Читаем Le passager полностью

— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?

Un embouteillage bloquait la bretelle de sortie. Anaïs sortit du véhicule et renoua d’un coup avec la météo merdique de la matinée. Ciel noir. Froid polaire. Rais de pluie qui s’abattaient comme des ciseaux. Main en visière, elle aperçut au loin un barrage de gendarmes.

Le Coz demanda :

— Je mets le deux-tons ?

Anaïs ne répondit pas. Elle évaluait les forces en présence. Pas un simple barrage routier. Des frises cloutées coupaient les voies. Des fourgons, gyrophares tournoyant en silence, stationnaient en épis. Les hommes n’étaient pas des gendarmes ordinaires. Vêtus de treillis noir, ils portaient des gilets pare-balles, des chasubles porte-équipement et des casques à visière blindée. La plupart tenaient des pistolets-mitrailleurs.

— J’y vais à pied, fit-elle en se baissant pour parler à Le Coz. Quand je te fais signe, tu déboîtes et tu rappliques.

Anaïs releva la capuche de la veste qu’elle portait sous son blouson de cuir et remonta la file de voitures. Elle grelottait. Tout en marchant, elle s’envoya une nouvelle goulée de sirop. Quand les hommes armés l’aperçurent, à cinquante mètres, elle brandit sa carte tricolore.

— Capitaine Anaïs Chatelet, de Bordeaux, hurla-t-elle.

Les hommes ne répondirent pas. Avec leur visière opaque, ils ressemblaient à des machines à tuer, noires, indéchiffrables, parfaitement réglées.

— Qui est le chef de groupe ?

Pas de réponse.

L’averse redoublait, ruisselant sur les écrans blindés des casques.

— Qui est le chef, nom de Dieu ?

Un homme, enveloppé dans un ciré de Gore-Tex, s’approcha.

— C’est moi. Capitaine Delannec.

— C’est quoi ce déploiement ?

— Ce sont les ordres. Un fugitif est dans la nature.

Anaïs abaissa sa capuche. La pluie crépita sur son front.

— Ce fugitif est mon suspect. Jusqu’à preuve du contraire, il bénéficie de la présomption d’innocence.

— C’est un forcené.

— Qu’est-ce que vous en savez ?

— Il a tué un clochard à Bordeaux. Il a participé au massacre de deux innocents à Guéthary. Et c’est un psychiatre.

— Et alors ?

— Avec ces gars-là, la camisole n’est jamais loin.

Anaïs n’insista pas.

— J’ai rendez-vous avec le commandant Martenot. On peut passer ?

Le nom agit comme un sésame. Anaïs fit signe à Le Coz qui remonta la rampe à contresens. Elle sauta dans la voiture et fit un signe de remerciement au connard.

— C’est pour Janusz ? demanda Le Coz.

Anaïs acquiesça, les dents serrées. Il disait Janusz. Elle pensait Freire. C’était toute la différence. Elle le revit avec son Coca Zéro à la main. Sa chevelure noire. Ses traits fatigués. Son air d’Ulysse sur le retour, épuisé, affaibli et en même temps enrichi, embelli par tout ce qu’il avait vu. Un homme qui avait la patine d’une sculpture ancienne. Il devait faire bon se réfugier dans ces bras-là.

Un souvenir précis traversa son esprit.

L’autre soir, sur le seuil de son pavillon, Freire lui avait murmuré :

— Un meurtre, c’est plutôt bizarre comme occasion de se rencontrer.

— Tout dépend de ce qui se passe ensuite.

Ils avaient alors laissé flotter entre eux ce point d’interrogation. La buée sortait de leurs lèvres et matérialisait cet avenir cristallin, diaphane, incertain. Tout dépend de ce qui se passe ensuite.

Ils étaient plutôt servis.

<p>40</p>

— T’EN MÊLE PAS.

La femme en était à son troisième coup dans la mâchoire. Elle refusait de tomber. L’homme changea de tactique. Il lui balança un crochet dans le ventre. Elle se plia en deux, donnant l’impression d’avaler son propre cri. La victime était un monstre. Laide, bouffie, crasseuse. Une gueule violacée, casquée de cheveux gras. Impossible de lui donner un âge. L’agresseur, un Noir à casquette, profita qu’elle s’était penchée. Il leva ses deux mains nouées en une seule masse et les abattit sur sa nuque de toutes ses forces. La femme s’écroula. Enfin. Aussitôt soulevée par une convulsion qui la fit vomir.

— Salope ! Dégueulasse !

Les coups de pied pleuvaient. Janusz se leva. Bernard lui attrapa le bras :

— Bouge pas, j’te dis ! C’est pas tes oignons.

Janusz se laissa retomber. Le spectacle était insoutenable. La sorcière avait un bras paralysé. Elle se protégeait le visage de l’autre et recevait les coups sans un cri, tressautant à chaque impact.

Quatre heures que Janusz accompagnait Bernard au hasard de ses pérégrinations et il en était à sa troisième baston. Ils avaient rejoint différents groupes, quitté une puanteur pour une autre. Janusz avait la sensation d’avoir de la merde dans les poumons, de la pisse dans les narines, de la crasse dans la gorge.

Ils s’étaient d’abord rendus place Victor-Gelu, où des sans-abri s’agglutinaient sous les porches. Personne ne l’avait reconnu. Il avait payé son coup. Posé des questions. Obtenu aucune réponse. Ils étaient passés au Théâtre du Gymnase, plus haut sur la Canebière. Ils n’étaient pas restés : les marches étaient occupées par des zonards, qui tabassaient un « nouveau ». Ils s’étaient perdus dans les ruelles du quartier jusqu’à atterrir rue Curiol, le fief des transsexuels.

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