luc n’était pas superstitieux. L’homme me tendit encore sa flasque, agrémentée d’un sourire édenté.

— Dites donc, pour un super pote, y vous faisait pas mal de cachotteries, non ?

<p>7</p>

L’hôpital principal de Chartres, l’Hôtel-Dieu, le bien nommé, se dressait au fond d’une cour ponctuée de flaques noires et d’arbres tronqués. Le bâtiment, crème et brun, évoquait de loin un gâteau Brossard, barré de bandes de chocolat.

Je dédaignai le double escalier extérieur, qui montait à l’accueil du premier étage, pour me glisser au rez-de-chaussée.

Je pénétrai dans un grand réfectoire. Dallage noir et blanc, voûtes et colonnes de pierre. Au bout, un porche éclaboussé de soleil donnait sur des jardins. Une infirmière passa. Je demandai à parler au médecin qui avait sauvé Luc Soubeyras.

— Je suis désolée : il est en train de déjeuner.

— À onze heures ?

— Il opère ensuite.

— Je l’attends ici, dis-je en sortant ma carte. Dites-lui d’emmener son dessert.

La jeune femme fila. Je détestais ces manifestations d’autorité mais à la seule idée d’affronter la cantine, ses cliquetis et ses odeurs de bouffe, je me sentais déjà mal. Quelques pas dans la salle.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

Un grand type en blouse blanche s’avançait vers moi, l’air furieux.

— Commandant Mathieu Durey. Brigade Criminelle de Paris. J’enquête sur le suicide de Luc Soubeyras. Vous l’avez accueilli hier dans votre service.

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