Читаем Le Serment des limbes полностью

Derrière ses lunettes, le médecin m’observait. La soixantaine, des cheveux blancs mal peignés, un long cou de vautour. Il dit enfin :

— J’ai envoyé mon rapport aux gendarmes hier soir.

— On ne l’a pas encore reçu à la BC, bluffai-je. Dites-moi d’abord pourquoi vous l’avez transféré à l’Hôtel-Dieu de Paris.

— Nous n’étions pas équipés pour un tel cas. Luc Soubeyras était policier, alors on a pensé que l’Hôtel-Dieu…

— On m’a dit que votre sauvetage tenait du prodige.

Le toubib ne put retenir un sourire d’orgueil.

— Luc Soubeyras revient de loin, c’est vrai. Quand il est arrivé ici, son cœur avait cessé de battre. Si on a pu le ranimer, c’est seulement grâce à un concours exceptionnel de circonstances.

Je sortis carnet et crayon.

— Expliquez-moi.

Le médecin carra ses mains dans ses poches et fit quelques pas en direction des jardins. Il se tenait voûté, presque cassé selon un angle de trente degrés. Je lui emboîtai le pas.

— Premier fait favorable, commença-t-il. Le courant a emporté Luc sur plusieurs mètres et il s’est cogné la tête contre un rocher. Il a perdu connaissance.

— En quoi est-ce favorable ?

— Quand on plonge sous l’eau, on retient d’abord sa respiration, même quand on veut se suicider. Puis, quand l’oxygène se raréfie dans le sang, on ouvre la bouche — c’est un réflexe irrépressible. On se noie en quelques secondes. Luc s’est assommé juste avant cet instant crucial. Il n’a pas eu le temps d’ouvrir la bouche. Ses poumons ne contenaient pas d’eau.

— De toute façon, il était asphyxié, non ?

— Non. En apnée. Or, dans cet état, le corps humain ralentit naturellement sa circulation sanguine et la concentre dans les organes vitaux : cœur, poumons, cerveau.

— Comme en hibernation ?

— Absolument. Ce phénomène a été encore accentué par le froid de l’eau. Luc a fait une hypothermie grave. Quand les sauveteurs ont pris sa température, elle était descendue à 34 degrés. Dans cette gangue de froid, le corps a capitalisé les parcelles d’oxygène qui lui restaient.

Je prenais toujours des notes.

— Combien de temps est-il resté sous l’eau, à votre avis ?

— Impossible à dire. Selon les urgentistes, le cœur venait tout juste de s’arrêter.

— Ils lui ont fait un massage cardiaque ?

— Non. Heureusement. Cela aurait été le meilleur moyen de briser cette espèce d’état de grâce. Ils ont préféré attendre d’être ici. Ils savaient que je pouvais tenter une technique spécifique.

— Quelle technique ?

— Suivez-moi.

Le toubib franchit le seuil puis longea un bâtiment moderne avant d’y entrer. Le bloc opératoire. Couloirs blancs, portes battantes, odeurs chimiques. Nouveau seuil. Nous étions maintenant dans une salle vidée de tout matériel. Seul un cube de métal, haut comme une commode, monté sur roulettes, occupait un pan de mur. Le toubib le tira puis l’orienta vers moi, révélant des rangées de boutons et de vumètres.

— Voilà une machine « by-pass ». En français : « circulation extracorporelle ». On l’utilise pour abaisser la température des patients avant une intervention importante. Le sang passe dans la machine, qui le refroidit de quelques degrés, puis est réinjecté. On pratique cette boucle plusieurs fois jusqu’à atteindre une hypothermie artificielle, qui favorise une meilleure anesthésie.

J’écrivais toujours, sans comprendre où l’homme voulait en venir.

— À l’arrivée de Luc Soubeyras, j’ai décidé d’essayer une technique récente, importée de Suisse. Utiliser cette machine de manière inverse : non plus pour réfrigérer son sang, mais pour le réchauffer.

Le nez dans mon bloc, j’achevai sa phrase :

— Et ça a marché.

— À cent pour cent. Quand Luc Soubeyras a été hospitalisé, son corps n’était plus qu’à 32 degrés. Au terme de trois circuits, nous avions atteint 35 degrés. À 37, son cœur s’est remis à battre, très lentement.

Je levai les yeux :

— Vous voulez dire que, pendant tout ce temps, il était… mort ?

— Sans aucun doute possible.

— À combien évaluez-vous cette durée ?

— Difficile à dire. Mais, globalement, environ vingt minutes.

Un détail me revint à l’esprit :

— L’intervention du SAMU a été très rapide. L’équipe ne venait pas de Chartres ?

— Encore un facteur positif. Ils avaient été appelés, pour une fausse alerte, dans la région de Nogent-le-Rotrou. Quand les gendarmes ont téléphoné, ils n’étaient qu’à quelques minutes du lieu de l’accident.

Je griffonnai deux lignes là-dessus puis revins aux réalités physiologiques :

— Une chose que je ne comprends pas. Le cerveau ne peut rester sans oxygène plus de quelques secondes. Comment l’organe a-t-il pu se réveiller après vingt minutes de décès ?

— L’organe cérébral a fonctionné sur ses réserves. À mon avis, il a été oxygéné durant toute la mort clinique.

— Cela signifie que Luc n’aura pas de séquelles à son réveil ?

L’homme déglutit. Il avait la glotte proéminente :

— Personne ne peut répondre à cette question.

Luc en chaise roulante, englué dans des gestes de limace. Je dus devenir livide. Le médecin me frappa gentiment l’épaule :

— Venez. On crève de chaud ici.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Утес чайки
Утес чайки

В МИРЕ ПРОДАНО БОЛЕЕ 30 МИЛЛИОНОВ ЭКЗЕМПЛЯРОВ КНИГ ШАРЛОТТЫ ЛИНК.НАЦИОНАЛЬНЫЙ БЕСТСЕЛЛЕР ГЕРМАНИИ № 1.Шарлотта Линк – самый успешный современный автор Германии. Все ее книги, переведенные почти на 30 языков, стали национальными и международными бестселлерами. В 1999–2023 гг. снято более двух десятков фильмов и сериалов по мотивам ее романов.Несколько пропавших девушек, мертвое тело у горных болот – и ни единого следа… Этот роман – беспощадный, коварный, загадочный – продолжение мирового бестселлера Шарлотты Линк «Обманутая».Тело 14-летней Саскии Моррис, бесследно исчезнувшей год назад на севере Англии, обнаружено на пустоши у горных болот. Вскоре после этого пропадает еще одна девушка, по имени Амели. Полиция Скарборо поднята по тревоге. Что это – дело рук одного и того же серийного преступника? Становится известно еще об одном исчезновении девушки, еще раньше, – ее так и не нашли. СМИ тут же заговорили об Убийце с пустошей, что усилило давление на полицейских.Сержант Кейт Линвилл из Скотланд-Ярда также находится в этом районе, но не по службе – пытается продать дом своих родителей. Случайно она знакомится с отчаявшейся семьей Амели – и, не в силах остаться в стороне, начинает независимое расследование. Но Кейт еще не представляет, с какой жутью ей предстоит столкнуться. Под угрозой ее рассудок – и сама жизнь…«Линк вновь позволяет нам заглянуть глубоко в человеческие бездны». – Kronen Zeitung«И снова настоящий восторг из-под пера королевы криминального жанра Шарлотты Линк». – Hannoversche Allgemeine Zeitung«Шарлотта Линк – одна из немногих мировых литературных звезд из Германии». – Berliner Zeitung«Отличный, коварный, глубокий, сложный роман». – Brigitte«Шарлотте Линк снова удалось выстроить очень сложную, но связную историю, которая едва ли может быть превзойдена по уровню напряжения». – Hamburger Morgenpost«Королева саспенса». – BUNTE«Потрясающий тембр авторского голоса Линк одновременно чарует и заставляет стыть кровь». – The New York Times«Пробирает до дрожи». – People«Одна из лучших писательниц нашего времени». – Journal für die Frau«Мощные психологические хитросплетения». – Focus

Шарлотта Линк

Детективы / Триллер
Агент на месте
Агент на месте

Вернувшись на свою первую миссию в ЦРУ, придворный Джентри получает то, что кажется простым контрактом: группа эмигрантов в Париже нанимает его похитить любовницу сирийского диктатора Ахмеда Аззама, чтобы получить информацию, которая могла бы дестабилизировать режим Аззама. Суд передает Бьянку Медину повстанцам, но на этом его работа не заканчивается. Вскоре она обнаруживает, что родила сына, единственного наследника правления Аззама — и серьезную угрозу для могущественной жены сирийского президента. Теперь, чтобы заручиться сотрудничеством Бьянки, Суд должен вывезти ее сына из Сирии живым. Пока часы в жизни Бьянки тикают, он скрывается в зоне свободной торговли на Ближнем Востоке — и оказывается в нужном месте в нужное время, чтобы сделать попытку положить конец одной из самых жестоких диктатур на земле…

Марк Грени

Триллер